Funky front covers Part VIII

Avec un peu de retard, voici enfin la huitième saison des Funky front covers © où rimeront cette année encore le bon goût, le glamour et le meilleur du pire et de l'insolite en matière de funky music from 70's-80's. 

Commençons en douceur avec un petit hommage référencé haut en couleurs avec un habitué des lieux : Rick James. 

  

Cronico Ristretto : Bestial Burden - Pharmakon (2014)

Découverte en première partie du concert des Swans de Michael Gira en septembre dernier, et nous rappelant au bon souvenir que la musique industrielle et bruitiste n'est pas l'apanage de la gent masculine, à l'instar des précurseurs Throbbing Gristle, Margaret Chardiet sous son patronyme Pharmakon sortait deux semaines après la dite date parisienne son second album, Bestial Burden.

Disque viscéral, cet album est né de la collusion entre l'organique et la musique industrielle à l'image de sa pochette. Inspiré par les récents problèmes de santé de Margaret Chardiet ; à quelques jours de sa première tournée européenne, les médecins lui diagnostiquèrent un kyste suffisamment gros et mal placé pour mettre en danger sa santé, Bestial Burden évoque l'un des thèmes principaux du film culte (et de SF préféré de miss Chardiet), The Thing de John Carpenter : « Man is the warmest place to hide ».  Du désir post-trauma de vouloir montrer le corps tel un morceau de chair qui peut vous trahir, Chardiet explore une nouvelle facette de sa musique : plus crue, organique donc, avec cette rage intacte en guise de ligne de conduite.

Zombie Birdhouse - Iggy Pop lost in Port-Au-Prince (1982)

Présenté sous l'étiquette forcée d'album culte, Zombie Birdhouse n'en demeure pas moins aujourd'hui, comme tant d'autres albums solo du chanteur des Stooges, un disque attachant. Foncièrement déglingué et suffisamment éloigné de ses précédentes productions new-wave, cet énième échec commercial n'a pourtant rien de la pépite cachée ou du chef-d'œuvre incompris. Plus proche du diamant brut sans en avoir forcément l'éclat, le disque appartient à la catégorie rare des œuvres dont les défauts et maladresses apportent paradoxalement un capital sympathie. Une exquise œuvre malade en quelque sorte ? Oui, mais n'allons pas trop vite...

Remercié manu militari par Arista Records après trois disques (New Values en 1979, Soldier en 1980 et Party en 1981), la fin de l'année s'avérait des plus difficiles pour Iggy Pop : sans label, quasiment à la rue, et en sus une addiction à l'héroïne persistante pour vous tenir compagnie les soirs d'hiver. La tête dans le caniveau, l'iguane accumule les tares : persona non grata et has been. Or, une fois encore, et en attendant le retour de l'ange blond nommé Bowie en 1983, l'histoire se répète. Iggy croise sur son chemin un vieux fan nommé Chris Stein, tête pensante de Blondie et propriétaire depuis peu d'un label indépendant, Animal Records. Passant dès lors les premiers mois de l'année suivante à New-York, Stein lui offre toute la latitude pour enregistrer un successeur à sa précédente trilogie, et tirer ainsi un trait sur l'image qu'il, ou son ancien label, voulait bien donner.

World Demise - Obituary (1994)

Milieu des années 90, le metal dit extrême est à un tournant de sa brève existence. Face à la surenchère de mise et à l'effet de mode qui commence à se dissiper, l'hégémonie du death metal vacille et connait ses dernières heures. Victime à la fois d'une certaine usure et d'une lassitude du public, le metal mortuaire allait céder sa place lors de la deuxième moitié de la décennie aux velléités black metal en provenance de l'Europe du Nord. Seul choix possible pour nombre de groupes à cette époque : tenir bon la barque, évoluer et/ou disparaître (momentanément) tel Obituary après la sortie de leur quatrième album, World Demise.

Après le succès de leur précédent effort, The End Complete, soit leur disque le plus vendu et un des best-sellers du genre (un peu plus d'un demi-million de copies à travers le monde), la formation de Tampa aurait sans doute gagné à jouer la facilité, le statu-quo et enclencher le pilotage automatique. Grave erreur. C'était sans compter la participation du guitariste Trevor Peres et du batteur Donald Tardy, l'année passée, au side-project de Mitch Harris (Napalm Death) nommé Meathook Seed. Témoins privilégiés des expérimentations d'Harris lors de l'enregistrement d'Embedded, les deux principaux compositeurs d'Obituary furent sans conteste marqués par cette aventure, et désireux de suivre ce même élan qui s'inscrivait également dans la même dynamique que suivaient d'autres formations de leur label, Roadrunner, et de manière plus générale certains groupes de death metal européen, en particulier le death'n'roll d'Entombed sur Wolverine Blues (1993) ou les premières aspirations industrielles de Napalm Death sur Fear, Emptiness, Despair (1994).

Avenue B - Iggy Pop (1999)

S'il apparaît simpliste et facile d'écrire que cet iguane a la peau épaisse, force est de constater qu'au gré d'une discographie post-Stoogiennes [1] des plus inégales et dans son ensemble anecdotique à deux trois exceptions , l'animal James Osterberg, plus connu sous le pseudonyme Iggy Pop, aura néanmoins démontré au fil du temps une véritable propension à la conservation ; increvable, inoxydable, sont les premiers mots qui viennent à l'esprit, quitte à endosser à terme le costume alimentaire de l’auto-parodie ? Or sortie de sa double collaboration 70's avec Bowie, The Idiot / Lust For Life, l'homme aura pourtant enregistré dans le meilleur des cas une poignée d'albums attachants, à défaut de marquer durablement un paysage et un public rock des plus versatiles. Loser magnifiquement suicidaire dans le foutraque Zombie Birdhouse (1982) après l'anonyme Party, la plupart des disques d'Iggy Pop, à partir des années 80 jusqu'au début des années 2000, suivent en général la même loi d'action-réaction, où chaque nouvel opus répond au précédent de manière antagoniste.

Après le contractuel Naughty Little Doggie, qui pouvait véritablement guetter un sursaut de la part du chanteur, du moins un dernier soubresaut avant un oubli embarrassant ? Surprise, Avenue B est son disque le plus singulier, voire personnel. Disque automnale (à quelques jours près) et introspectif, Iggy Pop aura finalement attendu la cinquantaine et la fin du millénaire pour opérer une nouvelle mue complète, en marge de ses précédentes productions : celui du crooner. Toutefois le crime était-il prémédité ? En quelque sorte, mais n'allons pas trop vite.

34.788%...Complete - My Dying Bride (1998)

Cinquième album de My Dying Bride, 34.788%...Complete a une double particularité : celle d'être un album controversé, et dans le cas présent, de faire figure de disque charnière. Exemple type de l'album métallique mésestimé à sa sortie, celui-ci n'aura pas attendu longtemps avant d'être cloué au pilori par la frange la plus conservatrice du public metal (pléonasme). Cependant My Dying Bride n'avait nullement enfreint les deux règles rédhibitoires du jugement metalfreak : ne pas céder aux sirènes du mainstream et ne pas signer sur une major (ce que firent « au hasard » leurs voisins Paradise Lost l'année suivante avec leur album Host, séquelle pop du déjà contesté One Second).

Non, l'accueil mitigé (second pléonasme) que reçut My Dying Bride fut davantage le fruit d'une incompréhension, voire d'une maladresse de la part des britanniques. D'une certaine manière victime de leurs élans progressistes et de cette nouvelle mue (trop) radicale, le groupe délaissa leur image gothique pour un son plus moderne, en adéquation avec le départ du violoniste et claviériste Martin Powell [1]. Dénigré à sa sortie, peu soutenu par une presse spécialisée réputée versatile, 34.788%...Complete avait qui plus est la sinistre réputation d'être responsable du départ du guitariste originel Calvin Robertshaw, co-producteur et compositeur principal [2] de l'opus, signant ainsi l'arrêt définitif des expérimentations de MDB.

