Cronico Ristretto : Nola - Down (1995)

Formé par une bande d'amis au début des 90’s, si Down à l'origine s'apparente à un side project, force est de constater que celui-ci a dépassé ce simple cadre pour devenir un supergroupe de nos jours. Il suffit pour cela de lire d’un peu plus prêt le CV des musiciens, et on comprends aisément l'enthousiasme à l'annonce de la sortie de leur premier album : le guitariste et le bassiste de Crowbar (Kirk Windstein et Todd Strange), le batteur d'Eyehatgod (Jimmy Bower), le guitariste/chanteur de Corrosion of Conformity Pepper Keenan et enfin le chanteur de Pantera.

Après un contrat signé chez Elektra, Down sort en 1995 son premier album Nola. Titre d’album qui pose clairement l’ambiance musicale proposée par nos cinq rednecks, Nola étant l’abréviation de New Orleans (No) et de Louisiana (La), du metal sudiste à la fois groovy et délicieusement rampant.

Lizard - King Crimson: tout (cra)moisi est le roi

Le disque proposé, et ce qui en découle autour, a rappelé au préposé que, parfois, les artistes ont honte de leurs productions passées. A titre d'exemple, bon nombre de groupes issus des 60’s et 70’s se sont vautrés, avec des fortunes diverses, dans le stupre aseptisé des 80’s. Non contant de nous rappeler au bon souvenir du bontempi et du délicieux son de la caisse claire, les plus chanceux firent au moins sonner le tiroir-caisse (ce qui a ses avantages, avouons-le), alors que pour d’autres, les 80’s allaient au contraire ressembler à un très long passage à vide (has been, vous avez dit has been ?), en attendant une éventuelle rédemption au cours des 90’s. Toutefois admettons que si certains, en cédant aux sirènes d’une production caricaturale symptomatique des 80’s (de la new-wave fadasse au grotesque hard FM), se sont plantés sur les deux tableaux, les 80’s n'ont pas, à elles seules, le monopole de la pantalonnade. Elles n’ont en rien gâchées ou perverties dans l’ensemble la plupart des disques de ces vieilles gloires dont le premier responsable est en premier lieu l’artiste [1]. En somme, deux décennies après, si le résultat ressemble dans la majeure partie des cas à un vomitif puissant ou à une mauvaise blague, certains artistes pourront toujours se remémorer la larme à l’œil (et le nez pincé en option) de l’excellente affaire commerciale effectuée quelques années plus tôt. Mais, comme écrit plus haut, les 80’s n’ont pas l’apanage du retournement de veste.

Descendre - Terje Rypdal (1980)

L’une des constantes qu’on retrouve souvent parmi les amateurs de musique, c’est cet orgueil qu’ont certaines personnes envers la supposée ignorance artistique de leur interlocuteur. Il y a quelques années, lors d’une brève concernant Lisa Gerrard dans un magazine musical, le chroniqueur critiquait Michael Mann d’avoir utilisé quelques chansons de la diva pour l’une de ses bandes originales (celle de The Insider), et par extension les personnes qui découvriraient la diva grâce à la dite BO. Primo, je n’ose imaginer la tête du pisse-froid quand il a découvert la participation de Gerrard à Gladiator. Deuxio, Mann avait déjà repris deux chansons de la dame pour son précédent film, Heat, (chansons issues de The Mirror Pool). Tertio, cette petite anecdote me permet surtout de souligner une fois encore le savoir-faire de sieur Mann en matière de score. Mann proposa ainsi également deux titres composés par le guitariste norvégien Terje Rypdal, Last Night et Mystery Man sur la bande originale de son film de 1995. Or, n’en déplaise à certains (suivez mon regard), ce choix m’a permis de découvrir un guitariste méconnu (pour celui qui n’écoutait principalement que du rock), le catalogue ECM m’étant totalement étranger à cette époque.

Comment définir le style de Terje Rypdal ? Premier indice, je vous ai indiqué qu’il était signé chez ECM. De manière caricaturale, ou en usant de quelques raccourcis faciles, le style Rypdalien se rapproche de celui de son compatriote Garbarek, à savoir un savant mélange entre le jazz et une musique minimaliste (les mauvaises langues pourront taxer cette musique de new-age). Autre point commun, les deux messieurs ont collaboré à leurs débuts. Je ne saurais vous conseiller l'écoute d'Afric Pepperbird de Jan Garbarek avec Terje comme sideman pour vous convaincre de leurs jeunes années teintées de free jazz. Différence notable, cependant, le guitariste Rydpal y incorpore des influences rock (peu surprenant compte de la génération du garçon), tandis que Garbarek est plus sensible aux musiques du monde.

Paid In Full: Eric B. Is President

Duo gagnant, duo marquant, l'un des premiers duos MC/DJ qui marqua le hip-hop, lors du fameux Golden Age : Erik B. & Rakim.

Deux ans après s'être formé (Rakim répondant à une annonce du DJ Eric B. qui recherchait un MC pour accompagner ses beats, scratches et autres breaks), le duo sort en 1987 le très influent Paid In Full. En prime d'avoir fourni quatre singles pour la postérité : Eric B. Is President, I Ain't No Joke, I Know You Got Soul et Move the Crowd, l'album souligne avant tout la science de ses deux interprètes, le flow unique de Rakim et les beats d'Eric B.

A ce sujet, vingt ans après, on retient encore le flow lent et cool de sieur Rakim, à mille lieux des prestations fougueuses et virulentes des MCs de l'époque, tels Chuck D. ou KRS-One. Influencé par le jazz et grand admirateur de John Coltrane (qui lui en voudra ?), certains allèrent jusqu'à comparer Rakim à Thelonious Monk, ces derniers se faisant un malin plaisir d'ignorer la règle de la mesure et de prôner une rythmique plus libre en somme. Contrairement aux autres, il fut aussi l'un des premiers à écrire ses paroles, ne se contentant pas de "simples" improvisations, lui donnant suffisamment de recul pour y inclure une nouvelle approche du travail sur les rimes.

Finalement, le seul aspect où la patine du temps a fait son oeuvre provient de la production d'Eric B. On y retrouve en effet le son typique des productions des 80's (ce qui en soit n'est pas franchement un défaut pour du hip-hop). Eric B, derrière ses platines, joue son rôle de chef d'orchestre, rendant populaire et permettant l'essor du sampling. En jetant un œil sur wikipedia, vous serez surpris par le nombre de samples utilisés par ce DJ pour chaque titre (jusqu'à placer trois instrumentaux sur cet album dont le très dispensable Chinese Arithmetic...)

Au final Paid in Full reste un des albums les plus influents du hip-hop.

Nocturama - Nick Cave and the Bad Seeds (2003)

En 2003 sort le nouvel opus du King of Crows, Nocturama, album qui divisa la critique. Cette dernière était globalement unanime pour le noter  comme un disque plus ou moins raté, symbole d'un artiste en bout de course. Pourtant à défaut de vouloir le défendre bec et ongle, il faut reconnaitre qu'il est certes loin d'être une réussite, mais davantage le résultat d'un processus commencé quelques années plus tôt (à force de tirer sur la corde, on épuise le filon et on s'autocaricature, non ?).

Même si les albums précédents de Nick Cave avaient déjà montré la voie, parmi la discographie du ténébreux australien, il y a eu un avant et un après The Boatman's Call. Cave s'y présentait définitivement comme le dark crooner des 90's. Position que Cave remis justement en cause lors de la sortie du récent Dig, Lazarus, Dig!!!, ce choix artistique lui apparaissant finalement plus ou moins judicieux avec le recul. De quoi alimenter les arguments des personnes fatiguées par cette nouvelle posture de nouveau Leonard Cohen ? Avouons, du moins le préposé, malgré toutes les qualités de The Boatman's Call et de sa redite No More Shall We Part, leur durée pouvait laissé quelque peu dubitatif (l'album de 2001 apportant peu).

