Hommage à Lina Romay (1954-2012)

Pouvait-il en être autrement depuis l'annonce officielle d'hier soir. Comment ne pas rendre un hommage, même humble, à Lina Romay, l'éternelle Comtesse noire du cinéma bis qui nous a quittés le 15 février dernier. Muse et compagne du prolifique Jesús Franco, Lina fut sans conteste l'une des grandes figures du cinéma d'exploitation des années 70. Coïncidence anecdotique, le préposé apprit la triste nouvelle hier soir de la bouche de sa dame bottée, quelques minutes après avoir mis à jour justement la chronique la plus populaire du RHCS, celle de Doriana Grey.

Apparue comme dans un rêve aux dires de Franco, la jeune Rosa Maria Almirall surgit dans la vie du réalisateur ibère à une époque où il connu deux terribles évènements personnels : la mort accidentelle de sa première muse, la poupée psychédélique Soledad Miranda (Vampyros Lesbos, Les nuits de Dracula, Eugénie de Sade) en 1970, et la fin de son premier mariage. Une période de solitude et de tristesse qui cédera sa place à une histoire d'amour, une collaboration et une symbiose artistique où les deux amants deviendront indissociables, indivisibles [1] redéfinissant à eux seuls la notion de partage et de création.

Cronico Ristretto : Appolo 18 - Gonzalo López-Gallego (2011)

La vie de préposé à la chronique peut vous occasionner, parfois, de jolis tours ou de sinistres déconvenues. "Quand Alien rencontre Paranormal Activity". Derrière une telle accroche, l'espoir d'avoir entre les mains une plante potagère de concours n'avait rien d'illusoire. Du moins, sur le papier. Las.

Réalisé par l'espagnol Gonzalo López-Gallego et produit par le russe Timur Bekmambetov (Night WatchApollo 18 (sorti en DVD le 18 février et distribué par M6-snd) se veut un nouvel avatar du genre found foutage, genre popularisé et mise en lumière par l'italien Ruggero Deodato et son craspec Cannibal Holocaust (1980), et remis au goût du jour depuis le succès du Projet Blair Witch (1999) vingt ans plus tard. Or, si le cinéma bis est intrinsèquement codifié, ce genre dit du "métrage trouvé" est néanmoins régi par un cahier des charges des plus strictes, ne permettant pas, par nature, aucune véritable originalité narrative (il est ainsi de bon ton, par exemple, que le dernier survivant filmeur ait la politesse et la décence de mourir juste avant le générique de fin [1]). A charge, donc, pour le metteur en scène et son équipe de proposer un nouveau contexte à défaut de révolutionner la narration. Oui, mais n'allons pas trop vite...

Talk Radio - Oliver Stone (1988)

Situé entre Wall Street (1987) et Né un 4 Juillet (1989), Talk Radio d’Oliver Stone est loin d'être l’un de ses longs métrages les plus populaires et la raison en est des plus simples, il s’agit sans doute de son film le plus méconnu et sans conteste le plus insolite. Entre les années yuppies et les années (post-)Vietnam, ce Talk Radio apparaissait dès lors comme un OFNI. Mais l'intérêt suscité par sa sortie inédite en DVD par Carlotta Films pouvait désormais se nourrir paradoxalement de son ancienne confidentialité, car c’était mal connaitre le réalisateur de Salvador ou le scénariste de Scarface, et en dépit de l'accueil timide qu'il connut à sa sortie aux États-Unis, fin 1988 [1], Talk Radio provient bien du même moule : une satire crue et féroce du monde des médias.

A la nuit tombée, Barry Champlain (Eric Bogosian) anime l'émission de radio intitulée Night Talk, émission de libre antenne pour KGAB, radio locale située à Dallas. Une émission populaire ou plutôt un véritable déversoir de la frustration humaine et réceptacle de la haine ordinaire, dont le cynique animateur vedette n'est autre que le catalyseur. Barry y provoque ainsi chaque soir son auditoire de ses multiples saillies verbales au risque de voir s'accroitre les menaces antisémites dont il devient de plus en plus la cible. Or ce rendez-vous nocturne des paumés, racistes, junkies et pervers si affinités venus jouer les faire-valoir et autres bouffons pathétiques pour le maître des ondes, doit désormais être diffusé à l'échelle nationale. Venue à la demande expresse de son ex-mari pour fêter cette consécration, Ellen (Ellen Greene) devient bien malgré elle la témoin impuissante de la solitude et de la mégalomanie de Barry...

Burzum - From the Depths of Darkness / Wiht - The Harrowing of the North

Non content d'avoir enregistré l'un des albums métalliquement noir de 2011, à savoir Fallen, l'antipathique Varg Vikernes a remis le couvert fin de la même année avec cette fois-ci une compilation fraîchement nommée From the Depths of Darkness, disque qui regroupe divers titres ré-enregistrés des débuts de Burzum. Or le procédé est connu depuis longtemps par tous les margoulins du disque et leurs victimes consentantes, procédé cachant avant tout un cruel manque d'inspiration et aussi (et surtout?) quelques aspirations mercantiles savamment camouflées par des élans faussement altruistes (1). Vikernes serait en plus un escroc?

Gardons néanmoins le bénéfice du doute à propos de cette compilation et de son auteur. Premièrement le dossier à charge contre Varg est suffisamment volumineux que nous n'avons nul besoin de l'alourdir davantage, et deuxièmement ce From the Depths of Darkness est (contre toute attente) tout sauf superflu et au contraire synonyme d'une créativité débordante de la part du belliqueux norvégien. Balayons en effet d'un revers de main la supposée inspiration en berne du sombre multi-instrumentiste, car si son passage à l'ombre carcérale n'aura nullement changé sa sinistre personne, il en est tout autre de sa productivité : Belus certes en demie-teinte en 2010, mais un excellent Fallen en 2011 et en mai prochain le nouveau Burzum Umskiptar. Et cette compilation alors? Celle-ci produit par le fidèle Pytten (2) reprend donc plusieurs chansons des débuts à savoir cinq titres du premier album éponyme Burzum (1992), l'épique A Lost Forgotten Sad Spirit sorti sur l'EP Aske (1993) et enfin deux titres du deuxième album Det som engang var (1993), bref ce qui a pu se faire de mieux en matière de black metal.

Vlad Tepes - Doru Nastase (1979)

Le cinéma utilisé à des fins de propagande, les régimes communistes eurent à loisir le temps d'expérimenter et de perfectionner cet art délicat de l'endoctrinement. A l'image du grand frère soviétique, la Roumanie ne faisait aucunement exception à la règle, et se devait elle aussi de promouvoir les grandes figures historiques : Etienne Le Grand, Alexandre 1er le Bon ou dans le cas qui nous intéresse l'inévitable Vlad Tepes. Tous occupaient ainsi une place de choix dans la politique (faussement) identitaire du Danube de la pensée, dit le génie des Carpates ou plus simplement le Conducator, bref le tristement célèbre Nicolae Ceausescu.

Commander des films historiques à la gloire du dirigeant communiste afin de promouvoir la fierté nationale roumaine, en voilà une bonne idée, qui plus est lorsque cette demande s'inscrit dans une période où le régime commence à connaitre diverses crises, en particulier économique. Les politiques d'austérité ayant de tout temps inspiré peu d'enthousiasme de la part du vil peuple, il convenait de rappeler à la plèbe individualiste le courage de ses dirigeants, et par voie de fait la légitimité du pouvoir de l'autoproclamé Conducator. Que penser dès lors du film Vlad Tepes de Doru Nastase ? Film historique à but propagandiste ? Pas seulement...