34.788%...Complete - My Dying Bride (1998)

Cinquième album de My Dying Bride, 34.788%...Complete a une double particularité : celle d'être un album controversé, et dans le cas présent, de faire figure de disque charnière. Exemple type de l'album métallique mésestimé à sa sortie, celui-ci n'aura pas attendu longtemps avant d'être cloué au pilori par la frange la plus conservatrice du public metal (pléonasme). Cependant My Dying Bride n'avait nullement enfreint les deux règles rédhibitoires du jugement metalfreak : ne pas céder aux sirènes du mainstream et ne pas signer sur une major (ce que firent « au hasard » leurs voisins Paradise Lost l'année suivante avec leur album Host, séquelle pop du déjà contesté One Second).

Non, l'accueil mitigé (second pléonasme) que reçut My Dying Bride fut davantage le fruit d'une incompréhension, voire d'une maladresse de la part des britanniques. D'une certaine manière victime de leurs élans progressistes et de cette nouvelle mue (trop) radicale, le groupe délaissa leur image gothique pour un son plus moderne, en adéquation avec le départ du violoniste et claviériste Martin Powell [1]. Dénigré à sa sortie, peu soutenu par une presse spécialisée réputée versatile, 34.788%...Complete avait qui plus est la sinistre réputation d'être responsable du départ du guitariste originel Calvin Robertshaw, co-producteur et compositeur principal [2] de l'opus, signant ainsi l'arrêt définitif des expérimentations de MDB.

Flashback. My Dying Bride avait déjà créé la surprise lors de leur précédent disque : Like Gods of The Sun. Volontairement plus compact et heavy metal, le groupe s'était refusé à céder à la facilité et à satisfaire les attentes immédiates de leurs admirateurs en proposant une séquelle à The Angel and the Dark River, ou la quintessence de leur doom romantique. Toutefois, si ce quatrième album marquait une nouvelle évolution, comme chacun de leurs disques, rien n'indiquait ou ne présageait le schisme nommé 34.788%...Complete. Certes, le non remplacement de Powell témoignait un désir certain d'émancipation, tant la prédominance de son violon au fil des années était devenue manifeste. Or premier indice et premier crime de lèse majesté auprès des fans obtus : la pochette réalisée par le chanteur Aaron Stainthorpe. Graphisme abstrait avec araignée (?) imaginaire en sus, celle-ci annonçait clairement un changement de direction, voire de siècle, du gothique romantique du XIXème à l'ère numérique du XXIème. Second point et non des moindres : le contenu de ce 34.788%...Complete...

A défaut de graver un album purement expérimental, les cinq musiciens, dont le fraîchement embarqué Bill Law derrière les fûts, enregistrèrent un album atypique pour le petit monde fermé du doomicus metallicus. Des frontières doom qui furent bousculées à l'orée des années 90, ces derniers, tout en restant fidèles à leur genre musical, en redessinèrent sur 34.788%...Complete une version dépoussiérée et contemporaine. Prise de risque supplémentaire, le groupe abandonnait également les atmosphères sombres pour des ambiances cliniques et torturées, où se glissaient parfois samples et claviers évoquant l'electro. Traîtrise ! Le calice débordait...

Point névralgique de cette petite révolution, le quatrième titre intitulé Heroin Chic est sans conteste celui qui focalisa le plus de rancœurs [3]. Las. Long morceau de huit minutes, la chanson détonne tant sur le fond que sur la forme avec sa rythmique empruntée au trip-hop. Si celle-ci déséquilibre un tant soit peu l'homogénéité du disque, elle n'en reste pas moins une tentative osée et réussie. Aux oubliettes la mélancolie romantique et les textes qui vont de pair. Non content de varier sa palette vocale en quittant le seul registre gothique dans lequel il s'était plus ou moins isolé lors des deux précédents LPs, Stainthorpe s'adaptait aux nouvelles ambiances déshumanisées par la crudité de ses paroles (Heroin Chic, The whore, the Cook and the Mother) et une nouvelle expressivité psychotique (l'introduction de The Stance of Evander Sinoue).

Intense, hypnotique, dérangeante, la musique de 34.788%...Complete est déstabilisante, qui plus est pour celui ou celle qui les suivait depuis le début des années 90. Mais contrairement à Paradise Lost et le reniement de leurs racines [4], MDB sut garder son identité et son authenticité en dépit d'une évolution radicale, en attendant la suite et un style plus traditionnel. Le groupe se défend ainsi encore aujourd'hui d'avoir fait machine arrière suite à l'accueil du dit l'album, l'album suivant The Light At The End Of The World (1999) opérant un retour au doom/death originel prévu bien avant la sortie de 34.788%. Soit. Autre aspect à éclaircir, le départ du guitariste Calvin Robertshaw. Peu d'informations furent données à l'époque pour l'expliquer. Or depuis qu'il est revenu en juin de cette année au sein de MDB, en lieu et place de son remplaçant Hamish Glencross remercié pour "irreconcilable differences" (ce dernier pouvant se consacrer à plein temps à Vallenfyre), le compositeur principal de 34.788% s'est livré à quelques confidences lors d'une interview pour Decibel Magazine. Sa démission aurait été davantage le fruit d'une réflexion personnelle débutée après la tournée étasunienne de Like Gods of the Sun, sa contribution au disque suivant prenant dès lors des contours cathartiques.

Unique, étrange, l'album est désormais disponible en vinyle (ici).


Titres
01. The Whore, the Cook and the Mother / 02. The Stance of Evander Sinque / 03. Der Überlebende / 04. Heroin Chic / 05. Apocalypse Woman / 06. Base Level Erotica / 07. Under Your Wings and into Your Arms / 08. Follower (bonus japonais)
 
 
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[1] Si Powell quitta pour incompatibilité musicale MDB, leur batteur Rick Miah le fit pour raisons médicales, la maladie de Crohn lui ayant été diagnostiquée après la tournée du précédent album Like Gods of the Sun.

[2] Le titre capillotracté de l'album fait référence à un de ses rêves : l'humanité aurait déjà utilisé 34,788 % de son temps de présence sur la Terre. Rien de moins. 

[3] Stainthorpe avouant plus tard que le groupe aurait sans doute mieux fait de présenter une autre pochette, un titre d'album plus approprié et enfin le retrait d'Heroin Chic.

[4] Reniement d'autant plus savoureux que le guitariste Greg Mackintosh est depuis 2010 leader d'un side-project death metal nommé Vallenfyre, et que le chanteur Nick Holmes est désormais le chanteur du supergroupe death Bloodbath.

2 commentaires:

  1. Je me souviens avoir découvert le death/doom de "My dying bride" avec des albums comme "The dreadful hours" et "Songs of darkness, words of light". Et d'avoir été déçu par la tournure mainstream prise par le groupe avec "A line of deathless Kings"... Mais rarement la mélancolie n'a été aussi transcendante qu'à travers la voix Aaron Stainthorpe ...

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    1. J'avoue avoir lâché le groupe après The dreadful hours. L'album est d'ailleurs bon, mais le groupe n'avait plus grand chose de neuf à apporter, je préfère écouter les albums des 90's avec une préférence pour les débuts (la compilation Trinity regroupant leurs premiers EPs est vivement conseillée).
      En tout cas, j'écouterai sans doute leur prochain du fait du retour de Robertshaw, voir ce qu'il en retourne par curiosité.

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