En février 2003 arrive donc Nocturama. Premier point, la pochette va à l'encontre du titre de l'album. Adieu les thèmes lugubres chers à son auditoire? Pas totalement, il suffit d'écouter justement la première chanson (Wonderful Life), ou de lire les titres de certaines chansons (She Passed by My Window par exemple). Pourtant dès l'écoute de ce préambule, quelque chose marque l'oreille. Cet album se veut plus lumineux que ces prédécesseurs, moins chargé (certains diront plus pop...), du moins plus épuré dans ses parties acoustiques, et plus empreint de sérénité (comme celle du mourant qui sait désormais sa fin prochaine ?). Les titres Wonderful Life, There is a Town et She Passed by My Window (avec une mention spéciale pour le violon de Warren Elis) apparaissent comme des réussites. Les chansons acoustiques restantes sont d'ailleurs loin d'être mauvaises (disons plaisantes voire simplement bonnes comme Right Out of Your Hand), mais souffre plutôt du syndrome de « l'anecdotisme » (et pourtant l'introduction de Still in Love augurait du meilleur...).

L'autre point à relever est le réveil de la bête qui était en sommeil depuis quelques temps chez notre australien. Si la charge se fait crescendo, avec pour commencer le boiteux Bring It On, la première véritable salve débute avec Dead Man in My Bed, annonçant le dantesque Babe, I'm on Fire et son orgue Hammond fou. Pendant un quart d'heure Cave se lance tel un prédicateur fanatique les yeux révulsés dans un maelstrom répétitif se rappelant au bon souvenir de ses plus vieux admirateurs. Une chose est sûre, ce morceau final annonce que Cave n'est pas mort et qu'il faudra compter sur lui pour le prochain disque.

A l'heure du bilan, Nocturama ne peut pas être considéré comme une réussite mais eut au moins le mérite à Nick Cave de régler ses comptes. Une transition, un passage obligé pour mieux renaître sur son prochain disque (le double Abattoir Blues/The Lyre of Orpheus sortant tout juste une année après ledit disque). A noter qu'il s'agit du dernier disque de Blixa Bargeld avec les Bads Seeds, ce dernier préférant se consacrer à son groupe Einstürzende Neubauten.




Samsara - Yakuza (2006) : Zen fuckin' attitude

Comme son nom l’indique, Yakuza nous vient de Chicago. Pouf pouf. A l’origine trio hardcore, la formation va, au gré du temps, en plus d’étoffer le nombre de ses musiciens, ouvrir un peu plus son éventail d’influences et tourner parallèlement avec quelques « poids lourds » de la musique extrême (au sens large) : Opeth, The Dillinger Escape Plan ou Mastodon.

Quand bien même les groupes cités précédemment n’ont sur le papier que peu de points communs, le groupe a su tirer parti de ces diverses expériences, et prendre certains traits de caractère propre à ces formations, en premier lieu, l’ouverture. Ce qui frappe à l’écoute de leur troisième album, Samsara, est justement cette propension à digérer toutes sortes influences, parfois contradictoires, qui vont du hardcore, au jazz, du progressif au grindcore. A ce titre, la chanson qui introduit cet album, Cancer Industry, offre un rapide aperçu de l'appétence du groupe. En trois minutes montre en main, nous dégustons une rythmique tribale, accompagnée par un saxophone en guise d’introduction, des riffs cataclysmiques bien cassants aux structures déconstruites, un chant hurlé, et enfin une dernière partie proche d’un grindcore des familles. Ce qui pouvait ressembler à une entreprise indigeste, maladroite ou tout simplement ratée, se voit rayé d’un seul trait dès ce premier jet concluant. Dont acte.

The Addiction - Abel Ferrara (1995) : This Vampire Wanna Get High

Quand le réalisateur et le scénariste de King of New-York ou de Ms. 45 décidèrent de revisiter le mythe du vampire au mitan des années 90, pouvait-on décemment s'attendre à un résultat autre qu'iconoclaste ? En connaissant un tant soit peu la filmographie du marginal (mais ô combien sympathique et déjanté) Abel Ferrara, la réponse parait des plus évidentes. Ni tueur sanguinaire, ni personnage romantique atteint d'une terrible malédiction, Abel Ferrara et Nicholas St John livraient avec The Addiction une version moderne, urbaine et riche de références philosophiques et théologiques du vampirisme. Dont acte.
 
En faisant table rase du passé, à savoir rayer les différents aspects « folkloriques » qui définissent le vampire, le duo Ferrara/St John inscrit son récit au plus près de la réalité. Sans déflorer l'intrigue, l'un des points les plus originaux survient dès le début du film, lorsque l'héroïne, l'étudiante Kathy Conklin (Lilly Taylor), croise le chemin d'une dame vampire (Annabella Sciorra). Cette dernière lui laisse le choix d'accepter, ou non, la morsure qui fera d'elle un futur membre du club privé des croqueurs de jugulaires. De cette proposition, le film ouvre la voie à divers questionnements, la place libre arbitre ou celle du déterminisme, sans oublier le rapport à la religion, ou l'un des thèmes récurrents de la filmographie du cinéaste new-yorkais.
 

South of Heaven - Slayer (1988) : Au Sud, rien de nouveau ?

1986, le jeune thrash metal étasunien accouche de trois monstres, Peace Sells… But Who’s Buying de Megadeth, Master of Puppets de Metallica et enfin celui qui nous intéresse le terrible Reign in Blood de Slayer [1]. Album culte, Reign in Blood s'inscrit comme un des rares albums de metal de cette décennie, tous genres confondus, ayant su éviter autant les outrages du temps que les fautes de goût.

Deux ans après ce coup de tonnerre, Araya, Hanneman, King et Lombardo revenaient avec le dénommé South of Heaven. Première remarque, Larry Carroll signait de nouveau la pochette (comme celle du prochain disque, Seasons In The Abyss, clôturant ainsi la trilogie). Deux choix s'offraient à Slayer lors de l'enregistrement de l'attendu successeur de Reign in Blood : la redite ou aller de l'avant. Loin de répondre par la facilité, qui voudrait proposer un disque encore plus rapide ou heavy (gimmick délicieux que la plupart des groupes de metal nous servent en interview à chaque fois avant la sortie d'un nouvel album), les quatre californiens choisirent une autre alternative, la contre allée : ralentir le tempo (une première pour le groupe), y incorporer quelques (vicieuses) mélodies (Tom Araya se mettant à véritablement chanter sur quelques chansons - sacrilège) et, mieux, amplifier les atmosphères malsaines.

Cookin': Miles le cuistot

Un leader charismatique, une formation légendaire, un disque qui ouvre une quadrilogie historique : Cookin' du Miles Davis quintet.

Détail amusant, tout du moins révélateur et intéressant, quand Miles Davis signa pour l’un des plus gros labels US de l’époque à savoir la Columbia Records au milieu des 50’s, ce dernier devait par obligation pas moins de quatre albums à la maison de disque Prestige. En attendant de recevoir les émoluments de Columbia (costume ultra chic, voiture de luxe italienne et tutti quanti), notre Prince of Darkness s’attèle à enregistrer de suite quatre disques. Anecdote qui rappelle les mésaventures du Clash de Joe Strummer. Pour rappel, l’histoire voudrait (gardons le conditionnel, nous ne voudrions pas recevoir l’opprobre de la part d’un gardien du Temple punk) que le Clash ait enregistré le gargantuesque (et indigeste ?) triple album Sandinista ! en espérant pouvoir se dégager du contrat qui les rattachait à l’époque à CBS. Mais l'histoire aura retenu qu'un triple album ne vaut pas trois albums, ils leur restaient dès lors encore deux albums à produire. Fin de l'aparté.

