Cronico Ristretto: Halloween: 20th Anniversary - John Carpenter

John Carpenter, rares sont les réalisateurs aussi indissociables de leur musique. Une caste de cinéastes s'impliquant réellement dans l'élaboration de la musique d'autant plus limitée que ces derniers ne sont ni de géniaux créateurs de compilation tels Martin Scorsese ou Quentin Tarantino, ni l'une des composantes complémentaires du duo bicéphale incarné par le metteur en scène et son compositeur attitré (1). Carpenter, compositeur de la plupart de ses films dont celui qui fit sa renommée mondiale, Halloween, La nuit des masques (1978) ou les premières aventures du sinistre Michael Myers.

L'histoire est connue, enchainant nombre de séquelles et autres remakes (inutiles?), sans compter le fait d'avoir lancer la mode du slasher movie à la fin des 70's. Et pourtant pour reprendre l'adjectif utilisé en préambule, on peut dissocier difficilement la musique de Carpenter de ses films... et de ce film en particulier. Certes, le fameux thème d'Halloween fut repris pour illustrer tout (2) et n'importe quoi, mais le film aurait-il eu la même impact sans ce score efficace de Carpenter?

Le Noise - Neil Young (2010)

Doit-on avouer avoir suivi de (bien trop) loin les dernières sorties du Loner ? Trop occupé à écouter les premiers volumes de ses Archives, les (faux) arguments ne manquaient pas. Certes, les dernières sorties n'avaient rien de déshonorantes. Et l'admiration portée à l'intemporel compositeur de Hey Hey, My My, ne s'est d'ailleurs pas émoussée au fil des années. Sans aucun doute que productivité un peu trop "active" (1) du Loner a participé à ce progressif désintérêt, conforté à la lecture des critiques mitigées de son désormais avant dernier effort, Fork in the Road. Mais Rock and roll can never die... De quoi se laisser porter par l'émoi de certains admirateurs par la sortie de Le Noise ?

Pour débuter de manière triviale, contrairement au précédent disque qui avait poussé le concept du je-m'en-foutiste jusqu'à son paroxysme, la pochette du nouvel album eut un pouvoir d'attraction certain, Neil Young offrant l'un de ses plus beaux présentoirs depuis le crépusculaire Tonight's The Night (2). Quant au titre de l'album, ce dernier était suffisant intriguant pour taquiner le chroniqueur amateur de déflagration sonore, de même que le nom du producteur, Daniel Lanois, pouvait lui aussi susciter la curiosité des classic rockers restants (3). Encore que les esprits taquins s'interrogeaient sur le bien fondé d'une telle entreprise. Le compatriote producteur pouvait-il une fois encore apporter au vieux routard Young une nouvelle "fraicheur", comme ce fut le cas par le passé avec un autre illustre patriarche du folk-rock nord-américain, Bob Dylan (4) ?
  

Les Barbarians - Ruggero Deodato (1987)

Contrairement à d'autres genres artistiques, le cinéma Bis italien n'aura pas attendu le début d'une nouvelle décennie pour péricliter, la deuxième moitié des années 80 était déjà synonyme de baroud d'honneur pour un cinéma d'exploitation transalpin en manque de souffle, ayant de plus en plus de mal à suivre/copier son cousin étasunien. Les Barbarians de l'italien Ruggero Cannibal Holocaust Deodato symbolise dès lors la fin d'un âge d'or, produit par une paire de mécènes israélo-palestiniens (qui mettrons la clef sous la porte la décennie suivante) : la sacrosainte Cannon de Golan et Globus.

Des films affectionnant l'heroic-fantasy cher à Robert E. Howard, cette décennie dorée n'en manqua pas, mais des longs-métrages réussis, le cas se veut plus rare, réduit finalement à celui mis en scène par le scénariste d'Apocalypse Now, John Milius. Combien de Conan le barbare pour nombre de productions bancales ? Et si le grotesque des resucées au budget famélique (Ator au hasard) eurent le mérite de faire le délice d'une poignée de cinéphiles déviants, et de remplir une dernière fois les irréductibles cinémas de quartier, les produits estampillés De Laurentiis, avec leur tête de gondole autrichienne et un Richard Fleischer en mode pré-gériatrie, eurent plus de difficultés à se défaire d'une réputation potagère. Or, sans surprise, Les Barbarians de Ruggero Deodato ne déroge pas à la règle en s'inscrivant dans la première catégorie susmentionnée. Mais n'allons pas trop vite...

La fable du sandwich au thon et de l'épingle à nourrice

[Article précédemment paru sur (feu) Progressia] [1]. Parmi les nombreuses réjouissances que procure la vie d'un passionné de musique, celle de rencontrer un amateur d'une autre paroisse sonore que la votre ou d'assister spectateur à la rencontre improbable entre deux, trois (et plus si affinités) pèlerins aux goûts diamétralement opposés, reste rarement un instant constructif (mais ô combien rafraichissant) lorsque celles-ci riment avec incompréhensions mutuelles, se concluant au possible par quelques sentences bien senties ("crève donc charogne, avec tes goûts de chiotte... baltringue!").

Prenons un exemple. A ma gauche, Jacques, grand amateur de sandwiches au thon, de farfadets et de rock progressif, et à ma droite, Johnny, grand amateur de bières bon marché, d'épingles à nourrice et des Sex Pistols. Mettez les dans un endroit exigu [2], idéal pour nouer des relations amicales... et laissez reposer à bonne température. Attendez quelques heures que nos deux cobayes mijotent bien dans leurs idées reçues et servez.

