Summer Sessions Vol.1-3 - Causa Sui (2008-2009)

Question triviale en guise d'amuse-bouche, faut-il être né : 1/ dans le désert (depuis trop longtemps?) pour avoir une quelconque crédibilité musicale en matière de stoner rock d'obédience kyussienne 2/ au bord de la San Francisco Bay Area pour arborer fièrement un apparat psychédélique de bon aloi ? A la première interrogation, on pourra déjà sortir de son chapeau la formation munichoise Colour Haze qui depuis plus d'une dizaine d'années nous gratifie d'un stoner inspiré des plus kyussiens. Quant à la seconde, le vieux continent n'a pas attendu longtemps avant de s'enivrer des vapeurs artificielles et des senteurs patchouliennes, le Summer of Love de 1967 étant le parfait exemple et la preuve que la patrie du Grateful Dead n'avait pas le monopole du psychédélisme.

La Scandinavie avait déjà montré la voie durant les 90's avec quelques belles formations tels que les Spiritual Beggars de l'ex-Carcass Michael Amott et leur Another Way to Shine aux grandes oreilles. Dès lors, apprendre la nationalité danoise de Causa Sui, pays certes plus reconnu par une certaine frange comme celui qui a vu naitre un ancien anti-napster primaire ou un castrat maquillé en épouvantail lugubre, ne doit pas enfreindre la curiosité des amateurs de riffs hypnotiques et d'ambiances planantes tout en n'omettant pas, par moment, une lourdeur metallo-pachydermique bien sentie. Et puis pour faire taire les premiers récalcitrants, un groupe de rock qui cite comme influences Soft Machine, Jimi Hendrix et John Coltrane peut-il être foncièrement mauvais ?

Après un premier album sorti en 2005 puis un deuxième deux ans plus tard, le trio composé de Jonas Munk aux guitares, claviers et effets électroniques, de Jess Kahr à la basse et de Jakob Skøtt à la batterie sort à partir d'aout 2008 le premier volet de leur Summer Sessions, se concluant en juin de l'année suivante par les deux derniers volumes. Au-delà du titre de l'album composé en trois volets, hommage déguisé ou non aux sessions désertiques de Josh Homme, ces séances estivales s'en détachent suffisamment pour ne risquer à aucun moment une quelconque comparaison malheureuse, les trois volumes, comme pouvait le laisser apparaitre les trois noms cités plus haut, lorgnant plus vers la musique de la fin des 60's-début 70's qu'une vulgaire resucée stoner anémique.

Le premier volume des Summer Sessions de Causa Sui joue parfaitement son rôle d'initiateur à vrai dire. De leur récent passé de formation krautrock, le trio garde un goût évident pour les rythmiques hypnotiques et répétitives sur la suite de 25 minutes en ouverture intitulée Visions of Summer, Jonas Munk ayant autant assimilé les débuts de Amon Dull II que les longues plages instrumentales propre à l'acid-rock des 60's, avec néanmoins un goût prononcé pour les solos cristallins et pour les fins orgiaques où l'ombre d'un Santana n'est jamais bien loin. Ce premier volet résume avant tout les diverses influences de la formation dont deux des plus réjouissantes, annonçant un volume deux des plus exaltants, soit faire côtoyer le temps de Portixeddu le groove d'un Carlos Santana et la folie d'un Pharoah Sanders [1], ou Soul Sacrifice revisité par Fun House. Finalement, le disque se clôt par un Soledad aux réminiscences kyussiennes, soit la porte d'entrée vers un futur Summer Sessions Vol. 3.

Dès lors, si le premier album a un objectif déguisé, c'est bien celui de mettre en appétit l'auditeur lui offrant un panel du savoir-faire causa suien. Le Volume 2 s'ouvre ainsi sur le court Sun Prayer, nous rappelant au bon souvenir du mélodique Oasis de Pat Metheny issu de son Watercolors. Interlude contemplative où comment prendre le contrepied en découvrant le reste du disque, la référence jazz précédente permettant de souligner avant toute chose la teinte primordiale de ce dernier, à savoir un savoureux mélange de stoner mâtiné d'une bonne louche de psychédélique sous la houlette d'un formidable saxophone rugissant (Rip Tide) joué par le dénommé Johan Riedenlow, et secondé par le claviériste danois Rasmus Rasmussen [2]. Puis vient déjà le plat de résistance de la face B de l'album [3] passé un Cinecittá des plus légers, Tropic Of Capricorn, où de nouveau Jonas Munk fait étalage de tout son feeling pour une jam session des plus débridées entre un clavier vintage caravanseraien durant la première partie et un Johan Riedenlow toujours aussi impérial durant la seconde. Summer Sessions Vol. 2 ou le volet le plus aventureux.