Ce qui sur le papier aurait pu passer pour une gageure ou pire un projet rimant avec dilettantisme, va au final devenir l’un des actes fondateurs d’une des plus belles et influentes formations jazz de l’histoire. Miles Davis après avoir été l’instigateur du cool jazz, du hard bop, trouve enfin la formule magique, à savoir une formation stable, quatre musiciens exceptionnels (John Coltrane au saxophone, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie), un quintet dont la cohésion étonne encore cinquante ans après. Un quintet si marquant que ce dernier fut considérer comme LE premier quintet de Miles Davis (en attendant LE second quintet de Miles dans les 60’s avec la jeune garde Tony Williams, Herbie Hancock et consorts), faisant fi des anciennes formations du trompettiste.

Parallèlement aux sessions d’enregistrement pour Columbia qui donneront le classique ‘Round About Midnight, Miles et son quintet graveront en deux séances marathons (comme il est usage de les définir) le 11 mai et le 26 octobre 1956 suffisamment de « matériels » pour quatre albums : Cookin’, Relaxin’, Steamin’ et Workin’. Quatre LP qui furent enregistrés dans les conditions du live, où divers standards croisent des compositions écrites par des actuels ou passés sidemen de Miles.

Cookin’ ouvre ainsi donc le bal en étant le premier à paraître (à noter que cet album n’est pas le premier gravé par ce quintet mais le second, le premier étant The New Miles Davis Quintet). Au menu, Miles et son quintet nous proposent en hors d’œuvre la relecture du standard d’Hart et Rodgers, My Funny Valentine, repris quelques années plus tôt par Chet Baker en 1952. De prime abord, si l’envie grotesque vous poussait à vouloir comparer ces deux versions, hormis le fait que celle de Chet était chantée, il convient avant tout de souligner que les reprises de ces deux messieurs sont différentes et difficilement comparables. Leur approche musicale est diamétralement opposée, Miles Davis reprenant ce standard sous l’angle du hard bop, où le dialogue trompette/piano tient une place primordiale. Blues by Five contrairement au titre précédent permet de mettre en lumière la dualité entre Miles Davis et son nouveau souffleur John Coltrane (ce dernier ne jouant pas sur My Funny Valentine). Autre point important à signaler de nouveau, la session fut enregistrée dans les conditions du direct, ne manque en effet que le public (rien ne vous interdit de ne pas applaudir entre deux solos). La chaleur se dégageant de ce disque ne trahit aucunement l’ambiance embrumée d’un club de jazz. Quant à la cohésion des membres, elle est parfaite. Airegin (anagramme de Nigeria) met en exergue la fougue du jeune Coltrane, confirmant le potentiel entre aperçu précédemment. Composé à l’origine par l’ancien souffleur de Miles, Sonny Rollins, Airegin prend la forme d'une évidente « passation de pouvoir ». Cookin’ se clôt par l’un des classiques du swing, la suite Tune Up/When Lights Are Low, avec mention particulière pour les duos Davis/Coltrane et Davis/Garland.

Au final, un album important dans l’histoire du jazz tant par la qualité des improvisations que par la présence de ce All Star band.


Cronico Ristretto : Anouar Brahem - Conte de l'incroyable amour (1992)

C'est en 1990, au sortir d'une tournée transatlantique parcourant les États-Unis et le Canada, que le musicien Anouar Brahem rencontra Manfred Eicher, propriétaire du label munichois ECM. De cette première collaboration naquit l'album Barzakh, où Anouar s'adjoignit les services de deux compatriotes, Béchir Selmir au violon et Lassad Hosni aux percussions. Et un premier album qui permit à son auteur de se faire connaitre du public jazz avant de faire plus amples connaissances.

L'année suivante, en octobre 1991, Anouar Brahem enregistra son deuxième opus pour ECM, Conte de l'incroyable amour. A l'instar de son prédécesseur, le disque pourrait apparaitre de prime abord dans la même continuité, or on y voit déjà poindre par touches plusieurs élans émancipatoires.

Premier point qui mérite d'être souligné, Anouar Brahem ne se limita pas dans sa jeunesse à l'écoute de la seule musique arabe, ce dernier n'hésitant pas à explorer d'autres versants des musiques traditionnelles provenant du pourtour méditerranéen, jusqu'à celles plus éloignées, aux confins de l'Iran de l'Inde. De ce fait, après s'être entouré de musiciens tunisiens, Anouar Brahem invita le musicien turc Kudsi Erguner, maître soufi de la confrérie Mevlevi et joueur émérite de naï, flute utilisée traditionnellement lors des cérémonies transes des derviches tourneurs. Autre compatriote d'Erguner, le clarinettiste Barbaros Erköse et de nouveau le tunisien Lassad Hosni aux percussions (bendir et darbouka) complétèrent ce quatuor (on retrouvera ces deux musiciens en trio avec Anouar Brahem en 2000 sur Astrakan Café).

Il est important de souligner le souffle nouveau que va apporter l'apport des deux musiciens turcs, leur approche orientale, et en particulier l'influence de la musique soufi, se mariant divinement bien avec le toucher contemplatif de notre joueur d'oud. De même, dans le prolongement de Barzakh, l'improvisation devient plus encore une pièce maîtresse de cette œuvre, soulignant au besoin le lien universel qui peut lier le jazz et les musiques dites traditionnelles (il suffit de constater par exemple l'influence qu'a pu avoir la musique indienne sur le jazz modal d'un Miles Davis ou d'un John Coltrane).

Un des albums de 1992, rien de moins.

 

Free - Tons of Sons: il était libre Paul

Petit avertissement : ce qui va suivre est la stricte vérité (enfin le deuxième paragraphe, pour le reste…), j’en veux pour preuve que j’en suis l’auteur et qu’il s’agit de mon blog (alors hein bon… parfois je suis moi-même ébloui par la maestria de ma rhétorique).

Après une légère pause (plus ou moins) indépendante de ma volonté (qui inclut un passage au Pré St Gervais où en plus de devoir boire une célèbre bière hollandaise (un coup de poignard dans le dos, cela faisait à peine 24h que j’étais en France qu’on me rappelait déjà d’où je venais… mais je n’étais pas à ma première déconvenue…), j’eus (enfin nous eûmes…) l’obligation de subir les premières notes de Death Magnetic à croire que mon précédent post n’était pas suffisamment clair (quota égocentrique ON)… prouvant que notre hôte sous ses airs débonnaires et hautement sympathiques cachait bien son jeu, l’âme d’un tortionnaire je vous dis (bon ok vous pourriez me rétorquer à juste titre que d’habitude je ne crache pas sur cette qualité humaine… mais quitte à punir le vilain garçon que j’entends être, étonnamment mon hétérosexualité penche pour UNE tortionnaire…), ou seconde option, mon hôte n’était qu’une autre victime de cette soirée, se voyant dans l’obligation de faire plaisir à ses autres invités, une bande de masochistes qui s’ignorent (ceux sont les pires !), implorant silencieusement Death Magnetic en guise de punition… (et moi au milieu de tout ça !). N’empêche, il serait dommageable de penser que notre hôte allait lâcher le morceau aussi facilement (vous pensiez le contraire, non ?), dès lors ce dernier changea de stratégie et se fit le chantre de la frustration (ce qui, avouons le, était un coup très bas et injuste, puisque le premier (et seul ?) à souffrir de ce plan machiavélique ne fut autre que moi, infliger un tel revers à quelqu’un d’aussi innocent, quelle honte… (bref on appâte le client avec le mot « soubrette »… et pis rien… quitte à noyer mon chagrin en sirotant un mix incroyable à base d’orange, de cactus et de citron vert ?)). Ceci dit, ne nous plaignons pas trop (quoi ? non ce résumé des faits est parfaitement objectif, je ne fais aucunement mon Caliméro), l’auteur de ces lignes n’étant pas atteint d’une acédécéphobie aigue, l’attaque vile des frères Young eut très peu d’effets sur moi (tout le monde ne peut pas en dire autant… néanmoins je n’ai pu constater de filet de bave sur la dite personne, effet secondaire bien connu de cette allergie auditive). Du coup, notre hôte, le cœur sur la main (ouais enfin disons cherchant surtout à se faire pardonner!), proposa à la demoiselle encore sous le choc le choix de la playlist. Et c’était parti pour presque une heure de Watershed...

