Cronico Ristretto : Within the Woods - Sam Raimi (1978)

Œuvre culte, Evil Dead a gagné rapidement ses galons de film d'horreur référentiel à classer aux côtés de Massacre à la tronçonneuse ou La nuit des morts-vivants. Savant cocktail de gore et d'humour noir, le premier long métrage de Sam Raimi marqua une nouvelle étape dans la production cinématographique à l'ère de la VHS. Ce que l'on sait moins, c'est que ce premier volet de la franchise fut précédé par un court métrage intitulé Within the Woods, dont le but était de permettre à lever suffisamment de fonds pour en financer un long. Produit par le trio Bruce Campbell, Sam Raimi et Rob 'RIP' Tapert pour la modique somme de 1 600 $, cette version de travail ne fut jamais officiellement éditée [1] et encore moins réellement exploitée dans les salles obscures [2]. Toutefois, magie des internets, des copies pirates de ce « prototype » sont disponibles sur la toile...

Deux couples d'étudiants passent leur weekend dans une cabane perdue dans les bois. Tandis que Shelly (Mary Valenti) et Scotty (Scott Spiegel) jouent au Monopoly, leurs amis Bruce (Bruce Campbell) et Ellen (Ellen Sandweiss) partent pique-niquer. Chemin faisant, Bruce indique à sa dulcinée qu'ils vont déjeuner dans un cimetière indien maudit (?!). Or quelque temps plus tard, malgré sa propre mise en garde, le jeune homme profane la tombe d'un sorcier et y déterre un poignard, au risque de réveiller les mauvais esprits environnants. Après manger, le couple s'endort. A son réveil, seule, Ellen décide de rejoindre ses amis pensant y retrouver Bruce. Mais le weekend vire au cauchemar quand celle-ci découvre dans la forêt le cadavre mutilé de son compagnon. Poursuivie par une présence maléfique, Ellen retourne, tant bien que mal, à la cabane...

Friedkin connection - William Friedkin (2013)

Des réalisateurs estampillés Nouvel Hollywood, William Friedkin est sans conteste le plus controversé, tant par les films qu'il a réalisé que par les histoires qui entourent leurs productions. Riche d'une filmographie où se côtoient de nombreuses œuvres emblématiques (réévaluées pour certaines avec le temps), le cinéaste a publié en 2013 ses mémoires intitulées Friedkin connection (éditées en France en 2014 par les Éditions de la Martinière). En omettant ses souvenirs les plus intimes, ce qui aurait de son propre aveu interdit le livre aux moins de dix-huit ans, Friedkin revient sur sa carrière de réalisateur : sa famille, ses débuts à la télévision, ses (rares) succès, mais également les périodes difficiles qui suivirent. Comme présenté par l'éditeur en dos de couverture, gloire, disgrâce, et renaissance sont au menu de cette autobiographie sans concessions.

Avec en introduction la liste de ses plus mémorables erreurs de jugement, tel son manque de discernement vis à vis de ses jeunes comparses nommés George Lucas et Steven Spielberg [1], qui le fit refuser la proposition de devenir l'un des producteurs de Star Wars [2], la mise à la benne d'une œuvre offerte par un anonyme admirateur nommé Jean-Michel Basquiat, ou encore sa fin de non recevoir de la demande d'un jeune auteur-compositeur-interprète, Prince, le sollicitant à tourner le clip d'une de ses chansons pour la juvénile MTV, William Friedkin met rapidement les pieds dans le plat en pointant son incapacité à avoir su prendre la mesure du talent des autres à cause de sa « vision disproportionnée ». Autobiographie autant qu'autocritique, Friedkin connection dresse le bilan d'un cinéaste dont l'ego et les erreurs passées lui firent manquer plusieurs occasions notables, sans toutefois, l'empêcher de tourner paradoxalement, compte tenu de ses nombreux échecs, le plus cinglant étant son adaptation du Salaire de la peur. Mais n'allons pas trop vite.