Comme annoncé précédemment, le dernier volume est sans doute celui qui offre le moins de surprise, tout du moins le plus kyussien comme ce bien nommé Red Valley qu'on croirait tout droit sorti de Welcome to Sky Valley de la bande à Homme, avec néanmoins une approche plus atmosphérique et toujours ce saxophone tourbillonnant (Santa Sangre et Eugenie). Une Summer Sessions Vol. 3 à la fois donc plus lourde, mais aussi plus mélodique (Venice By The Sea) et plus cadrée, soit moins portée sur les très longues plages instrumentales improvisées [4].

Au final, une des découvertes de 2009 et un des coups de cœur tardifs pour un groupe adepte de stoner-kraut-psych-jazz rock [5].



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[1] Quoi de plus normal me direz-vous, ces deux derniers étant tous les deux dévoués au génie de Coltrane.

[2] Ça ne s'invente pas un tel patronyme, plus danois que ça...

[3] Les 3 volumes étant sortis au départ au format vinyle, et donc pensés comme tel.

[4] Encore que Red Valley avoisine les 10 minutes... et Santa Sangre ou Eugenie les 8 minutes...

[5] Menu certes roboratif mais tout à fait digeste, comme quoi...

Soul Power - Jeffrey Levy-Hinte (2009)

Trente cinq ans environ, soit presque une éternité, il aura fallu attendre pour enfin jouir du spectacle proposé en prélude au combat du siècle, le titanesque Rumble in the Jungle opposant Mohammed Ali contre George Forman, ou le fameux festival Zaire '74 qui a vu se côtoyer la crème de la musique noire américaine et celle de la musique africaine australe. Des préliminaires qui furent d'autant plus longs puisque les premières véritables images du show furent montrées lors du désormais culte When We Were Kings, sorti en 1996, retraçant les préparatifs du combat Ali/Forman en terre zaïroise. Douze années d'attente et d'espérance pour un résultat forcément marquant, un film retraçant intégralement ces trois jours de concerts. Retour sur une page historique de la musique (noire).

Avec le soutien des producteurs de When We Were Kings, Leon Gaste et David Sonenberg, en terminant le montage du documentaire, le réalisateur Jeffrey Levy-Hinte s'est attelé à la réalisation d'un nouveau documentaire Soul Power au vu des centaines d'heures de rushes de cette aventure humaine (ou résumer douze heures de concert en moins de quatre vingt-dix minutes). Comme le rappelle pertinemment le film, si le combat Rumble in the Jungle fut à l'initiative de Don King, le festival est l'œuvre du trompettiste sud-africain Hugh Masekela et du producteur étasunien Stewart Levine, ces derniers voulant réunir sur une même affiche la musique noire issue des deux continents. Un projet symboliquement fort où il s'agissait de montrer à la fois les préparatifs et l'organisation du festival, les interviews des musiciens et bien sûr des extraits de concert.

The Keeper – Keoni Waxman (2009)

A l'heure où des blogueurs émettent des paris quant à savoir quand un hypothétique revival musical nineties poindra son nez, il est bon pour le cinéphile déviant de se rappeler au bon souvenir d'un Casey Ryback, ou celui qui illumina de son empreinte la dite décennie par sa science du désossage d'épaule à main nue, le tout en cinq secondes, montre en main. Mais que reste t'il deux décennies après ? Steven Seagal enfile avec autant de maestria les navets direct-to-video que les kilos hyperflus depuis plus de dix ans (et s'interroger,  comment notre pugiliste au visage bouffi arrive encore à trouver des amateurs prêt à payer pour une dose d'action aussi molle du genou ?). Et la dernière production de Seagal en date, Le prix du sang (VO : Driven to Kill) ne risquait pas d'infirmer la trajectoire prise [1]. Dès lors, que pouvait-on attendre de The Keeper, nullement un sursaut d'orgueil, juste mesurer la taille et les dimensions de cette nouvelle perle potagère fraichement déterrée et cultivée avec amour par notre bon Steven.