Après une introduction toujours aussi à l’ouest (si vous trouvez un quelconque point commun entre cette intro et le reste du post, faites moi signe… moi, j’ai décroché), intéressons nous quelques instants à un groupe qui sur le papier m’avait toujours laissé dubitatif, du fait des futurs errements de son leader, mais pas seulement. En effet, en lisant que Brian May, Roger Taylor et Paul Rodgers nous remettaient le couvert (pourtant il me semble qu’on ne leur avait rien demandé à ces trois là), je me suis souvenu des débuts du groupe du Rodgers, Free. Il serait en effet dommage de réduire cette jeune formation à son tube All Right Now (certains pourront taxer ce hit d’efficace (c’est l’une des définitions d’un hit me direz vous) mais personnellement, je le considère surtout comme vite soûlant…).

C’est en novembre 1968 qu’apparaît le premier album de Free, une époque où les jeunes britanniques férus de rock’n’roll s’ingéniaient encore à croiser le fer avec le blues. Et c’est vrai que ce disque, Tons of Sobs, tombe à point nommé, entre un groupe pionnier qui vit ses dernières heures (Cream) et un autre en phase de mutation en passe de devenir prochainement LE groupe (Led Zeppelin).

Cette jeune formation (tous les membres n’ayant pas encore 20 ans lors de l’enregistrement) nous propose ainsi de suivre les traces d’un Fresh Cream avec toutefois quelques différences notables. Premier point, qui peut paraître trivial ou stéréotypé du fait de leur âge, sur ce premier disque Free donne un rendu plus frais que le premier LP du trio Bruce/Clapton/Baker (je concède, en 1966, à la sortie de Fresh Cream, notre trio était loin d’être des vieux brisquards, Ginger Baker, l’aîné, n’atteignant que 26 ans…). Second point, la voix de Paul Rodgers qui du haut de ses 19 ans a de quoi bluffer par sa maturité et ses accents soul (remarquez que par la suite il était de bon ton pour pas mal d’artistes/groupes de blues rock blanc d’être/avoir un chanteur typé soul… Free n’étant peut-être pas les premiers mais soulignant bien ce cas de figure).

Au rayon des nouveautés, l’album s’ouvre et se clôt par le morceau Over the Green Hills (fait suffisamment rare à l’époque), qui en guise d’introduction tout comme rampe de lancement à l’excellent Worry joue parfaitement son rôle. On notera aussi la présence de deux reprises blues (étonnant, non ?) dont un Goin’ Down Slow s’étalant sur plus de 8 minutes. Il convient aussi de souligner le talent certain de la paire Paul Rodgers/Paul Kossoff, le premier étant le principal compositeur du LP, et le second à la guitare étant loin d’être ridicule (18 ans lors de l’enregistrement !). Ensuite forcément on pourra regretter le manque de prise de risque de la plupart des chansons (le canevas est tout sauf aussi aventureux ou tranchant que le I du quartette Page/Plant/Jones/Bonham par exemple), mais compte tenu de la qualité générale et de l’âge des protagonistes, on ne peut qu’apprécier ce premier album (secondé par la production sobre de Guy Stevens (futur producteur de London Calling)).

Au final, bien que ce premier album fasse pâle figure comparé aux monstres que sont Fresh Cream ou le I de Led Zeppelin, Tons of Sobs reste néanmoins un LP attachant (contenant le classique I’m a Mover) et un parfait instantané de la musique blues rock de l’époque (un classique du genre même).

Death Magnetic - Metallica ou les équations de Maxwell résolues par deux yankees, un danois et un mexicain

Résumé des épisodes précédents. Nous avions laissé Metallica en studio avec le controversé St Anger en 2003, album qui à défaut d'être parfait, gardait un capital sympathie plutôt satisfaisant. Produit par l'inamovible (du moins ce que l'on pensait) Bob Rock, l'album se distinguait par un flamboyant (?!) son clair de batterie évoquant, rien de moins, la jurisprudence ...And Justice for All ; et en conséquence la non reconduction pour le prochain disque de leur fameux producteur, le duo Hetfield / Ulrich ne souhaitant pas être tenu responsable de cette gabegie au coût exorbitant.

Les griefs contre St Anger se résumaient ainsi à sa mauvaise production [1], à une certaine monotonie et linéarité, et à sa durée (plusieurs chansons auraient mérité à être écourtées voire tout simplement retirées). Quant à l'absence de solo, ce choix original n'était pas fondamentalement un problème, et avait le mérite, une fois de plus, de souligner la transparence de Kirk Hammett. Bref, au-delà de la formule facile, l'album avait les défauts de ses qualités, et transcrivait plutôt bien une formation au bord de la crise de nerf (cf. le documentaire Some Kind of Monster).

Glassworks: heart of Philip Glass

Dans la série : lançons une réflexion faussement pertinente, peut-on décemment rendre son "art" plus populaire sans compromission ? Et dans le cas qui nous intéresse, comment présenter sa musique à un public plus vaste sans artifice ou grosses ficelles ? Bref, tout ceci s'apparente à une fumeuse quadrature du cercle.

Réflexion d'autant plus fumeuse puisque l'album présenté aujourd'hui et qui me sert d'exemple, Glassworks de Philip Glass, n'est pas issu d'un genre hautement populaire (officiellement comme Death Magnetic sort dans trois jours, j'eusse pu illustrer cette thématique avec l'album éponyme de Metallica...)

En 1981, Philip Glass signe sur le label CBS (Columbia) et pour reprendre ses mots "Glassworks was intended to introduce my music to a more general audience than had been familiar with it upto then". Et ma foi, il n'a pas tort le Philip. Glassworks comprenant en tout six mouvements fait selon moi parti des œuvres maîtresses du compositeur, et généralement de la musique minimaliste.

Glass réussit en effet à rendre accessible une musique qui sur le papier ne l'est pas vraiment (tout du moins sur cette oeuvre... et comparée à celles de Steve Reich, excellentes mais ô combien plus difficile pour un néophyte). L'héritage d'un Erik Satie sur certaines parties telle que Opening (ce qui explique sans doute mon attachement à cette oeuvre aussi) est évidente. Glass compose ainsi à partir de deux flûtes, deux saxophones sopranos, deux saxophones ténors, deux cors, piano/synthétiseur et finalement d'altos, violoncelles, six pièces de durée homogène (aux alentours de six minutes) favorisant ainsi l'aspect accessible.

Et puis même si l'ambiance générale proposée par Glassworks ne donne pas forcément envie de faire du vent dans les couettes (c'est bête je sais, mais c'est bon pour la tête...), on notera tout de même la diversité des thèmes proposés, allant du lumineux au sombre et tortueux Island (si je vous dis que c'est mon préféré, ça vous étonne ?).

Au final, un de mes classiques.