Jack l'Éventreur - Jess Franco (1976)

Quatrième et dernière collaboration entre Klaus Kinski et Jesús Franco, ce Jack l'Éventreur mis en scène au milieu des années 1970 avait de quoi soulever moult interrogations. Réalisé sept années après leurs trois précédentes associations, Venus in Furs, Les nuits de Dracula et enfin Justine de Sade, où l'allemand incarnait le célèbre marquis, cette nouvelle adaptation des sinistres évènements qui ensanglantèrent le quartier londonien de Whitechapel se démarquait en premier lieu des productions franciennes de l'époque signées du suisse Erwin C. Dietrich. A l'orée de leur fructueuse contribution au genre Women In Prison, débutée l'année précédente par Frauengefängnis (Femmes en cage), et plus généralement à la sexploitation, Jack l'Éventreur faisait figure sinon d'élément discordant, du moins d'une volonté manifeste de vouloir toucher un plus large public. Avec dans le rôle principal un acteur aussi célèbre pour ses interprétations habitées que pour son comportement borderline, le réalisateur et le producteur s'offraient les moyens de leurs ambitions. D'une certaine manière. Mais n'allons pas trop vite...

Londres, fin du XIXème siècle. Un soir dans le quartier de Whitechapel, Sally Brown (Francine Custer) rejette les avances prononcées d'un client, semble t-il mal intentionné, avant de rejoindre ses pénates. Mais sur le chemin, la jeune prostituée croise la route du sinistre Jack l'éventreur (Klaus Kinski) qui emporte son cadavre dans un lieu tenu secret, un jardin botanique, où l'y attend son assistante Flora (Nikola Weisse). Au petit matin, il la charge de se débarrasser des restes de l'infortunée « poupée » dans la Tamise...

Live report : Bolt Thrower - Morgoth - Vallenfyre au Trabendo, Paris 30 septembre 2014

Non content d'avoir une affiche sonnant le grand retour des britanniques Bolt Thrower (en attendant un nouvel album studio qui se fait désirer depuis presque une décennie, leur dernier disque Those Once Loyal fêtant bientôt son neuvième anniversaire...), ce concert parisien s'annonçait mémorable, et cela bien avant la venue des trois formations mentionnées plus haut. Annoncé complet peu de temps après la mise en vente des places (dès fin juillet), le concert initialement prévu au Divan du Monde fut rapidement déplacé au Trabendo, soit une salle de plus grande capacité ayant l'avantage supplémentaire d'offrir aux retardataires l'opportunité d'acquérir leurs précieux sésames. Une soirée marquée comme il se doit par le sceau du death metal old school, et son lot de trentenaires et autres quadras venus en masse se rappeler au bon souvenir de leurs premiers émois deathmétalliques.

 
Vallenfyre : Greg Mackintosh (à gauche) et Hamish Glencross (à droite)

Live report : Swans - Pharmakon à La Maroquinerie, Paris 28 septembre 2014

Après son passage acoustique en mars dernier à l'église Saint Merry, Michael Gira accompagné cette fois-ci de son groupe les Swans faisait son escale parisienne annuelle à La Maroquinerie pour deux dates dans le cadre de la tournée mondiale en support à la sortie en mai dernier de l'album To Be Kind.

En guise de mise en bouche, Margaret Chardiet alias Pharmakon et son électro industriel avait la charge de faire patienter le public venu en masse. Responsable de deux albums, Abandon en 2013 et Bestial Burden qui devait sortir quinze jours plus tard (soit le 14 octobre 2014), la jeune femme fit étalage durant un court set de trente minutes de son savoir faire bruitiste, avec en sus promenade dans le public micro à la main. Boucles hypnotiques, rythmiques noisy, chant viscéral, la musique de Pharmakon marqua sinon les esprits, du moins donnait suffisamment envie au préposé de découvrir l'univers et les disques de cette new-yorkaise.

 

Carlos Santana & Buddy Miles! Live! - Carlos Santana and Buddy Miles (1972)

Le refrain n'a rien d'original et a déjà été évoqué par le passé ici-même : les albums de rock enregistrés en public sont par nature anecdotiques. L'assertion apparaît de prime abord gratuite, et mériterait un billet complet et justifié. Pourtant force est de constater que contrairement au jazz par exemple, le rock s'est initialement construit en studio, profitant souvent des nouveaux apports et autres avantages technologiques que pouvaient lui apporter ce dernier.

Produits à moindre coût [1], ces disques live sont au mieux le témoignage sonore à un instant « t » d'un artiste, au pire un prétexte contractuel entre l'artiste et son label [2] afin de faire patienter le public avant le prochain album studio, et/ou de profiter commercialement de la popularité dudit artiste pour distribuer une compilation déguisée. Certes, de nombreux contre-exemples tendent à infirmer ces propos (au hasard Live at the Fillmore East de The Allman Brothers Band ou In Case You Didn't Feel Like Showing Up de Ministry), mais avouons tout de même que cet arbre, qui peut prendre la forme d'un plaisir coupable, cache en réalité une forêt pétrifiée. Artistiquement stérile, l'album rock live n'a pas vocation à être synonyme avec prise de risque ou nouveauté. Or si le disque Carlos Santana & Buddy Miles! Live! peut difficilement prétendre à être en premier lieu un incontournable dans la discographie du guitariste moustachu, celui-ci a le mérite d'offrir une facette méconnue et une transition avant sa mue nommée Caravanaserai.

La bête d'amour (Tanya's Island) - Alfred Sole (1980)

Il est des films, au-delà de leur supposé qualité, qui suscitent plus que d'autres une curiosité, un intérêt qui grandit au fil du temps, voire une frustration inassouvie depuis la découverte de leur titre français et une photo illustrative qui a accompagnée, dans un passé plus ou moins lointain, un court article dans un ancien numéro de Mad Movies. Laissant entrevoir de multiples possibilités, Tanya's Island, longtemps indisponible en DVD [1], s'inscrivait par conséquent dans cette catégorie floue du film fantasmé. Réalisé par l'auteur du remarqué thriller Alice Sweet Alice (1976) avec la débutante Brooke Shields [2], le troisième métrage d'Alfred Sole avait de solides arguments pour assouvir une saine déviance filmique, ou la relecture du mythe de La Belle et la Bête sur une île paradisiaque avec jeune femme fortement dévêtue en sus.

Tanya (Vanity) est une mannequin à la vie sentimentale compliquée. Déchirée entre son métier et sa relation conflictuelle avec son compagnon et peintre Lobo (Richard Sargent), la jeune femme doit faire un choix si elle veut continuer dans le mannequinat, comme lui indique la productrice Kelly (Mariette Lévesque). Après une énième dispute avec son petit ami, Tanya rentre chez elle se coucher. Au matin, elle se réveille sur une île déserte, Lobo à ses côtés. Si les premiers jours apparaissent idylliques, Tanya s'ennuie rapidement, son homme étant davantage intéressé par la peinture. Au cours d'une journée, la belle s'échappe à cheval et découvre un gorille aux yeux bleus (?!) dans une grotte (?!!), qu'elle baptise dans un accès d'originalité Blue. Mais une fois découverte, cette amitié n'est pas du goût du possessif Lobo...

Dark Side of the Spoon - Ministry (1999)

A l'image de son leader Al Jourgensen, Ministry aura connu au cours de son existence moult mutations. De la new wave des débuts, à la transition EBM, jusqu'à l'émergence du metal industriel dont la formation fut l'un des fondateurs, l'histoire du groupe peut se définir par cycle. Après le séminal The Land of Rape and Honey (1988), et sa séquelle The Mind Is a Terrible Thing to Taste l'année suivante, Psalm 69: The Way to Succeed & the Way to Suck Eggs (1992) marqua pour Ministry, devenu entre temps entité bicéphale depuis l'arrivée du bassiste Paul Barker en 1986 [1], la fin de leur premier cycle industriel. Disque de platine aux États-Unis, le disque concrétisait la montée en puissance métallique de ces freaks, en leur ouvrant les portes d'une reconnaissance publique paradoxalement opposée aux usages en cours [2]. Fort de ce succès et de la récente popularité du genre au milieu des années 90, avec en point d'orgue The Downward Spiral (1994) de Nine Inch Nails, le nouveau disque devait asseoir un peu plus la notoriété du duo. Mais peu enclin à se répéter, la paire prit sinon le contrepied, du moins s'éloigna suffisamment de la formule gagnante de 1992 pour en refroidir plus d'un.

