Fleurs d'équinoxe (Higanbana) - Yasujiro Ozu (1958)

Reconnu de son vivant comme un des maîtres du cinéma japonais par ses compatriotes, Yasujiro Ozu, à la différence de l'autre figure nationale incontournable nommée Akira Kurosawa, aura finalement dû attendre le crépuscule de son existence pour que ses réalisations connaissent enfin un début de reconnaissance en dehors de l'archipel qui l'a vu naître [1]. Plus intimiste dans ses histoires, témoin des bouleversements de la société nippone d'après-guerre et leurs conséquences sur la famille, Ozu se distingue de ses pairs par la simplicité et la sobriété évidente de sa mise en scène, lui conférant le sobriquet (et raccourci) d'être « le plus japonais des cinéastes ». 

Quarante-cinquième long métrage de son auteur, Fleurs d'équinoxe marque une évolution notable dans sa filmographie. Celui qui réfutait l'utilisation du Cinémascope, cède aux pressions du studio [2] de la Shôchiku Eiga, et tourne pour la première fois en couleurs (à l'instar de ses cinq prochains et derniers films, le maître étant finalement convaincu des possibilités techniques et esthétiques du procédé). Choix loin d'être anodin, sa préférence se porte sur une caméra Agfa. Cette dernière lui permet un meilleur rendu du rouge, soit le leitmotiv pictural du métrage, et la couleur de la fleur qui prête son nom au film.

Macumba sexual - Jess Franco (1981)

Dans la débordante et démesurée filmographie de Jesús Franco, le début des années 1980 marque sinon un tournant, du moins une évolution notable dans ses productions : son retour sur ses terres natales. Après des années d'exil qui le vire principalement tourner à l'étranger pour trois compagnies durant la décennie précédente : le Comptoir Français de Robert de Nesle, Elite Film du suisse Erwin C. Dietrich, et enfin de manière épisodique, la fameuse Eurociné [1] de Marius Lesoeur, le madrilène retrouve une Espagne libérée du poids (de la censure) franquiste. Un terrain de jeu idéal pour ses diverses déviances cinématographiques, qui lui fait croiser de nouveau l'acteur Antonio Mayans, figure incontournable de l'univers francien des années à venir, après l'adaptation de La nuit des assassins (La noche de los asesinos) d’Edgar Allan Poe en 1973.

Or un come-back peut en cacher un autre, comprendre une nouvelle relecture d'une de ses œuvres fondatrices : Vampyros Lesbos. Abandonnant les rives du Bosphore pour les paysages insolites des Canaries, Franco profite de ce Macumba Sexual pour nous rappeler qu'il reste avant tout un des grands chantres du cinéma hallucinatoire.

Alice Brooks (Lina Romay) et son compagnon (Antonio Mayans) passent leurs vacances à Gran Canaria. Celle-ci reçoit un coup de téléphone de son patron Mortimer. Une certaine Princesse Obongo (Ajita Wilson) souhaite acquérir une propriété à Atlantic City. Il lui demande d’aller la rencontrer, cette dernière, vivant sur une île voisine. Mais Alice est très perturbée par cette requête. Depuis son arrivée, des cauchemars, mettant en scène une dénommée Tara Obongo, la hantent…
  

Je t'aime je t'aime - Alain Resnais (1968)

L'affaire était entendue. Comme l'avait souligné dans un passé récent le préposé, la rencontre entre le Fantastique et le cinéma français a souvent pris la forme d'un rendez-vous fortuit. Si l'histoire a retenu quelques contre exemples mémorables, force est de constater que ces pépites trahissaient davantage le goût éphémère d'un cinéaste pour une aventure surnaturelle ou science-fictionnelle, qu'un véritable désir d'inscrire son œuvre dans l'univers fantastique. Un attrait momentané à défaut d'une attirance durable que l'on retrouva paradoxalement en France dans le cinéma d'auteur, à l'image d'un Godard ou d'un Truffaut, réalisateurs au milieu des années 1960 de deux classiques de l'anticipation : Alphaville et l'adaptation de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury [1]. Or d'une Nouvelle vague à un Nouveau cinéma, il n'y a qu'un pas. Il est dès lors peu étonnant de voir apparaître dans cette liste des cinéastes français ayant touché au Fantastique le nom d'Alain Resnais. Souvent teinté de surréalisme et d'onirisme, sa filmographie reste marquée par un essai de pur science-fiction, scénarisé par un spécialiste du genre, l'auteur de nouvelles Jacques Sternberg : Je t'aime je t'aime.

Un jeune homme prénommé Claude Ridder (Claude Rich) est à l'hôpital après une tentative de suicide. A sa sortie, celui-ci est approché par deux inconnus qui lui proposent de venir une journée au centre de recherche de Crespel. N'ayant rien à perdre, Ridder accepte. Ce dernier a été sélectionné par ces scientifiques pour participer à une expérience hors du commun : voyager dans le temps, car comme le déclare lucidement Ridder lui-même, sa qualité de « volontaire qui ne tient plus à la vie » fait de lui « le cobaye idéal ». En guise de première étape, les physiciens vont le transporter d'une année dans le passé durant une seule minute, le jeune homme devant revenir normalement soixante secondes plus tard, le 5 septembre 1966 à 16 h. Mais l'expérience ne se déroule pas comme convenu. Un dysfonctionnement lui fait revivre des moments aléatoires de son passé sous forme de flashbacks : de sa rencontre avec son ex-petite amie Catrine (Olga Georges-Picot) jusqu'à son suicide provoqué par la mort accidentelle de Catrine.