Funky front covers II

Les habitués du RHCS se souviendront qu'en février dernier (ICI), l'auteur de ces lignes s'amusa à décrire quelques pochettes de funk très rafraîchissantes dirons nous, et bien en voici la suite, tout en lorgnant cette fois ci aussi vers le disco. Mais comme toute bonne séquelle qui se respecte, il faut en donner encore plus au public avide de chair fraîche (amis des formules ampoulées, nous vous saluons). Vous vouliez plus de provocation, plus de mauvais goût, la finesse trash est votre crédo : ce second volet est pour vous !


La période estivale touchant bientôt à son terme, quoi de mieux pour débuter que de se remémorer cette saison qui rime pour le mâle avec pin-up en maillot. Deux exemples, la pochette proposée par le groupe disco A Taste of Honey, célèbre pour son tube Boogie Oogie Oogie, qui tout en restant sobre (comparé à ce qui va suivre, c'est limite chaste), invite tout de même à une ambiance des plus moites... Avec Bohannon, on retrouve toute l'atmosphère joviale et colorée des 80's avec un titre qui résume assez bien le propos, Summertime Groove... mais la pochette de ce LP date de 1978, comme quoi... et puis la dite chanson est tout sauf un exemple de concision, 8 minutes de mid-tempo groovy qui à défaut d'être aussi indispensable qu'un bon vieux Parliament des familles, reste suffisamment plaisant aux oreilles (et à celle de Lenny Kravitz qui pour changer s'est encore très fortement inspiré du guitariste...).

In the mood for fall

Si ces temps ci l'envie de pratiquer une "Mike Brant" vous démange, histoire de prouver aux réticents (enfin s'il en reste...) que le père Isaac Newton était tout sauf un charlot, ou que du haut de votre 5ème étage l'appel du bitume se fait de plus en plus pressant (on fait avec les moyens du bord, pensez bien que si c'était plus haut, la démonstration serait plus magistrale), voici une dédicace qui vous est spécialement dédiée.


Black Moses is dead

Bon alors j’étais parti pour lancer une fumeuse et hypocrite diatribe envers la gent féminine, rappelez vous, celle qui vous pousse à boire lorsque vous avez du vague à l’âme, profitant ainsi d’un de vos rares accès de faiblesse (et je ne vous parle pas de celle qui préfère les fish & chips au chou…). Et puis ce matin, entre une médaille totalitaro-sino-olympique et un bombardement russe, j’apprends que le Black Moses nous a quitté à l’âge de 65 ans.

Elevé par ses grands-parents, Isaac apprends en autodidacte à jouer du piano, de l’orgue et du saxophone, puis part pour Memphis jouer dans différents clubs de la capitale de la country. Ceci dit Memphis est aussi connu à l’époque (tout du moins des afro-américains) pour avoir en son sein le fameux label Stax Records. Il est à noter que Hayes passa nombres d’auditions pour le label avec diverses formations, passant du doo-wop au Rhythm & Blues… et échoua à chaque fois, avant de lui proposer un contrat en tant que musicien de studio (offre difficile à refuser à 20 ans…). Durant ces années, Isaac Hayes accompagné de David Porter, ces derniers prénommés the Soul Children pour l’occasion, vont écrire pour Stax pas moins de 200 chansons, et non des moindres tel que le tube Soul Man pour le duo Sam & Dave.

En 1967, Hayes débute sa carrière solo en publiant le bien nommé Presenting Isaac Hayes, annonçant déjà le style Hayes, à savoir un savoureux mélange de jazz, de soul baroque et de blues. Entre temps le 4 avril 1968, Martin Luther King se fait assassiné à Memphis, évènement tragique qui aura pour conséquence de plonger l’inspiration de Hayes au niveau zéro. Il faudra ainsi attendre 1969 pour avoir un nouvel enregistrement d’Isaac Hayes, et pas n’importe lequel, Hot Buttered Soul. Album atypique, ne contenant que 4 titres où derrière le canevas de chanson pop, Hayes brode de longues plages instrumentales gorgées de groove, de cuivre et de cordes, le tout magnifié par la voix grave du monsieur. Album dont la pochette montre aussi les nouveaux codes vestimentaires d’Isaac, chaîne en or et lunette noire.

Dès lors c’est la consécration, le succès, Hayes sortant encore quelques albums marquants tels que To be continued ou The Isaac Hayes Movement en attendant la célèbre bande originale du film Shaft en 1971, gagnant un oscar pour la meilleure BO au passage; la popularité d'Isaac Hayes atteignant son paroxysme lors du fameux Wattstax le 20 aout 1972, festival ayant pour but de commémorer le 7ème anniversaire des émeutes à Watts.




Isaac Hayes - Walk on by (version single pour un show tv)

Draconian Times ou la fable de la carpe gothique et du lapin métallique

En cette année 1995, un certain microcosme fut en émoi lorsque le groupe anglais Paradise Lost publia son cinquième album, Draconian Times. Beaucoup de superlatifs et de critiques élogieuses tombèrent sur les épaules des géniteurs d'As I Die (leur premier « tube »), ces derniers réussissant enfin à concrétiser sur un album entier tout le potentiel qui apparaissait sur leurs deux précédents disques (Shades of God et Icon).

A leur corps défendant, Nick Holmes et Greg Mackintosh (les têtes pensantes du quintet) furent dès lors les instigateurs d'un mouvement (qui avec le recul aurait du rester mort né) : le gothic metal [1]. Combiner la tristesse froide et les atmosphères lugubres avec des guitares lourdes et agressives ressemblait à une chimère fort séduisante (encore qu'à l'écoute du titre éponyme de Black Sabbath, tout était déjà là…). Dommage que le dit mouvement n'ait retenu que l'aspect théâtral et grotesque du goth allié à la « finesse » d'un heavy metal pompier (non ce n'est pas un pléonasme !).
  
Treize ans après sa sortie, que penser du dit album ? Draconian Times garde encore un charme indéniable en dépit de plusieurs imperfections. Paradise Lost nous ayant habitué à changer de mue à chaque album (en attendant les prochains One Second et Host), ce disque de 1995 permit au groupe un nouvel éclairage, et surtout une nouvelle popularité (le disque est leur plus grand succès critique et commercial).
  

Zuma: pour le petit oiseau diurne insomniaque

C'est pas pour dire mais quand vous aspirez à un peu de calme, il faut toujours un énergumène dans le cas présent un oiseau, mi-pic vert mi-choucas (bonjour le mélange... ceci dit on a vu pire par le passé, souvenez vous d'un certain Gonzo the great, fruit des amours d'un renard argenté et d'une dinde, ok je m'égare un peu...), pour vous rappeler que ça fait déjà plus de dix jours que vous n'avez pas posté le moindre billet. En même temps, avec les vacances...

Après avoir bien plombé l'ambiance ainsi que les ventes de ses albums, Neil Young publie le 10 Novembre 1975 l'album Zuma. Il faut rappeler que notre Loner préféré revient d'une période plutôt difficile à savoir la mort de son ami Danny Whitten, guitariste du Crasy Horse, en Novembre 1972. Young excédé par les abus du guitariste, héroïnomane depuis la fin des 60's, et déjà viré par ses anciens collègues du Crasy Horse, se fait aussi remercié par Young, lui donnant au passage un billet d'avion pour Los Angeles et 50 dollars... Whitten qu'on retrouve plus tard à L.A.... mort par overdose. Ainsi naquit par extension, la "fameuse" Ditch trilogy de Neil Young, soit sa période la plus sombre artistiquement, fruit de son état dépressif, nourrit par son sentiment de culpabilité.

Il aura fallu ainsi plus d'un an à Neil Young, entre juin 1974 et août 1975, pour enregistrer un successeur au brillant mais terriblement noir, Tonight's the Night. Ceci dit, le label Reprise ne sorti cet album (datant en fait de 1973) que le 20 Juin 1975, soit 5 mois avant Zuma. Du coup, la différence entre les ambiances de ces deux LP est pratiquement abyssale en comparant les deux titres qui ouvrent ces deux albums, à savoir le crépusculaire et éponyme Tonight's the Night et l'accrocheur Don't Cry No Tears.