Repo Men - Miguel Sapochnik (2010) / Cypher - Vincenzo Natali (2002)

Question : est-il paradoxalement obsolète de réaliser des films traitant de cyberpunk et d'anticipation aujourd'hui ?  A la vision des deux films qui nous intéresse, l'interrogation est loin d'être totalement superflues, ces derniers s'inscrivant dans la catégorie des longs-métrages manquant cruellement d'ambition scénaristique ou, pire, d'originalité, juste bon à compiler sans imagination les bonnes vieilles recettes du passé...
 
A ce titre, le premier long-métrage de Miguel Sapochnik, Repo Men (2010), fait figure d'exemple parfait en matière de recyclage piochant aussi bien du côté d'un K. Dick que d'un Terry Gilliam.

L'histoire inspirée par le roman Repossession Mambo d'un des scénaristes, Eric Garcia, retrace les aventures en 2025 de Remy (Jude Law) et Jake (Forest Whitaker), amis d'enfance travaillant pour la toute puissante compagnie Union. Cette société devenue une multinationale omnipotente par la mise au point d'organes bio-mécaniques détient ainsi un marché fort lucratif en proposant à des prix prohibitifs, à prix coûtant ou à crédit, ses services "humanistes". Or si au bout d'un trimestre le client ne règle pas sa dette contractée, les repo(ssession) men s'acquittent de leur mission en prélevant directement sur le désormais ancien client le bien appartenant à leur employeur. La mort de l'intéressé selon l'importance vitale de l'organe est par conséquent considéré comme secondaire et cet acte chirurgical primaire signé par le premier boucher venu adepte de belles mécaniques est bien évidemment légal.

Dracula 3000 - Darrell Roodt (2004)

Il est des jours où le cinéphile déviant lassé de rechercher le nouveau saint Graal qui fera exploser son nanaromètre se repait lamentablement d'un vulgaire et facile petit mauvais film sympathique, alléché il est vrai par un casting des plus navr... appétissants. Doit-on lui jeter la première pierre quand ce pauvre bougre découvre non sans une certaine malice, quoique cachant difficilement une appréhension légitime [1], la présence d'un rappeur has been, d'une ancienne playmate, d'un abonné aux featurings prestigieux (dans des productions qui sont, elles, toutes sauf prestigieuses), et de... Casper Van Dien.

Passé "l'agréable" surprise de l'affiche [2] où l'on dénote que l'œuvre du suisse Giger n'a pas fini d'être pompée jusqu'à la dernière goutte, Dracula 3000 s'inscrit très rapidement, et sans surprise, dans la catégorie des crossovers ultra cheap, ou comme nous laisse deviner de façon implicite l'accroche et la jaquette de cette série Z : un croisement (ô combien réussi...) entre Alien [3] et le roman de Bram Stocker, Dracula. Rien que ça.

Crime Scene - Terje Rypdal (2010)

On a beau se le répéter à chaque fois, on ne l'écrira jamais assez : ne jamais se fier aux idées reçues... quand bien même celles-ci vous confortent dans un certain confort, et, à plus forte raison, quand elles découlent implicitement ou non de l'œuvre d'un artiste.

Prenez le souffleur norvégien Jan Garbarek, les mauvaises langues vous diront que le saxophoniste a frôlé plus d'une fois la correctionnelle en cédant aux sirènes d'une musique bâtarde qui sous le prétexte fallacieux de proposer des atmosphères hypnotiques et sophistiquées, gave surtout l'auditeur d'un jazz New Age, dont la seule vertu est d'avoir réussi à (re)définir la notion de kitsch dans les musiques dites sérieuses. Réquisitoire à charge teinté, cependant, de quelques oublis volontaires. Si notre procureur pourra toujours se défendre de ses fielleuses accusations, synonymes de frustration vis à vis des jeunes années perdues, et du potentiel free jazz des premiers disques de Garbarek dissout au fil du temps par l'évolution ou son virage amorcé vers la fin des années 70, son avocat n'oubliera pas non plus de souligner l'importance qu'a pu avoir le souffleur, en digne héritier de Don Cherry, en créant de nombreux ponts entre le jazz et les musiques du monde.
  
Transition idéale (quoiqu'un peu abrupte) pour introduire un compatriote du saxophoniste, qui fut justement un compagnon de route de ce dernier à leur début [1], le guitariste norvégien Terje Rypdal, ou un autre artisan du son dit ECM. En étant moins vindicatif que le précédent procureur, on ajoutera simplement que la discographie du guitariste est le parfait reflet de ce qui caractérise les productions ECM : une guitare cristalline au profit d'une musique contemplative, ou la bande-son idéale pour l'auditeur souhaitant se perdre dans un désert minéral (son album solo Descendre ou encore celui enregistré en trio en 1978 avec Miroslav Vitous et Jack DeJohnette peuvent vous en convaincre)... en omettant des albums plus inégaux voire dispensables à partir des années 80 (Ambiguity sur The Chaser par exemple) où le scandinave à vouloir (trop) incorporer ses premiers émois musicaux rate le coche en y ajoutant quelques travers propres aux guitaristes de rock. Et pourtant le multi-instrumentiste scandinave [2], à l'image des disques enregistrés en compagnie de Garbarek, n'est pas homme à se contenter d'un seul style musical, et son dernier disque Crime Scene en est encore la preuve vivante.