Back from the Dead - Obituary (1997)

Trois ans. Une éternité en somme que les floridiens n'avaient pas donné signe de vie, du moins n'étaient revenus d'entre les morts [1] depuis leur précédent World Demise. Album marqué par les expérimentations initiées par la paire Trevor Peres et Donald Tardy, ce disque, quoique inégal, s'inscrivait dans une démarche louable d'émancipation, au risque de perdre un auditoire conservateur davantage habitué aux sempiternelles recettes. Dont acte. A la vision de la pochette et du titre de l'album, force est de constater que l'envie de classer ce Back from the Dead comme un retour au bercail mortifère apparaîtrait comme une évidence. Or si ce cinquième album d'Obituary augurait un retour évident à leurs origines gore, ce disque n'en demeurait pas moins une fois encore, et pour la dernière fois, un opus atypique à l'image du choix du producteur, Jaime Locke, ayant précédemment fait ses armes du côté du hardcore new-yorkais.

Premier point. D'un premier album Slowly We Rot qui les voyait côtoyer le récent sludge louisanien [2] à un World Demise se rapprochant d'un hardcore mid-tempo, Obituary n'avait jamais caché son attrait pour un genre éloigné des habituelles considérations musicales de leurs pairs. Dès lors rien d'étonnant sur le papier de proposer le poste précédemment occupé au culte Scott Burns à Jaime Locke, ingénieur du son sur One Voice (1992) d'Agnostic Front et producteur du Set It Off (1994) et du Demonstrating My Style (1996) de Madball (pour marquer cette rupture, l'album, contrairement aux précédents, fut cette fois-ci enregistré au Criteria Recording de Miami et non au Morrisound Recording).

Live report : Napalm Death + Brujeria + Lockup @ Glazart, Paris, 13 mai 2017

Inoxydable. Imputrescible. Insubmersible. Immortel ? Ok, pause, c'est fini. Au-delà de cette série d'adjectifs emphatiques, Napalm Death n'en demeure pas moins un des rares groupes de rock, au sens généraliste du terme, à ne pas connaître les ouvrages néfastes du temps. Ou si peu. Trois décennies après la sortie du séminal Scum, acte de naissance du grindcore, le groupe britannique continue d'enregistrer des disques à un rythme quasi-régulier, avec une rigueur jusqu'au-boutiste et une absence de compromis forçant le respect, sinon l'admiration. Auteur en janvier 2015 d'un seizième album, l'excellent Apex Predator – Easy Meat, qui synthétisait au mieux leur abécédaire punk death métallique, la formation culte multiplie depuis deux ans et demi les dates à travers la planète prêchant la bonne parole grind. A l'affiche de l'actuel Campaign for Musical Destruction tour, Napalm Death traverse le vieux continent depuis le 25 avril dernier en compagnie des joyeux drilles Brujeria, des thrashers Power Trip, et enfin de Lock Up, side-project du bassiste Shane Embury. Le 13 mai, ces quatre groupes faisaient escale à Paris au Glazart. Mais n'allons pas trop vite...

Comptant désormais au micro Kevin Sharp, ex-Brutal Truth, après non des moindres Peter Tägtgren (Hypocrisy) et Tomas Lindberg (At The Gates), Lock Up version 2017 ouvrait ainsi la dix-septième date de cette « campagne pour la destruction musicale ». En support à leur dernier disque, Demonization, six années après leur troisième album, ce premier set servit autant de tour de chauffe aux spectateurs parisiens venu chercher leur dose d'adrénaline qu'à l'endurant Shane Embury, ce dernier n'enquillant rien de moins que trois sets par soirée au cours de cette tournée (il joue également avec Brujeria sous le délicieux sobriquet de Hongo). Complété par l'imposant batteur Nicholas Barker et le guitariste Anton Reisenegger, le supergroupe offrit comme on pouvait s'y attendre une prestation carrée, et bien plus marquante que les disques finalement anecdotiques enregistrés par Lock Up depuis 1999. Mention spéciale au nouveau venu, Kevin Sharp, pieds nus, impressionnant de maîtrise et à un Shane Embury qui lançait sous les meilleurs augures son marathon destructeur.