Mais attention, ne pas croire non plus que le grand Young ait changé son fusil d'épaule, on retrouve toujours les ambiances mélancoliques d'une exquise finesse propre au Loner. Preuve ultime sur l'excellent (et peut-être ma chanson préférée de Zuma) Danger Bird, où Young nous gratifie de solos aériens tout simplement sublimes (secondé en rythmique par le remplaçant de Whitten, Frank Sampedro).

Le reste du LP nous présente ainsi, un peu à l'image de Don't Cry No Tears, un album de Neil Young orienté rock, plus "jovial", en tout cas plus mélodique et immédiat que ses précédents et torturés LP. On note la présence tout de même de deux chansons acoustiques, tout aussi indispensables, Pardon My Heart et Through My Sails avec la présence de ses compères Crosby, Still & Nash.

Et puis bien sûr, Zuma contient l'un des célèbres hymnes de Neil Young, Cortez the Killer (tout est dans le titre... disque interdit en Espagne sous Franco... étonnant, non?). Chanson qui une fois de plus démontre le talent guitaristique du garçon, un chef d'oeuvre.

Cronico Ristretto : Roberta Flack & Donny Hathaway

Découvert sur le tard par le préposé, voici quelques lignes consacrées à l’un des plus beaux duos qu’aient connu la soul music, Roberta Flack et Donny Hathaway.

Donny Hathaway n’aura attendu que son second album pour connaître le succès public en 1971. La même année, il collabore pour la première fois avec Roberta Flack sur la reprise You’ve got a Friend (de Carole King). Le succès étant au rendez-vous (classée 8 dans les US R&B charts), le duo enregistre et sort l’année suivante un album éponyme, Roberta Flack & Donny Hathaway, LP contenant le tube Where is the Love ? (élu meilleure performance vocale aux Grammy de 1972). Le succès du single You’ve got a Friend aidant, l’album se classe finalement troisième au Billboard (et deuxième US R&B charts).

36 ans après la sortie de l’album, la production n’a pas trop mal vieillie, bien au contraire ! Mais surtout, l’émotion est toujours présente, et celle-ci ne se fait pas prier dès le premier morceau, I (Who Have Nothing), chanson qui nous rappelle une fois de plus que Donny avait l’une des plus belles voix soul masculine (sinon la plus belle). Comme écrit plus haut, l’album contient le tube qui les a fait connaître à savoir You’ve got a Friend. Si celle-ci est réussie, son aspect calibré souffre néanmoins de la comparaison avec Be Real Black for Me par exemple. Comme dans ses enregistrements précédents, Donny fait quelques légères incursions vers le funk, comme sur l’intro groovy de You’ve Lost That Lovin’ Feelin’. Autre moment fort, Mister Hathaway chante seul sur le sublime For All We Know, seul au piano et accompagné par quelques cordes vers la fin en guise de conclusion. Histoire de faire tomber un peu la pression, le reste du LP est un peu plus léger (encore que…), voire frais comme sur Where is the Love ?, tube évoquant par son ambiance celui de Stevie Wonder You Are the Sunshine of my Life.

Le duo n’oublie pas cependant ses racines Gospel sur le poignant Come Ye Disconsolate. L’album se clôt par l’instrumental et mélancolique Mood, titre annonciateur des futures années de dépression du talentueux Donny.

Au final, un album à classer à part parmi les œuvres de Donny Hathaway mais qui contient quelques moments forts.



Cronico Ristretto : End of the World Party (Just in Case) - MMW (2004)

Apres les excellents Combustication ou Uninvisible, le trio new-yorkais formé par John Medeski, Billy Martin et Chris Wood remettaient le couvert en 2004 avec End of the World Party (Just in Case).

Comme l'avait maintes fois démontré par le passé ce trio de jazz atypique, ces musiciens aguerris pouvaient se targuer de faire le lien entre musiques dites actuelles et d'autres plus anciennes. En d'autres termes, Medeski, Martin & Wood avaient la capacité de faire cohabiter en un tout plusieurs générations de jazz : le post-bop, le soul-jazz des 60's, le jazz-funk des 70's avec le hip-hop par exemple. Ainsi l'amateur éclairé ne devrait pas être totalement surpris de savoir que le trio s'est attaché les services du producteur John King, membre des Dust Brothers, pour ce nouvel album, King ayant collaboré auparavant à certains albums des Beastie Boys ou de Beck.

Le son se veut ainsi plus compact, plus dense, certains diront même plus efficace. Plus léger sans être policé ou adouci, la "popisation" redouté n'a pas eu lieu. L'album est certes plus directe, mais sans verser dans la facilité. Si on peut regretter la richesse d'un Combustication, ce End of the World Party permettra aux novices d'apprécier une musique qui pourrait à tord rebuter le quidam (cf. la liste musicale à la Prévert précitée). Le trio nous offre ainsi une musique toujours aussi aventureuse, des rythmes latins sur les excellents Reflector ou Mami Gatoaux multiples nappes de claviers du premier morceau, Anonymous Skulls. Quant à la section rythmique incarnée par Martin et Wood, la formule reste égale à elle-même : un batteur toujours aussi inspiré et un bassiste toujours aussi délicieusement groovy.

Au final, un album qui ne détrône en aucune manière les albums précédemment cités mais qui peut servir d'introduction à cet inventif trio.



Facelift - Alice in Chains: Seattle 1990

Groupe issu de la fameuse scène de Seattle, si Alice in Chains ne fut pas le premier à sortir son premier album (Soundgarden ou Nirvana les ayant devancés), la bande à Jerry Cantrell furent néanmoins ceux qui connurent en premier une reconnaissance aussi bien publique que critique.

Après un contrat avec la major Columbia au cours de l'année 1989, les Alice in Chains signent en juillet 90 leur premier EP, We Die Young, dont la chanson éponyme écrite par Jerry Cantrell (comme la majeure partie des titres du répertoire du groupe) fut inspirée par des gamins désœuvrés d'une dizaine d’années dealers (le jeunisme touche tous les métiers ma bonne dame). Sur leur lancée (le label misant pas mal sur le combo) apparaît environ un mois plus tard leur premier album, Facelift, le 21 août 1990.

Le disque débute ainsi par la chanson qui ouvrait leur premier EP, We Die Young. Cette chanson délicieusement rampante tend à prouver en préambule qu'Alice in Chains est bien le seul groupe de Seattle à suivre les traces de Black Sabbath, Cantrell en profitant le temps du solo à faire son Iommi. Deux minutes trente plus tard, Man In The Box quant à elle permit à la formation de connaitre le succès publique, bien qu'étant tout sauf facile d'accès. Les ventes du LP démarrant doucement, 6 mois après sa sortie, seulement 40 000 copies ont trouvé preneur sur le territoire US, et voici que MTV s'entiche de cette chanson matraquant ainsi le clip sur son antenne... Résultat : 400 000 copies vendues (on ne sera pas trop critique mais ça en dit long tout de même sur le pouvoir de la chaîne musicale). Puis par ordre d'apparition, on retiendra les autres classiques du LP à savoir : Sea of SorrowBleed the Freak et Love, Hate, Love, les deux derniers titres prenant une dimension particulière en concert.

Comme bon nombre de premier album, celui-ci ne déroge pas à la règle : de bonnes intentions limitée par une production maladroite (un son sans relief) et des compositions qui n'ont pas encore atteint un niveau d'efficacité suffisante (au même titre que cette pochette, on est encore bien loin du toutou à trois pattes). Pourtant le groupe est déjà bien en place. La voix de Layne Staley est reconnaissable entre mille, les ambiances lourdes, poisseuses et maladives, marque de fabrique d'Alice in Chains, sont déjà présentes pour le plus grand bonheur (?!) des auditeurs sur bon nombre de plages.