Janvier 1996, Ministry brisait enfin le silence avec Filth Pig. Quatre longues années d'attente et de retard [3] qui permirent finalement au groupe de rabattre les cartes et débuter une nouvelle trilogie, qui se conclura par le départ de Barker en 2003 après l'album Animositisomina et leur Fornicatour. Trois albums qui furent dans leur ensemble mal perçus et conjointement sous-estimés par la critique et le public. Deuxième volet de ce cycle maudit et dernier album studio pour Warner Bros [4], l'ironique Dark Side of the Spoon s'inscrivait dans la lignée de son prédécesseur sorti trois ans plus tôt, un metal industriel organique jouant désormais à élargir la palette de ses influences.

Third - Portishead (2008)

Onze années séparaient la sortie de leur éponyme deuxième album et Third. Premier constat, le trio Beth Gibbons / Geoff Barrow / Adrian Utley aura pris son temps [1]. Une décennie synonyme de pause ou de mis en suspens qui pouvait laisser planer le doute sur les intentions de Portishead, eut égard aux différents précédents qu'offrit la musique populaire ces quarante dernières années [2].

Or à l'instar de la pochette, le titre de l'album souligne un minimalisme bienvenu, et une sobriété finalement en accord avec la ligne de conduite à laquelle s'est toujours tenue la formation de Bristol. Enfin remarque annexe en guise de préambule, le titre Third fait irrémédiablement penser à un autre album, celui de Soft Machine. Et à défaut d'y voir une coïncidence, force est de constater dès à présent que ces deux disques s'ils n'ont que peu de points communs formels, se rejoignent sur le fond : l'intégrité des protagonistes et la remarquable qualité du dit album. Mais n'allons pas trop vite.

El siniestro doctor Orloff - Jess Franco (1982)

Cinéaste de l'obsession, Jess Franco œuvra toute sa vie à la perpétuelle relecture de sa filmographie. L'horrible docteur Orlof qui était déjà lui même une réappropriation des Yeux sans visage de George Franju, fut ainsi l'acte premier de cet immuable mouvement récréatif dès 1961. Loin d'être synonyme de facilité, ces révisions attestèrent au contraire, dans leur grande majorité, de la vitalité d'un réalisateur à la recherche d'une nouvelle forme, entre abstraction et frénésie érotomane, à l'image du Portrait de Doriana Gray, relecture contemplative et hallucinée de La comtesse noire mise en scène deux années plus tôt en 1973.

Nouvelle décennie, nouvelle donne, les années 80 sonnèrent le retour de Jess Franco sur ses terres natales. Affranchie du poids de la censure, l'Espagne lui offrait désormais un espace de liberté qui l'incita à revisiter quelques uns de ses films fondateurs. En 1981, il mettait ainsi en scène l'hallucinatoire et hypnotique Macumba Sexual, relecture de son culte Vampyros Lesbos, avec Lina Romay et Ajita Wilson. L'année suivante, entre deux films érotiques et autres bisseries, le madrilène sortait de sa retraite son torturé docteur [1], accompagné cette fois-ci de son fils tout aussi tourmenté, interprété respectivement par Howard Vernon et Antonio Mayans.

Joë Caligula - Du suif chez les dabes - José Bénazéraf (1966)

Cinéaste atypique, José Bénazéraf n'aura pas attendu la décennie 70, et son glissement progressif vers la pornographie, pour connaitre les affres de la censure. Tourné en 1966, Joë Caligula, sous-titré Du suif chez les dabes, fut interdit [1] par la Commission de contrôle des films cinématographiques en date du 22 juin 1966, celle-ci goûtant peu sa violence, ses tortures et son érotisme. Ressortie toutefois dans l'hexagone en janvier 1969 dans une version expurgée de ses scènes les plus « immorales », le long métrage originel s'inscrit idéalement dans le style anticonformiste des jeunes années de son auteur où se croisent truands et marginaux.

Joë Silverstein surnommé Caligula (Gérard Blain) et sa bande ont quitté Marseille pour semer le trouble sur Paris. Décidés à mettre sous leur coupe la Capitale, leurs méthodes expéditives mettent à mal les affaires de la pègre locale. Entre jeunes branchés sans foi ni loi et vieux caïds rangés, la guerre est rapidement déclarée.

Shakti - Shakti with John McLaughlin (1976)

1975, le Mahavishnu Orchestra est à bout de souffle. Depuis 1971 et sa création par John McLaughlin avec Billy Cobham, Jerry Goodman, Jan Hammer et Rick Laird, ne reste plus que son leader guitariste. Si la seconde formation du groupe n'a pas sorti de disques foncièrement mauvais, la troisième et ultime expression, responsable de l'album Inner Worlds, affiche désormais un groupe fatigué, à l'instar du genre jazz-rock / fusion dont ils furent les grands initiateurs, soit quatre années seulement après le séminal The Inner Mounting Flame. En attendant la sortie officielle de ce dernier enregistrement début de l'année suivante, McLaughlin s'attelle déjà en 1975 à un nouveau projet, quitte à surprendre et dérouter les amateurs de jazz électrique pompier : Shakti.

Accompagné à présent de musiciens indiens, Zakir Hussain au tabla, L. Shankar (neveu de Ravi) au violon, R. Raghavan au mridangam et T.S. Vinayakaram au ghatam et mridangam, McLaughlin souhaite rendre hommage à la musique traditionnelle indienne. Délaissant sa célèbre guitare électrique à double manche, les préceptes du gourou Sri Chinmoy et son patronyme Mahavishnu, le gentleman anglais n'aura jamais été aussi proche de l'Orient.

Cause of Death - Obituary (1990)

Auréolé du succès de leur remarqué premier album sorti une année plus tôt, Slowly we rot, le nouveau disque d'Obituary était sans conteste un des plus attendus par le petit, et néanmoins turbulent, monde du death metal. Pouvait-il en être autrement ? Propulsés nouveaux hérauts du genre en cette fin de la décennie 80, nos cinq rednecks en provenance de Tampa avaient, à forte raison, marqué les esprits. En poussant d'un cran l'extrémisme metal [1], les floridiens devinrent dès leur premier opus l'un des leaders naturels de cet émergent et bruyant genre musical, Cause of Death devant dès lors confirmer les espoirs nécrologiques portés en eux.

Or la tâche pouvait s'avérer sinon ardue, du moins apparaître compliquée, le groupe perdant coup sur coup deux de ses membres avant l'enregistrement de ce deuxième album : leur bassiste Daniel Tucker parti on ne sait où, et plus grave, leur guitariste soliste Allen West. Pour les remplacer, le trio central du groupe, formé par les frères Tardy et Tevor Peres, jette leur dévolu sur le bassiste Frank Watkins et sur le guitariste James Murphy, à savoir l'étoile filante du death, tout juste remercié par le parrain Chuck Schuldiner après Spiritual Healing.

Sacco et Vanzetti - Giuliano Montaldo (1971)

Ancien assistant de l'engagé Gillo Pontecorvo pour Kapò et La bataille d'Alger, le cinéaste et scénariste italien Giuliano Montaldo s'attela à mettre en scène pour son sixième long métrage un sujet controversé, en échos aux sinistres « années de plomb » que traversèrent la péninsule italienne à l'orée des années 70 : la controverse judiciaire qui vit condamner à mort pour meurtres et vol à mains armées, cinq décennies plus tôt, deux anarchistes italiens en raison de leurs convictions politiques. Incarnés par Riccardo Cucciolla, qui remporta le prix d'interprétation au Festival de Cannes en 1971, et par la figure du cinéma politique italien des années 70, Gian Maria Volontè [1]Sacco et Vanzetti retrace le destin tragique de ces deux hommes. A redécouvrir en salle ce mercredi en copie restaurée. 