Maîtresse - Barbet Schroeder (1976)

Après son documentaire remarqué consacré au dictateur ougandais Général Idi Amin Dada, Autoportrait, Barbet Schroeder revenait à la fiction pour son film suivant avec un sujet de nouveau propre à en dérouter plus d'un : le sadomasochisme. Or si le cinéma s'y était déjà intéressé de manière sporadique et anecdotique, à quelques exceptions près, Maîtresse bousculait les codes autant sur le fond que sur la forme. Jamais cette pratique n'avait été filmée aussi frontalement. Inspiré par les confidences d'une dominatrice professionnelle, le scénario signé par Barbet Schroeder et Paul Voujargol s'éloignait des précédentes incursions et lieux communs du cinéma d'exploitation pour explorer une facette alors méconnue du masochisme. Cousine éloignée de Belle de jour de Luis Buñuel, Maîtresse brosse ainsi le portrait d'une romance non conventionnelle entre une jeune professionnelle, qui exerce principalement sa domination sur la gent masculine, et un jeune provincial découvrant cet univers jusqu'alors inconnu. Offrant un nouveau point de vue sur ces hommes et ces femmes devenus par choix objets soumis à leurs plaisirs et à celui de leur maîtresse, ce film provocateur est dans les salles dans une nouvelle restauration depuis le 21 avril dans le cadre de la rétrospective du réalisateur au Centre Pompidou, et en DVD et Blu-Ray dans le coffret collector sorti le 26 avril dernier.

Arrivé à Paris, Olivier (Gérard Depardieu) rejoint, non loin de la gare d'Austerlitz, Mario qui vend des livres d'art en porte-à-porte. Accompagnant son ami au cours de ses prospections, les deux hommes font la connaissance d'Ariane (Bulle Ogier) qui leur promet d'acheter tous leurs livres s'ils arrêtent l'inondation de sa salle de bain. Lui indiquant qu'elle ferait mieux de prévenir les propriétaires de l'appartement du dessous, Mario et Olivier apprennent que le quatrième étage est bien inoccupé comme le laissait transparaître les volets fermés depuis la cour de l'immeuble. La même nuit, les deux hommes reviennent pour le cambrioler. Mais le butin s'avère décevant. Pire, ils se retrouvent face à Ariane, vêtue d'une tenue de cuir. Elle les libère, moyennant un petit « service » de la part d'Olivier…
   

Général Idi Amin Dada, Autoportrait - Barbet Schroeder (1974)

Collaborateur aux Cahiers du Cinéma, fondateur de la société de production Les films du losange à seulement 22 ans, réalisateur de deux premiers longs métrages emblématiques de la culture hippie mis en musique par Pink Floyd, More et La Vallée, Barbet Schroeder surprit une fois de plus en 1974. Sur une idée du producteur Jean Pierre Rassam désirant produire pour la télévision une série de documentaire sur des chefs d'État, le cinéaste Suisse décidait de mettre en scène un film sur le récent président à vie autoproclamé ougandais, le Général Idi Amin Dada. Fasciné par ce personnage au pouvoir depuis son coup d'État en 1971, Barbet Schroeder contacta le dirigeant ougandais, se mettant de ses propres mots "à son service" afin de réaliser un autoportrait du Général, tout en lui cachant bien la nature réelle de l'entreprise, montrer implicitement le caractère dictatorial et grotesque de son régime. Ce documentaire unique est de nouveau dans les salles depuis le 21 avril dans le cadre de la rétrospective du réalisateur au Centre Pompidou, et en DVD et Blu-Ray dans le coffret collector [1] sorti le 26 avril dernier.