De bonnes chansons qui finalement ne marquent pas suffisamment les consciences ? En quelque sorte. Cependant l'album contient tout de même cinq futurs classiques (sur 12 titres proposés, pour un premier essai, c'est plus qu'honorable). Dommage ces cinq chansons se suivent pratiquement... une fois passée la sixième piste, le dantesque Love, Hate, Love, on s'ennuie quelque peu.

A une époque où Layne Staley n'était pas encore handicapé par ses nocives addictions, le groupe tourna ainsi pour promouvoir ce premier jet, en première partie de l'Iguane Iggy Pop mais aussi et c'est suffisamment étrange pour être souligné, en première partie de Van Halen (allez passe encore), Poison ou Extreme ! Ceci dit dans un sens, on peut admettre que de tourner sur le territoire US avec Slayer, Anthrax et Megadeth lors du culte Clash Of The Titans (la version européenne ayant pour affiche Slayer, Megadeth, Testament et les Suicidal Tendencies) peut sembler aussi hors sujet pour certains (Alice parmi des groupes de thrash, drôle de mélange, n'est ce pas ?)

Toujours est-il, bien maligne la personne qui aurait devinée la nouvelle direction musicale d'Alice in Chains sur leur prochain EP Sap...


Charly Oleg: ouais fooooooormidable!!

Une fois n'est pas coutume, je débuterai ce billet par la conclusion... honte à vous mademoiselle Rx Queen! (les explications vont suivre je rassure mon lectorat, mais il s'agit dans un premier temps de trouver une accroche, et quoi de mieux comme cible que celle qui goûta de mon fiel dans un post précédent... mouais bon...). En effet, lancer un pari douteux dans le but de ridiculiser un personnage populaire et de laisser la sale besogne à quelqu'un d'autre, c'est pas du joli joli! Surtout en soudoyant la personne innocente après avoir complimenté un de ses précédents posts... RxQueen aurait elle Machiavel comme pygmalion? Sauf que fallait pas baver sur les rouleaux à Charly d'abord!

Aussi loin que je m'en souvienne, ma première rencontre télévisuelle avec le charismatique Charly doit dater de l'année 1985 voire 1986. A vrai dire, pendant une courte durée, durant ma primaire (profitez car je livre rarement des bribes de ma vie personnelle... fichtre, elle est diabolique la Rx...), revenant manger le midi à la maison, j'eus la surprise de découvrir une nouvelle émission, Tournez Manège (non parce que voyez vous, loin de moi l'idée de mettre en doute les qualités de l'Académie des neuf, mais à moins d'être un habitué, le concept me semblait déjà plus hermétique... certes Bernard Menez faisait parti quelque fois des invités, mais à l'époque, son charme me laissait quelque peu dubitatif). Et là, attention, je vous parle du véritable Tournez Manège, le vintage, celui qui durait presque une heure, la dernière partie étant consacrée au débonnaire Jean Amadou (on dira ce qu'on voudra, mais je viens de perdre le peu de crédibilité qui était encore en ma possession...).

Bref, pour les plus jeunes, cette sympathique émission au doux parfum de naphtaline débutait par la prestation ô combien merveilleuse du talentueux Charly Oleg, le tout diriger bien évidemment par la délicieuse Évelyne Leclercq. Ainsi, deux duos de candidats avaient pour tâche de reconnaître les chansons interprétées de mains de maître par Charly et son fidèle orgue Hammond. Et c'est ainsi que je fus frapper par le célèbre "formidable!" que Charly n'hésitait pas à répéter inlassablement pour encourager les candidats... ce mot magique résonne encore en moi après toute ces années.

Ceci dit, faudrait pas non plus réduire notre sémillant Charly à sa prestation lors de ce show quotidien qui dura tout de même huit années. Alors certes, notre sémillant organiste continu de jouer pour quelques galas à travers l'hexagone, j'ai même trouvé ce site si vous souhaitez louer les services de notre ami pour quelques soirées privées, mariages, animation dans les restaurants, clubs et discothèques, mais aussi pourquoi pas, soutenance de thèse! On notera le jeu de mot impérial: "le karaoké devient le kara oleg!"

Enfin bon, il ne faudrait pas non plus oublier que tout ceci, même s'il en a point honte, sert surtout à remplir sa gamelle, car le saviez vous mais Charly Oleg a un prix d'excellence au Conservatoire. Dernièrement, ce dernier a même sorti un album qui est bien loin des ambiances festives qu'on lui connait! Nous sommes plutôt à la croisée d'une musique influencée par le classique et quelques touches de jazz. En aparté, ça me fait penser que la chatoyante Yvette Horner avait aussi joué avec des musiciens de free jazz, alors hein bon...

Bref voici un extrait de son album solo et puis quand même, en souvenir du glorieux 1D20, en bonus je ne peux m'empêcher de vous offrir le duo que le monde entier nous a envié, Charly Oleg et le professeur Choron pour un dantesque Formidable.


Découvrez Charly Oleg!



Watershed - Opeth (2008)

Depuis 1995 et leur album Orchid, Opeth convie l'auditeur à un mélange des genres qui sur le papier appelle à la vigilance. « Hybride casse-gueule » ou pire produit « Appellation d'Origine Indigeste », cette rencontre entre un death metal racé made in Sweden et un rock progressif n'a pourtant fort heureusement peu de liens avec son cousin scabreux, le metal symphonique. Loin d'être pompeuse, la musique proposée par Opeth évite les pièges et caricatures liées au terme progressif.

Watershed se démarque en premier lieu par la présence de deux nouveaux membres, le batteur Martin Axenrot et le guitariste Frederik Åkersson. Après un Ghost Reveries qui divisa une partie des fans, Opeth continue donc de creuser le sillon progressif avec cette fois-ci une incursion plus 70's voire psychédélique tant au niveau du son que de l'instrumentation. A vrai dire, pour celui qui connaîtrait déjà un minimum son manuel du rock progressif des 70's, avec un tel descriptif, un début d'appréhensions sembleraient légitimes, non ?

L'album s'ouvre par l'inhabituel Coil, inhabituel car ce titre est totalement acoustique (avec en supplément quelques arrangements un peu « flonflons » qui auraient gagnés à être évité), monsieur Åkerfeldt de sa belle voix clair étant accompagné pour l'occasion par la dénommée Nathalie Lorichs. Mise en bouche sinon discutable, du moins étrange, mais vite oublié par Heir Apparent où nous retrouvons l'Opeth classique : une belle introduction aux guitares rugissantes croisant un piano discret mais mélancolique, quelques changements de rythmes bien sentis avec une guitare acoustique, une flûte et des growls death (seule chanson à ne contenir que des growls, les autres chansons de Watershed alternent voix clairs et growls), le tout avec suffisamment de classe pour que le mélange ne nous donne pas d'indigestion. Bon point.

Il en est tout autre de The Lotus Eater. Certaines parties viennent « polluer » la dite chanson. Si vouloir s'inspirer de ses aînés est une louable idée, encore faut il bien savoir choisir ces derniers. Et dans ce cas, le préposé n'a pas, semble t-il, les mêmes affinités. Le morceau est bon (du moins sa première partie), le break à partir de la quatrième minute l'est tout autant, mais il en est tout autre des claviers deux minutes plus tard (Åkerfeldt aurait-il trop écouté Deep Purple ? Dommage, mais n'allons pas trop vite). Certes, ceci ne dure pas bien longtemps, à peine quelques secondes, il n'empêche. Quant au titre suivant, Burden, il confirme la touche Deep Purple et ce lyrisme maladroit. S'inspirer du travail de John-Paul Jones aurait sans doute été plus louable que reprendre les plans de Jon Lord.