Avril 1920, Massachusetts. Deux employés d'une manufacture de chaussures située à South Braintree perdent la vie suite à un braquage. La police trouve rapidement une piste du côté d'un réseau d'anarchistes italiens. Nicola Sacco (Riccardo Cucciolla) et Bartolomeo Vanzetti (Gian Maria Volontè), respectivement cordonnier et marchand de poissons ambulant, deviennent les principaux suspects de ce double meurtre. Soupçonnés sans aucune preuve de leur implication directe, les deux hommes assistent impuissants à leur procès. Il sont condamnés à la peine capitale. Or les nouvelles de preuves et les approximations des témoins découvertes par leurs avocats pourraient basculer leur prochain appel en leur faveur...

Cronico Ristretto : Spaces - Larry Coryell (1970)

Guitariste reconnu par ses pairs comme un des plus influents de sa génération, Larry Coryell n'en reste pas moins peu familier du grand public. Pionnier du jazz rock avec son groupe The Eleventh House, il est toutefois dommage de cantonner l'homme à son seul passé seventies tant sa grande versatilité lui permit de côtoyer nombre de musiciens prestigieux dans des styles très différents. De ses débuts avec le quintet de Chico Hamilton au milieu des années 60, Coryell s'émancipe rapidement et signe un premier disque solo en 1968 intitulé Lady Coryell. L'année suivante, le guitariste rencontre la future crème du jazz électrique.

Pour ce nouveau album nommé Spaces, Larry Coryell s'adjoint en effet les services de sidemen dont les CV ont de quoi faire pâlir aujourd'hui : deux membres de la formation de Miles Davis, le guitariste John McLaughlin et le pianiste Chick Corea, plus un batteur prochainement recruté par l'ombrageux trompettiste, Billy Cobham, et enfin le bassiste prodige Miroslav Vitous [1]. Une dream team pour un jazz électrique de première qualité ? La réponse est foncièrement affirmative.

The Omen (La malédiction) - Richard Donner (1976)

Sorti dans les salles obscures au Royaume-Uni le 6 juin 1976 (les amateurs apprécieront l'opportunisme mercantile et la juxtaposition des trois 6), La malédiction de Richard Donner est un classique du cinéma d'horreur des années 70. Premier volet d'une trilogie [1] cinématographique narrant l'ascension et la chute du fils du diable, ce long métrage n'avait d'autre ambition que d'offrir au public chrétien sa dose de peur apocalyptique, et à la Fox, productrice du métrage, de profiter du précédent succès signé par la Warner, L'exorciste de William Friedkin, sorti trois années plus tôt. Par sa mise en scène signée par un « jeune » cinéaste de 46 ans, ayant davantage fait ses armes à la télévision [2], son scénario écrit par un quasi débutant en matière de fiction [3], et son casting hollywoodien pré-gériatrique, The Omen avait de quoi frustrer, sur le papier, le déviant lambda. Mais n'allons pas trop vite...

Rome, un 6 juin à 6h du matin, meurt à la naissance le fils de l'ambassadeur étasunien Robert Thorn (Gregory Peck). Le père Spiletto le convint d'adopter secrètement à l'insu de sa propre femme un orphelin dont la mère vient de mourir en couche. Robert et Katherine Thorn (Lee Remick) prénomment leur fils Damien. Tandis que l'enfant grandit sans souci, d'étranges phénomènes gravitent autour de l'enfant âgé désormais de cinq ans, tel le suicide inexpliqué de sa gouvernante le jour de l'anniversaire du jeune garçon. Mis en garde par le père Brennan (Patrick Troughton) à propos de l'origine mystérieuse de son fils adoptif, puis par le photographe Keith Jennings (David Warner), Robert Thorn va découvrir peu à peu prendre conscience de l'effroyable vérité : Damien n'est autre que l'Antéchrist...

Cronico Ristretto : Ming - David Murray (1980)

Découvert sur le tard par le préposé lors de la sortie de son excellent album Qwotet, ou une relecture jazz de la musique créole (1), celui-ci garde également un souvenir mémorable de la prestation du monsieur lors de la tournée du dit album : charismatique, inspiré et maitre de son instrument sachant s'entourer de sidemen de qualité dont un jeune guitariste de 20 ans tout bonnement bluffant.

Jeune musicien précoce, David Murray le fut aussi. Débarquant à New-York à tout juste 20 ans, le saxophoniste fait rapidement parler de lui, aidé par l'agent de l'écrivain Stanley Crouch, son colocataire. Dans le sillage de ces illustres aînés, Archie Shepp et Albert Ayler, le jeune Murray évoque les mêmes qualités expressionnistes et le même pouvoir d'abstraction. A 21 ans, il enregistre ses deux premiers disques, Flowers for Albert (Ayler of course) et Low Class Conspiracy. De plus en plus prothéiforme, il intègre le prestigieux World Saxophone Quartet de Julius Hemphill, puis diverses formations à géométrie variable, du big-band à l'octet jusqu'au trio.

Jodorowsky's Dune - Frank Pavich (2013)

Présenté à La Quinzaine des réalisateurs, le documentaire de Frank Pavich, Jodorowsky's Dune, fut l'un des événements de l'avant dernier Festival de Cannes. Gravé dans l'inconscient collectif comme un chef d'oeuvre inachevé, resté à l'état d'embryon faute de financement supplémentaire, l'adaptation du roman culte de Frank Herbert par Alejandro Jodorowsky aura suscité et nourri nombre de fantasmes depuis quatre décennies. Pouvait-il en être autrement compte tenu de l'ambition démesurée du chilien, du casting retenu et des personnes impliquées dans ce projet bigger than life pour reprendre l'expression anglophone ? A charge pour Frank Pavich, déjà auteur à l'âge de 22 ans du documentaire N.Y.H.C retraçant l'histoire du hardcore new-yorkais, de nous conter à partir des interviews des protagonistes de l'époque, cette aventure humaine commencée en 1973.

« Je voulais faire un film qui donnerait aux personnes les hallucinations du LSD sans en prendre. [...] je voulais fabriquer les effets de la drogue. [...] Ce que je voulais c'était créer un prophète ».

Une introduction qui en dit long sur la vision de Jodorowsky. Dune devait lui permettre d'aller encore plus loin que ces précédents longs métrages. Désireux à la fois d'ouvrir de nouvelles perspectives, et de toucher au sacré par la venue de ce dieu artistique, la tâche du réalisateur d'El Topo s'avérait ardue et allait prendre la forme d'un combat.

Slowly We Rot - Obituary (1989)

Du premier album d'Obituary, le préposé se souvient de cette introduction lugubre, de ce soupir malsain plongeant immédiatement l'auditeur dans l'univers sonore d'un film gore eighties ; avant ce choc, cette voix unique et écorchée sortie d'outre tombe. Découvert en retard, soit cinq années après sa sortie en 1989, ce disque au titre fleurant bon la décomposition, Slowly We Rot, fut le billet d'entrée du préposé pour le death metal, ou l'un des mouvements musicaux les plus bouillonnants que connut la musique underground à la fin des années 80 - début des années 90.

Détail pittoresque pour présenter cette époque turbulente, ce metal mortuaire adolescent trouve son berceau en un lieu précis, terre d'accueil des retraités étasuniens et plus populaire pour son soleil et son climat subtropical que pour sa musique extrême : La Floride. La ville de Tampa fut ainsi de manière surprenante à la fois le point de concentration de nombre de formations de ce mouvement naissant : Death, Obituary, Morbid Angel, Deicide, Nocturnus, Malevolent Creation, Atheist, Massacre [1], et également le point de ralliement de la scène nationale puis internationale avec les studios Morrisound Recordings des frères Morris, véritable architecte sonore des premiers enregistrements du genre.