Cronico Ristretto : Repentless - Slayer (2015)

Continuer ou arrêter, statu quo ou transition, telles étaient les possibilités qui s'offraient à Slayer, et à son duo originel, depuis la disparition de Jeff Hanneman. Le choix d'un remplaçant, Gary Holt, du vivant du guitariste blond et les certitudes de Kerry King après l'annonce du décès indiquaient, tout d'abord, en dépit des doutes premiers de Tom Araya, la volonté de ne pas mettre un terme au groupe trentenaire. Point plus délicat, l'absence d'Hanneman, compositeur principal de la plupart des classiques de Slayer, pouvait-elle être comblée ? En d'autre terme, leur musique n'allait-elle pas perdre de sa substance sachant que l'une des forces de la paire formée par Hanneman et King [1] était leur complémentarité. Moins probable, mais sous-jacente, était enfin l'évolution, du moins la direction, que prendrait Slayer compte tenu de la nouvelle position dominante de Kerry King. Autant de questions existentielles qui n'appelaient pas forcément de réponses immédiates avant l'annonce de la sortie (maintes fois repoussée) de Repentless, leur onzième album et premier signé sur le label allemand Nuclear Blast (après quasiment trois décennies passées chez American Recording), le 11 septembre dernier, soit la même date que... celle de God Hates Us All... en 2001 (mais n'allons pas trop vite).

Album du deuxième retour du batteur Paul Bostaph suite au renvoi médiatisé de Dave Lombardo, et premier disque avec le guitariste d'Exodus, l'écoute de Repentless inspirait autant une certaine crainte, le contractuel [2] World Painted Blood sorti six années plus tôt n'ayant pas laissé un souvenir mémorable (doux euphémisme), qu'elle pouvait susciter une curiosité plus ou moins malsaine pour l'auditeur (et le préposé docteur) du fait des précédentes interrogations.

Live report : Public Image Ltd. - Le Trianon, Paris, 06 octobre 2015

Dans le cadre de leur nouvelle tournée en soutien à leur dixième et nouvel album, What the World Needs Now..., John Lydon et son Public Image Limited étaient de passage à Paris en automne. Pouf pouf. De leur deuxième disque faisant suite à leur reformation de 2009, un constat s'était rapidement imposé, Lydon avait fait le deuil de ses jeunes années chaotiques post-punk symbolisées par le triptyque  First Issue, Metal Box, et The Flowers of Romance. Dont acte. Si la musique se veut plus proche sur le fond de la production de la fin des années 80, à l'image du guitariste barbu Lu Edmonds et du batteur Bruce Smith présents à cette époque, reste pour PiL aujourd'hui un capital sympathie globalement intact, et de pair, un discours corrosif non dénué d'humour toujours aussi pertinent.

 

La taverne de la Jamaïque (Jamaica Inn) - Alfred Hitchcock (1939)

Dernier film d'Alfred Hitchcock réalisé sur le sol anglais avant son départ pour Hollywood, La taverne de la Jamaïque est un cas à part dans la riche filmographie du maître britannique. Première adaptation d'un roman de Daphné du Maurier, avant Rebecca l'année suivante puis Les Oiseaux deux décennies plus tard, le grand Alfred surprenait en s'écartant de ses précédents longs métrages, du thriller Jeune et innocent au récit d'espionnage Une femme disparaît, pour mettre en scène un film d'aventures en costumes. A l'initiative de l'acteur Charles Laughton qui acheta les droits du roman et produisit le film par sa nouvelle société Mayflower Pictures, La taverne de la Jamaïque souffre depuis du statut, peu enviable, de film mineur hitchcockien, en dépit d'un réel succès public à sa sortie. Une mauvaise réputation somme toute exagérée qu'il conviendra de modérer à l'occasion des 75 ans du film, et de sa ressortie en version restaurée 4K dans les salles à partir du 15 octobre prochain.

Abandonnant son Irlande natale pour les Cornouailles depuis la mort de sa mère, Mary Yellard (Maureen O'Hara) part rejoindre sa tante Patience (Marie Ney) et son mari Joss (Leslie Banks). En chemin, Mary apprend que la taverne, dont son oncle par alliance est le tenancier, est un repaire de brigands. Nullement découragée, celle-ci requiert l'aide du juge Pengallan (Charles Laughton) afin de pouvoir s'y rendre dans les plus brefs délais. Une fois arrivée, Mary constate rapidement que la sinistre notoriété du lieu n'a rien d'usurpé. Au cours de cette soirée riche en désillusions, la jeune orpheline sauve la vie d'un des malfrats, Jem Trehearne (Robert Newton), accusé d'avoir volé une part de leur dernier butin. Tout deux parviennent néanmoins à s'échapper et trouvent refuge chez l'excentrique juge, qui n'est autre que le véritable responsable des naufrages et chef des pilleurs d'épaves.