Les salauds dorment en paix - Akira Kurosawa (1960)

Présenté en avant-première en Europe lors du Festival international du film de Berlin en 1961, Les salauds dorment en paix d'Akira Kurosawa est sans conteste l'une de ses œuvres majeures, et paradoxalement l'une des moins connues du grand public. Situé chronologiquement entre La forteresse cachée et Yojimbo, si ce long métrage a pâti de la popularité de ces deux grands succès, son sujet contemporain très éloigné des films de sabre qui firent la renommée de son auteur, conféra sans nul doute à celui-ci une portée moindre.

Premier film produit par Kurosawa Production [1], Les salauds dorment en paix s'inscrivent comme l'adaptation la plus libre et personnelle d'Hamlet, après celle de Macbeth pour Le Château de l'araignée trois années auparavant [2]. Entouré des fidèles Toshirô Mifune et Takashi Shimura, le cinéaste profita de l'espace de liberté, que lui offrit sa société de production nouvellement créée, pour mettre en scène un long métrage acerbe, entre film noir et drame social. Enfin, point notable à porter au crédit au réalisateur et à sa critique de la corruption, qui régnait chez les hauts fonctionnaires et dans le milieu des affaires depuis l'après-guerre, Les salauds dorment en paix précéda de quelques années les premiers scandales politico-financiers qui touchèrent l'archipel nippon dans les années 60.

A Touch of Sin (Tian Zhu Ding) - Jia Zhang-ke (2013)

Cinq années après son dernier film, 24 City, le réalisateur chinois Jia Zhang-ke revenait sur le devant de la scène, après plusieurs documentaires et courts métrages, en 2013. Un retour d'autant plus marquant et inattendu que le nouveau long métrage nommé A Touch of Sin, prix du scénario au festival de Cannes, s'avère l'essai le plus sombre du cinéaste. Loin du lyrisme de ses précédentes œuvres, et s'inspirant de récents faits divers extrêmement violents qui se sont déroulés en Chine, Zhang-ke signait un métrage critique et radical, dont on ne sait par quel miracle, celui-ci a réussi à passer à travers les filets de la censure.

Scindé en quatre histoires indépendantes situées dans quatre régions différentes, A Touch of Sin relate les mésaventures de personnages en marge de cette nouvelle société chinoise consumériste. A l'exception du deuxième chapitre qui met en scène la variation la plus cynique (et moins réussie), quand l'acte de résistance d'un travailleur migrant prend la forme d'une terreur armée et arbitraire, les trois autres épisodes narrent davantage le portrait d'humiliés aux prises avec une fatalité d'origine sociale dans cette Chine néo-capitaliste et individualiste.

Eurociné 33 Champs-Elysées - Christophe Bier (2013)

« La vie amoureuse de l’homme invisible, Des filles dans une cage doréeDeux espionnes avec un petit slip à fleur, [...], Panther squad, ces films rapidement tournés, à très faible coût, exploités jusqu'au déclin des salles de quartier au milieu des années 80, ne sont pas plus exotiques pour nous qu'A bout de souffle et Les enfants du Paradis. Ce sont des œuvres françaises [...] produites par une seule firme : EUROCINÉ ». C'est par cette brillante introduction que le bienveillant Christophe Bier ouvre ce documentaire, qui fera date chez tous les amateurs de cinéma Bis. Diffusé en avant-première lors d'une des inénarrables soirées Cinéma Bis à la Cinémathèque française, et dans le cadre d'un double programme [1] consacré à cette sacro-sainte société de production hexagonale, Eurociné 33 Champs-Elysées n'est rien de moins qu'une œuvre de salut public, ou l'histoire de ce singulier studio français au rayonnement international. 

En complément à une précédente chronique, il était en effet grand temps que le préposé docteur s'attarde un moment sur le cas Eurociné, et son fameux fondateur Marius Lesoeur. Et si l'envie l'avait déjà titillée lors de la diffusion du dit documentaire, en présence de son auteur et de Daniel Lesoeur, un soir de mars 2013 (le 22 pour être précis), il aura néanmoins fallu sa publication en support DVD chez RDM Edition pour le pousser enfin à écrire ces quelques lignes.