Live report : Sun Râ Arkestra - New Morning, Paris, 23 juin 2014

Cent ans aurait eu Sun Râ cette année. Or vingt et un ans après sa disparition, et un premier (court) passage de témoin par le saxophoniste ténor John Gilmore (1), l'Akestra du Roi Soleil continue son chemin depuis presque deux décennies sous la conduite du saxophoniste alto Marshall Allen. De passage à Paris au cours d'un Jubilee Tour mondial des plus enthousiasmants, de l'Australie à l'Europe en passant par le Japon en juillet prochain, sans oublier New-York et Philadelphia en avril dernier (2), les quatorze musiciens du Sun Râ Arkestra atterrirent ce 23 juin sur la scène du New Morning.

 
Marshall Allen et Tara Middleton

Cutter's Way - Ivan Passer (1981)

Parmi les anti-héros méconnus du cinéma étasunien, Alex Cutter à l'instar de son réalisateur, le tchèque Ivan Passer, fait figure d'oublié. Tiré du film adapté du roman de Newton Thornburg, Cutter and Bone, renommé quelques temps après sa sortie Cutter's Way par United Artists (mais n'allons pas trop vite), ce personnage interprété par John Heard [1] s'inscrit dans les nombreux portraits de marginaux, miroir d'une Amérique en perdition, qui traversèrent le cinéma 70's hollywoodien (L'épouvantail, Taxi Driver, etc.). Victime collatérale des déboires financiers et organisationnels du studio créé en 1919, et apparu en sus à l'orée du Reaganisme triomphant, le long métrage non content de connaitre une sortie limitée, reçut sans surprise des critiques mitigées en 1981. Réévalué depuis [2], ce cinquième film américain de l'ancien scénariste, compatriote et compagnon de route des jeunes années de Milos Forman, est à redécouvrir depuis mercredi en copie restaurée dans les salles obscures.

Une nuit, après avoir quitté l'hôtel El Encantado, et la dame d'un soir venue recevoir les hommages intéressés de ce gigolo en dilettante, et accessoirement vendeur de bateaux de plaisance, Richard Bone (Jeff Bridges) tombe en panne de voiture dans une ruelle de Santa Barbara. Immobilisé, il croise une voiture qui manque de l'écraser en quittant les lieux à toute vitesse, son conducteur ayant auparavant déposé un mystérieux colis dans une poubelle. Surpris par une averse aussi violente que soudaine, Bone s'échappe sans avoir eu le temps de satisfaire sa curiosité, et part rejoindre son meilleur ami Cutter (John Heard), un vétéran revenu infirme du Vietnam. Le lendemain, des policiers viennent recueillir sa présence. Il est soupçonné du meurtre et du viol d'une pom-pom girl de 17 ans retrouvée à l'aube à l'endroit où il faillit être renversée. Une fois libéré et lavé de tout soupçon, Bone rejoint Cutter et son épouse Mo (Lisa Eichhorn) pour la parade espagnole organisée par la communauté hispanique de Santa Barbara. Dans le cortège, il croit reconnaitre le coupable entraperçu la veille, J. J. Cord (Stephen Elliott), le magnat de la ville. Cutter décide de mener l'enquête...

Live report : Rodolphe Burger & Philippe Poirier - Explicit Lyrics #1 - 20 juin 2014

« C'est la radio qui m'a appris la mort de Billy the Kid »

Ce vendredi 20 juin 2014 avait une saveur particulière pour le préposé à la chronique : la réunion des deux guitaristes de feu Kat Onoma, Rodolphe Burger et Philippe Poirier, autour d'un hommage au poète étasunien Jack Spicer. Disparu en 1965 à l'âge de quarante ans, ces écrits inspirèrent de nombreuses chansons à la formation strasbourgeoise, dont leur concept album paru en 1993, Billy The Kid. Une soirée mémorable, et le premier volet d'une série de trois concerts [1], du 20 au 22 juin, où les deux anciens membres de Kat Onoma ressuscitèrent le répertoire du groupe dont les paroles étaient signées Spicer. 

Ainsi pour le préposé, qui n'avait jamais eu l'occasion de voir de son vivant ce groupe culte dissous au milieu des années 2000, découvrir sur la scène de la Maison de la poésie à Paris, ces deux musiciens de nouveau réunis, relevait sinon du miracle, du moins d'une émotion non feinte, les trois concerts du week-end étant tous dédiés au regretté Guy "Bix" Bickel, trompettiste de Kat Onoma disparu en avril dernier.

Sextant - Herbie Hancock (1973)

La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est pourtant ce que fit Herbie Hancock avec Sextant.

Rappel des faits. Après sept albums sur le mythique label Blue Note, l'ancien pianiste de Miles Davis enregistre pour Warner Bros trois albums de 1969 à 1972 : Fat Albert Rotunda, Mwandishi et Crossings. A l'instar des musiciens ayant gravité autour de l'astre noir Davisien, Hancock reste profondément marqué par la démarche moderniste de son ancien leader. Peu enclin à l'origine à jouer de l'orgue électrique lors de l'enregistrement du séminal Miles in the Sky, premier album de jazz électrique du trompettiste et dernier album du mythique second quintet [1], Hancock s'attèle à partir de 1968 à expérimenter les nouvelles potentialités que peut lui offrir la fée électricité (son dernier album pour Blue Note, The Prisoner confirme ses nouvelles orientations).

Live report : Radio Moscow • Black Bombaim • Black Willows au Glazart - 4 juin 2014

Découvert en 2010 lors de la sortie de leur formidable Saturdays and Space Travels, le trio lusitanien Black Bombaim a fait escale à Paris mercredi dernier accompagné des suisses Black Willows, et en première partie ce soir là à la tournée européenne des étasuniens Radio Moscow. Une affiche sous le signe du psychédélisme au Glazart, qui aura prouvé une fois encore que l'acid rock sous toutes ses formes a encore de beaux restes en 2014.

Venus de Lausanne, les trois musiciens de Black Willows ouvrirent le bal stoner à grand renfort de riffs plombés et d'atmosphères planantes. Le trio présent offrit une prestation marquante d'une quarantaine de minutes, et cela en dépit de l'absence de leur second guitariste Mélanie Renaud. Formation à suivre depuis la sortie de leur album Haze l'année dernière, la musique des suisses évoque autant les envolées méditatives des premiers Om que les instrumentaux kyussiens de Colour Haze.

 
Mister Aleister Crowley

Les salauds dorment en paix - Akira Kurosawa (1960)

Présenté en avant-première en Europe lors du Festival international du film de Berlin en 1961, Les salauds dorment en paix d'Akira Kurosawa est sans conteste l'une de ses œuvres majeures, et paradoxalement l'une des moins connues du grand public. Situé chronologiquement entre La forteresse cachée et Yojimbo, si ce long métrage a pâti de la popularité de ces deux grands succès, son sujet contemporain très éloigné des films de sabre qui firent la renommée de son auteur, conféra sans nul doute à celui-ci une portée moindre.

Premier film produit par Kurosawa Production [1], Les salauds dorment en paix s'inscrivent comme l'adaptation la plus libre et personnelle d'Hamlet, après celle de Macbeth pour Le Château de l'araignée trois années auparavant [2]. Entouré des fidèles Toshirô Mifune et Takashi Shimura, le cinéaste profita de l'espace de liberté, que lui offrit sa société de production nouvellement créée, pour mettre en scène un long métrage acerbe, entre film noir et drame social. Enfin, point notable à porter au crédit au réalisateur et à sa critique de la corruption, qui régnait chez les hauts fonctionnaires et dans le milieu des affaires depuis l'après-guerre, Les salauds dorment en paix précéda de quelques années les premiers scandales politico-financiers qui touchèrent l'archipel nippon dans les années 60.

A Touch of Sin (Tian Zhu Ding) - Jia Zhang-ke (2013)

Cinq années après son dernier film, 24 City, le réalisateur chinois Jia Zhang-ke revenait sur le devant de la scène, après plusieurs documentaires et courts métrages, en 2013. Un retour d'autant plus marquant et inattendu que le nouveau long métrage nommé A Touch of Sin, prix du scénario au festival de Cannes, s'avère l'essai le plus sombre du cinéaste. Loin du lyrisme de ses précédentes œuvres, et s'inspirant de récents faits divers extrêmement violents qui se sont déroulés en Chine, Zhang-ke signait un métrage critique et radical, dont on ne sait par quel miracle, celui-ci a réussi à passer à travers les filets de la censure.

Scindé en quatre histoires indépendantes situées dans quatre régions différentes, A Touch of Sin relate les mésaventures de personnages en marge de cette nouvelle société chinoise consumériste. A l'exception du deuxième chapitre qui met en scène la variation la plus cynique (et moins réussie), quand l'acte de résistance d'un travailleur migrant prend la forme d'une terreur armée et arbitraire, les trois autres épisodes narrent davantage le portrait d'humiliés aux prises avec une fatalité d'origine sociale dans cette Chine néo-capitaliste et individualiste.

Eurociné 33 Champs-Elysées - Christophe Bier (2013)

« La vie amoureuse de l’homme invisible, Des filles dans une cage doréeDeux espionnes avec un petit slip à fleur, [...], Panther squad, ces films rapidement tournés, à très faible coût, exploités jusqu'au déclin des salles de quartier au milieu des années 80, ne sont pas plus exotiques pour nous qu'A bout de souffle et Les enfants du Paradis. Ce sont des œuvres françaises [...] produites par une seule firme : EUROCINÉ ». C'est par cette brillante introduction que le bienveillant Christophe Bier ouvre ce documentaire, qui fera date chez tous les amateurs de cinéma Bis. Diffusé en avant-première lors d'une des inénarrables soirées Cinéma Bis à la Cinémathèque française, et dans le cadre d'un double programme [1] consacré à cette sacro-sainte société de production hexagonale, Eurociné 33 Champs-Elysées n'est rien de moins qu'une œuvre de salut public, ou l'histoire de ce singulier studio français au rayonnement international. 

En complément à une précédente chronique, il était en effet grand temps que le préposé docteur s'attarde un moment sur le cas Eurociné, et son fameux fondateur Marius Lesoeur. Et si l'envie l'avait déjà titillée lors de la diffusion du dit documentaire, en présence de son auteur et de Daniel Lesoeur, un soir de mars 2013 (le 22 pour être précis), il aura néanmoins fallu sa publication en support DVD chez RDM Edition pour le pousser enfin à écrire ces quelques lignes. 

Névrose - La chute de la maison Usher (Neurosis) - Jess Franco (1983)

L'histoire est connue. Jesús Franco dut attendre le crépuscule de sa vie pour être enfin reconnu comme un cinéaste digne d'intérêt. Célébré à l'origine par une poignée d'irréductibles, sa « frénésie érotomane et expérimentale », pour reprendre les mots justes de Jean-François Rauger, fit l'objet d'une réévaluation tardive avec en point d'orgue en 2008, une rétrospective à la Cinémathèque française, et l'année suivante un Goya pour l'ensemble de son œuvre. Chantre d'un cinéma singulier, Franco réalisa la plupart de ses films dans des conditions extrêmement contraignantes : des budgets anémiques attachés à des productions, dont le but premier était avant tout d'approvisionner les cinémas de quartier. Or bien que les prérequis du cinéma Bis lui permirent de laisser libre cours à ses obsessions, dans le respect du cahier des charges bisseux, Franco dut également composer avec les méandres, parfois obscures, de la censure. Dès lors, non content d'avoir une des filmographies les plus riches de l'histoire du cinéma, il n'est pas rare chez Franco de dénombrer pour un même film pléthore de copies différentes (habillées ou non, avec inserts pornographiques ou non, etc.) en fonction des pays et des éditions.

La chute de la maison Usher, intitulé également Névrose, est à ce titre un cas d'école. Mis en scène pour le compte de la fameuse Eurociné de Marius Lesoeur, vieux compagnon de route et producteur du séminal Horrible Docteur Orlof deux décennies auparavant (mais n'allons pas trop vite), cette nouvelle adaptation d'après Edgar Allan Poe [1] existe en deux versions : une espagnole tournée en 1983 et quasiment inédite de nos jours, et une française qui connaîtra une distribution internationale. A l'instar du Miroir obscène [2], la version internationale renommée pour l'occasion Revenge in the House of Usher, et seule disponible à l'heure actuelle, met en évidence l'ajout de scènes supplémentaires (en dépit de toute cohérence), et d'un remontage complet du long métrage. Mais cette copie de La chute de la maison Usher n'en demeure pas moins un témoignage passionnant, et un formidable essai de reconstruction mentale, pour l'amateur francien qui croiserait la route de ce film malade, joué par la muse Lina Romay et les fidèles Howard Vernon et Antonio Mayans.

Fin d'Automne (Akibiyori) - Yasujiro Ozu (1960)

A l'occasion de la rétrospective Ozu à la Cinémathèque française du 23 avril au 25 mai, et dans le cadre de la sortie du coffret de quatorze films édité par Carlotta le 25 avril, ressort en salle cinq jours plus tard la version restaurée inédite d'un des derniers longs métrages du maître japonais : Fin d'Automne [1].

Poursuivant son travail sur la couleur initié deux ans plus tôt avec Fleurs d'équinoxe, le réalisateur nippon signe de nouveau la chronique intime d'un Japon en phase transitoire, entre traditions et modernité. Relecture de son Printemps tardif mis en scène en 1949, Yasujiro Ozu s'écarte du mélodrame originel, pour n'en garder que l'ossature du récit, et l'habiller de ce ton léger et humoristique qui sied idéalement aux couleurs pastels de ses récents films.

Trois anciens camarades d'université, Soichi Mamiya (Shin Saburi), Shuzo Taguchi (Nobuo Nakamura) et Seiichiro Hirayama (Ryuji Kita), se réunissent pour commémorer la mémoire de leur ami Miwa, décédé sept années plus tôt. Ils y retrouvent sa veuve, Akiko (Setsuko Hara), et sa fille Ayako (Yoko Tsukasa) âgée maintenant de 24 ans. Au cours de la discussion, ils conviennent que la jeune femme est en âge de se marier. Taguchi est le premier à proposer un prétendant potentiel, mais ce dernier s'avère finalement déjà fiancé. Mamiya tente alors d'organiser une rencontre avec un de ses employés, Shotaru Goto (Keiji Sada). Mais Ayako n’est pas pressée de trouver un mari, craignant de laisser sa mère toute seule...

Dead of Night (Le mort-vivant) - Bob Clark (1974)

En attendant de sévir la décennie suivante avec la comédie familiale Christmas Story, les navrants Porky's (I & II) ou le musical Rhinestone et son duo improbable Dolly Parton / Sylvester Stallone en 1984 [1], le réalisateur Bob Clark se fit connaitre du public bisseux au début des années 70 en signant trois films d'horreur désormais réévalués : le culte Black Christmas [2] avec Margot Kidder, Children Shouldn't Play with Dead Things, et le second volet de cette trilogie : Dead of Night. Librement inspiré de la nouvelle The Monkey's Paw de William Wymark Jacobs, le long métrage s'éloigne pourtant du film d'épouvante basique pour se rapprocher de la dimension sociale d'un George Romero en centrant son sujet sur la famille et les traumas provoqués par la guerre du Vietnam. Ajoutons à cela qu'il s'agit, rien de moins, du premier film officiel où Tom Savini fut chargé des maquillages, et vous comprendrez aisément que ce Mort-vivant mérite un visionnage en bonne et due forme.

Guerre du Vietnam. Le soldat Andy Brooks (Richard Backus) est abattu au cours d'une mission dans la jungle. Peu de temps après, un officier de l'armée frappe à la porte de la demeure familiale, et informe les Brooks du décès du jeune homme. Si le père (John Marley) et la sœur (Anya Ormsby) accusent le coup, la mère (Lynn Carlin) refuse de croire à la mort de son fils chéri. Recluse, niant l'évidence du deuil, la mère de famille prie pour le retour d'Andy le soir même de la funeste nouvelle. Or son fils apparait en plein milieu de la nuit. Mais le comportement d'Andy soulève rapidement les interrogations du père : il ne mange pas, ne parle pas, et passe le plus clair de son temps dans son rocking-chair. Irritable, refusant de voir quiconque et submergé par des accès de violence non retenue, Andy s'absente mystérieusement la nuit venue. Les soupçons du père s'aggravent quand il apprend que la police enquête sur le meurtre d'un routier qui s'est produit le soir même du retour de son fils...

Cronico Ristretto : Fragmentations, Prayers And Interjections - John Zorn (2014)

Sorti le 18 mars 2014, Fragmentations, Prayers And Interjections présente le second volet des nombreux disques, qui devraient paraitre au cours de l'année, retraçant le marathon scénique et artistique que s'est offert John Zorn, en septembre dernier, à l'occasion de son soixantième anniversaire [1], et comme il l'avait déjà effectué dix ans plus tôt pour fêter ses cinq décennies. Après The Hermetic Organ, Vol. 2 publié le 21 janvier, ce nouveau disque issu d'un concert enregistré le 25 septembre 2013 au Miller Theatre de New-York, soit deux jours après celui à l'orgue à la St Paul's Chapel, se démarque de son prédécesseur par le type de formation proposée : un orchestre philharmonique. Depuis Aporias: Requia for Piano & Orchestra et sa pochette Francisbaconienne en 1998 et What Thou Wilt en 1999-2010 (on y reviendra), Zorn s'était en effet limité en matière de mouture classique à des ensembles plus réduits, à l'image du quatuor à cordes constitué de Jennifer Choi et Fred Sherry sur Magick (2005). En somme, une longue attente pour une surprise de taille.

L'album réunit quatre compositions jouées par l'Arcana Orchestra sous la direction de David Fulmer. La première, Orchestra Variations, fut commandée en 1996 par l'orchestre philharmonique de New York, tandis que celle qui clôt le disque, Suppôts et Suppliciations, le fut par l'orchestre symphonique de la BBC en 2012. Du premier thème avant-gardiste, l'auditeur averti pourra ainsi difficilement négliger les insertions burlesques Texaveryiennes, variations rappelant un autre hommage, grindcore cette fois-ci, mené par deux musiciens justement proche du saxophoniste alto : le chanteur Mike Patton et le bassiste Trevor Dunn et le Suspended Animation (2005) de Fantômas.

Cronico Ristretto : The Witch-hunt - Master (2013)

Apôtre d'un metal intemporel (et passéiste), le faisant aisément passer pour le dernier des mohicans du proto-death metal, Paul Speckmann et son groupe Master sont réapparus l'année dernière pour une double actualité. Délivrant à un rythme soutenu des disques depuis la stabilisation de son line-up slave [1], la formation originaire de Chicago, que nous avions affectueusement désigné comme le « corned-beef du death metal » lors de la chronique de leur premier album, fêtait, déjà, en 2013 son trentième anniversaire. Du souvenir de l'époque séminale où le metal extrême US poussait ses premiers cris primaux, tonton Speckmann sonnait de nouveau le tocsin, et le rappel des troupes nostalgiques, le 27 septembre dernier en les conviant à une chasse à la sorcière sur le nouvel album intitulé The Witch-hunt

Comme énoncé lors du précédent billet, la musique du trio composé désormais de Paul Speckmann au chant et à la basse, d'Alex Nejezchleba à la guitare et de Zdeneck Pradlovsky à la batterie, n'a pas vocation à se distinguer par son originalité. Figé au contraire à l'état originel, aux frontières du thrash metal et des premières velléités death-métalliques du milieu des années 1980, Master fait fi des évolutions des trois dernières décennies. Tel un Motörhead du death metal, la voix éraillée de Speckmann évoquant au passage celle du patriarche Lemmy, le trio envoie la sauce, pied au plancher et la tête dans le guidon. En somme, la recette ayant été maintes fois éprouvée, Master mise davantage sur l'efficacité de ses compositions que sur une quelconque ambition emphatique. Dont acte.

Welt am Draht / Le monde sur le fil - Rainer Werner Fassbinder (1973)

Téléfilm ayant pour sujet la réalité virtuelle et ses faux semblants, Le monde sur le fil de Rainer Werner Fassbinder aura attendu près de quatre décennies pour apparaitre en DVD (par Carlotta en France puis Criterion outre-Atlantique). Diffusée pour la première fois en 1973, cette adaptation du roman de Daniel F. Galouye [1], Simulacron 3, marque encore de nos jours les esprits par sa justesse et sa profondeur. Annonçant les longs métrages réalisés au cours des années 1990 et 2000, Matrix des Wachowsky en tête, le cinéaste allemand tisse une œuvre ambitieuse, où le monde rétro-futuriste décrit se révèle, tout autant visionnaire que cruellement familier.

Directeur technique de l'institut de recherche en cybernétique et futurologie, l'IKZ, Henry Vollmer (Adrian Hoven) est retrouvé mystérieusement mort dans la salle des ordinateurs. Créateur d'un programme de réalité virtuelle capable de simuler une petite ville d'environ dix milles unités identitaires, le professeur présentait depuis peu un comportement des plus étranges. Lors d'une soirée organisée par le directeur général de l'institut IKZ, Herbert Siskins (Karl Heinz Vosgerau), le docteur Fred Stiller (Klaus Löwitsch), promu à la tête du projet Simulacron, rencontre le chef de la sécurité Günter Lause (Ivan Desny). Celui-ci lui confie avoir des doutes sur la supposée mort accidentelle de son ex-collègue. Vollmer semblait très préoccupé ces derniers temps, et lui avait justement déclaré avoir fait une découverte grave peu avant son décès. Or durant cette conversation, Stiller constate la disparition de Lause. Pire, quand il raconte ce curieux événement à son entourage professionnel, Stiller s'aperçoit que personne ne connait Lause. Officiellement, le chef de la sécurité de l'IKF s'appelle Hans Edelkern (Joachim Hansen)...

Live report : Michael Gira à l'église Saint-Merry, Paris - 10 mars 2014

Un peu moins d'un an après son passage à Paris avec les Swans lors du festival Villette Sonique [1] et plus récemment le 22 janvier dernier à La Maroquinerie, leur leader était déjà de retour dans la capitale le lundi 10 mars pour un concert en solo et en acoustique.

En attendant la sortie prochaine de l'album des Swans, To be kind, le 12 mai prochain, Gira s'offre un petite tour de chauffe préliminaire de quelques grandes villes européennes. Un court intermède qui le voit parcourir l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, ou la Norvège, en attendant le 14 mai, et le début d'une tournée d'une semaine aux États-Unis avec son groupe, puis dans la foulée une dizaine dates du 22 mai au 2 juin sur le sol britannique en support au nouveau disque [2].


Cronico Ristretto : Sunn O))) & Ulver (2014) | John Zorn & Thurston Moore (2013)


Cinq (longues) années que Stephen O'Malley n'avait pas signé un disque du sceau de Sunn O))). L'homme n'a pourtant pas chômé depuis Monoliths & Dimensions. Occupé à enregistrer et à tourner [1] en solo ou avec ses divers side projects, dont les plus récents se nomment Ensemble Pearl (avec entre autres Atsuo de Boris) et Nazoranai (avec Oren Ambarchi et Keiji Haino), O'Malley est revenu en ce début du mois de février avec la reprise d'un ancien enregistrement de Sunn O))) datant de 2008, en association avec les norvégiens d'Ulver intitulé Terrestrials.

Nourri des expérimentations du précédent LP, Sunn O))) enrichit de nouveau sa musique en continuant d'élargir sa palette instrumentale. S'éloignant des rives du drone originel pour celles du post-rock, le duo O'Malley / Anderson suit en quelque sorte la dernière mue d'Ulver et leur dernier album, Messe I.X-VI.X. Accompagnés des invités Ole-Henrik Moe et Kari Rønnekleiv au violon et à l'alto, et Stig Espen Hundsnes à la trompette, la double formation étasuno-scandinave propose trois longues plages abstraites au pouvoir mélancolique et mystérieux non feint. Terrestrials s'ouvre par le lent crescendo Let There Be Light, morceau qui se conclut par la basse menaçante d'Anderson et les percussions de Tomas Pettersen. Si Western Horn se démarque peu du premier titre et des dernières productions de Sunn O))), la dernière plage Eternal Return apparaît à la fois être le titre phare de l'album, et finalement la seule chanson où l'univers d'Ulver transparaît (enfin) [2], encore que le croisement attendu n'a pas véritablement lieu, la première partie d'Eternal sonnant comme du Sunn O))), et la seconde comme du Ulver (guidée par la voix Kristoffer Rygg).

Persona - Ingmar Bergman (1966)

« Si je n'avais pas trouvé la force de faire ce film là, j'aurai sans doute été un homme fini » déclarait Ingmar Bergman à propos de son long métrage Persona. Œuvre radicale et résurrection artistique d'un réalisateur en proie à la maladie [1], ce vingt-septième film a une place à part dans l'imposante filmographie du scandinave. Nourrit des expériences intimes de son auteur, le film est à la fois le fruit de sa nouvelle liberté créative et le témoin de son hospitalisation passée, pour un résultat qui marque les esprits depuis près de cinq décennies. Pour ce drame psychologique aux contours fantasmagoriques qui ressort en salles le 5 mars prochain, Bergman convia son actrice fétiche Bibi Andersson et celle qui deviendra sa muse et compagne, Liv Ullmann.

La comédienne Elisabet Vogler (Liv Ullmann) a perdu l’usage de la parole en plein milieu de la représentation de la pièce Électre. La jeune infirmière Alma (Bibi Andersson) est désignée pour s'occuper d'elle. Comme le souligne sa supérieure (Margaretha Krook), Elisabet ne souffre d'aucun mal physique ou désordre psychologique, elle est en bonne santé. Elle refuse de s'exprimer et souhaite rester silencieuse. Face à cette situation, il est décidé d'envoyer Elisabet, accompagnée d'Alma, dans la résidence secondaire du médecin chef sur l'ile de Fårö. Bien qu'Alma soit la seule à parler, les deux jeunes femmes nouent à mesure une grande complicité. Elisabet devient la précieuse confidente de la volubile Alma, celle-ci lui confessant désormais ses plus intimes secrets. Un matin, Alma découvre le contenu d'une lettre non fermée écrite par Elisabet à l'attention de son amie médecin. La lettre affecte profondément Alma. Elisabet dit reprendre goût à la vie grâce à Alma, à l'amitié et même à l'amour inconscient que cette dernière lui porte. Mais elle révèle également s'amuser à étudier son infirmière : de ses pleurs sur ses anciens péchés, à sa mauvaise conscience de ne pas suivre ses principes.

Cronico Ristretto : Heen Yadhar Al Ghasq - Al-Namrood (2014)

Groupe de black metal en provenance d'Arabie Saoudite, dont le nom fait référence au roi de Babylon Nimrod, Al-Namrood de part sa nationalité ne pouvait qu'intriguer et attiser la curiosité du préposé. Il est sans doute trop simple de considérer son existence comme un acte de résistance face à l'obscurantisme wahhabite. Mais au-delà de cette réflexion facile, force est de constater que le trio formé par le leader Mephisto (guitare et basse), Ostron (instruments orientaux) et Humbaba (vocaux) mérite amplement une considération certaine tant les risques encourus par ses musiciens sont loin d'être anecdotiques. 

Heen Yadhar Al Ghasq, quatrième album de cette formation saoudienne signée sur le label canadien Shaytan Productions, s'inspire pleinement des productions des pairs originels scandinaves. Nourries d'influences antiques et pré-islamiques, les compositions du trio évoquent inévitablement les rares groupes orientaux ayant tenté l'extrémisme métallique (les débuts des israéliens Orphaned Land ou leurs compatriotes de Melechesh) et bien sûr les death-metalleux étasuniens Nile. 

Until The Light Takes Us - Aaron Aites / Audrey Ewell (2009)

Documentaire tourné par la paire étasunienne Aaron Aites et Audrey Ewel, Until The Light Takes Us, titre tiré d'une traduction volontairement erronée du quatrième album de Burzum, Hvis lyset tar oss [1], s'intéresse à l'histoire du black metal du début des années 90, en suivant tout particulièrement deux musiciens ayant contribué à l'essor et à la naissance du mouvement : Gylve 'Fenriz' Nagell de Darkthrone et le très controversé Varg 'Count Grishnackh' Vikernes de Burzum. Tourné en immersion, le duo ayant vécu deux ans en Norvège pour les besoins du tournage, le film revient également sur les évènements extra-musicaux, faits divers tragiques, qui ont secoué la Norvège à cette époque à travers les témoignages d'une partie des protagonistes de cette période.

Amateurs de la scène expérimentale Lo-Fi, Aites et Ewel ont découvert sur le tard le black metal norvégien. Mention utile à préciser en préambule tant les deux américains font, volontairement ou non, nullement mention aux premiers précurseurs du genre à savoir Hellhammer / Celtic Frost et Bathory [2]. Until The Light Takes Us n'a pas l'ambition de retracer précisément l'historique du genre. Les plus pointilleux pourront dès lors regretter l'absence de plusieurs groupes notoires ou la faible participation d'autres (Immortal par exemple). Encore que ces oublis ou figurations peuvent aisément s'expliquer : on doute que Samoth d'Emperor veuille revenir sur un passé peu glorieux et ses années d'emprisonnement (pour incendie d'église), quant à Olve 'Abbath' Eikemo et Harald 'Demonaz' Nævdal d'Immortal, bien qu'ayant côtoyé Vikernes lors de leur début death metal (sous le nom d'Old Funeral), le duo a toujours été en marge de la scène locale ou des errements dudit Inner circle

Fleurs d'équinoxe (Higanbana) - Yasujiro Ozu (1958)

Reconnu de son vivant comme un des maîtres du cinéma japonais par ses compatriotes, Yasujiro Ozu, à la différence de l'autre figure nationale incontournable nommée Akira Kurosawa, aura finalement dû attendre le crépuscule de son existence pour que ses réalisations connaissent enfin un début de reconnaissance en dehors de l'archipel qui l'a vu naître [1]. Plus intimiste dans ses histoires, témoin des bouleversements de la société nippone d'après-guerre et leurs conséquences sur la famille, Ozu se distingue de ses pairs par la simplicité et la sobriété évidente de sa mise en scène, lui conférant le sobriquet (et raccourci) d'être « le plus japonais des cinéastes ». 

Quarante-cinquième long métrage de son auteur, Fleurs d'équinoxe marque une évolution notable dans sa filmographie. Celui qui réfutait l'utilisation du Cinémascope, cède aux pressions du studio [2] de la Shôchiku Eiga, et tourne pour la première fois en couleurs (à l'instar de ses cinq prochains et derniers films, le maître étant finalement convaincu des possibilités techniques et esthétiques du procédé). Choix loin d'être anodin, sa préférence se porte sur une caméra Agfa. Cette dernière lui permet un meilleur rendu du rouge, soit le leitmotiv pictural du métrage, et la couleur de la fleur qui prête son nom au film.