Histoire de se calmer un peu avec les quelques expérimentations, la chanson Porcelain Heart, choisie à juste titre comme single (par son aspect mainstream), recadre les égarements précédents, au même titre que le riche et mélodique Hessian Peel. L'album se clôt par un honnête Hex Omega, où cette fois-ci l'influence 70's se veut beaucoup moins présente que sur les chansons incriminées (cependant le morceau est vite oublié).

L'édition spéciale contient à ce propos trois autres chansons en plus d'un DVD incluant un making of, un titre inédit Derelict Herds et deux reprises, Bridge of Sighs de Robin Trower (ancien guitariste de Procol Harum) et Den ständiga resan de Marie Fredriksson (de Roxette. No comment).

Un album qui comblera sans doute bon nombre de fans mais qui se trouve handicapé par quelques maladresses. Malheureusement, ces dernières sont le fruit de la nouvelle évolution de la formation scandinave. Reste quelques chansons plus "classiques" pour faire passer la pilule. Difficile de classer ce LP parmi les indispensables d'Opeth. Très loin d'un Still Life...



PS: Opeth sont en concert au Hellfest ce dimanche 22 juin avec à l'affiche: Slayer, Motörhead, NOFX, Morbid Angel, My Dying Bride, the Dillinger Escape Plan, etc...


Cro-Mags: hare Krishna in your face...

Dans la série groupe méconnu qui eut une influence non négligeable sur un courant musical (voire deux présentement ici), je voudrais aujourd'hui celui d'Harley Flanagan, les Cro-Mags. A vrai dire c'est en réécoutant le premier album de Machine Head, le puissant et insurpassable Burn My Eyes (Rob Flynn n'ayant jamais réussi à faire mieux et ce n'est pas son dernier essai, The Blackening, qui viendra me contredire...) que je me suis souvenu de la place importante que pouvait avoir leur premier LP, le culte Age Of Quarrel sorti en 1986 (décidément cette année... aussi bien musicalement que personnellement on y reviens toujours).

Avant 1986 il existait déjà de nombreux liens entre la jeune scène metal américaine, la NWOAHM menée tambour battant par les groupes thrash Metallica ou Slayer. Ces derniers n'hésitant pas à apprécier des formations officiant dans le hardcore ou assimilé (les Dead Kennedys, les Misfits, Agnostic Front (d'après vous d'où vient le titre du LP des four horsemen ...And Justice For All?), DRI ou Verbal Abuse... et y incorporer ainsi leur influence dans leur musique (Slayer dans les 90's bouclant la boucle avec leur excellent Undisputed Attitude, sans doute leur meilleur album des 90's (bien que sorti en 90, je classe Seasons in the Abyss plutôt dans les 80's, album résumant et clôturant parfaitement la dite décennie)).

N'empêche arrivé en 1986, on attendait encore le premier véritable mélange des genres provenant d'une formation hardcore, appelé aussi crossover par certains (en attendant justement le virage thrashisant des DRI (en 1987 ces derniers sortant l'album Crossover, CQFD) et autres Suicidal Tendencies, Corrosion of Conformity). Et c'est ainsi que se pointent sans prévenir Harley et ses Cro-Mags en provenance de NYC (pas franchement étonnant non plus que les garçons viennent de New York...).

Habitué de la scène punk US (premier groupe à 10 ans...), Harley qui gravite autour des formations de hardcore telles que les Stimulators ou les fameux Bad Brains au début des 80's forment en 1982 les Cro-Mags, groupe aussi connu pour son nombre élevé de musiciens utilisés (le jeu des chaises musicales...). Apres une démo qui sera éditée quelques années plus tard (en 2000 sous le patronyme Before the Quarrel), c'est avec son line-up le plus connu que les Cro-Mags signent ce qui va devenir l'un des albums de chevet de ce qu'il conviendra d'appeler plus tard le hardcore metal.

Le groupe connait en son sein John Joseph au chant, Harley Flanagan à la basse, Kevin "Parris" Mayhew et Doug Holland aux guitares et Mackie Jayson à la batterie. Gardant des racines avant tout ancrées dans le hardcore, la musique se veut virulente, concise (en moyenne un morceau dure 2 minutes) mais avec aussi, détail novateur, de nombreux breaks supplées par une rythmique plombée (l'apport des deux guitares...). Ceci dit, les Cro-Mags savent aussi varier les plaisirs, ces derniers n'hésitant pas à jouer des chansons mid-tempo telles que Malfunction, Seekers of the Truth ou Life of my Own.

Malheureusement après une tournée avec Motörhead et Megadeth, le groupe changea encore de line-up, ne put dès lors capitaliser le buzz autour d'eux, le prochain album Best Wishes ne sortant que 3 ans plus tard...

Cro-Mags - We Gotta Know

PS: Pourquoi ce post a un titre pareil? Tout simplement parce qu'on peut jouer du hardcore et verser dans Krishna and co (tout comme bien plus tard Shelter).

The Roots : Rising Down (2008)

En préambule à cette chronique, le nouvel album des Roots est sorti officiellement le 29 avril, et force est de constater que, depuis cette date, peu d'articles ont été rédigés sur la toile à propos de Rising Down. Ceci dit, le souvenir d'un énorme regain médiatique concernant la sortie de leur précédent album n'apparait pas non plus à l'esprit du préposé.

Après l'excellent Game Theory sorti en septembre 2006, voici donc le petit dernier des Roots from Philly, Rising Down. Première question ô combien prévisible, après un tel brûlot, le nouvel album peut-il être du même acabit ? Et bien, non. Merci et au revoir. Enfin n'allons pas trop vite, car les Roots restent quoiqu'il arrive de toute façon au dessus de la mêlée.

Alors quoi de neuf me direz-vous chez Black Thought, ?uestlove et consorts ? Le petit dernier se veut plus politique mais aussi plus sombre, à l'image du morceau 75 Bars (Black's Reconstruction) ou du paranoïaque I Can't Help It. Quand bien même l'impression générale semble faire passer l'album pour une oeuvre plaisante mais pas mémorable (compte tenu du passif du combo), nombre de chansons pourraient faire office de futurs classiques.
 

Pig Destroyer: Grouiiiiiiiiiiiiiiik! Scratch!!!!!!!!!!

Et un grand écart, un de plus! A vrai dire j'étais parti pour chroniquer le nouveau Roots, Rising Down, ou une de leurs excellentes compilations, aux titres affreusement mensongers, Home Grown! The Beginners Guide To Understanding The Roots, mais il s'est posé différents options que je ne pouvais pas refuser.

Premièrement, l'ami Dragibus ayant fait référence aux new-yorkais de Brutal Truth, l'envie de poster un peu de grindcore me titillait. Sans compter que Thom nous conviait à nous reposer sur la dépouille d'un des pères du metal pompier, bref l'envie de défouraillage devenait de plus en plus pressante, d'autant plus que le cas qui nous intéresse est loin de jouer dans la catégorie plan démonstratif indigeste (et avec ça ma bonne dame vous reprendriez bien une tranche de musique symphonique?). Et puis, quoi de plus éclectique que de passer de Guy Marchand à Pig Destroyer!!! (Fallait pas flatter mon éclectisme chère RxQueen...)

Comme je l'avais annoncé lors d'un précédent post consacré au premier album de Carcass, il m'est très difficile de trouver une quelconque attirance pour les combos officiant dans le grindcore (je me souviens encore du set d'Agathocles... la misère...), surtout quand ces derniers jouent la carte du gore, les groupes de qualité se comptant sur les doigts d'un lépreux manchot (ceci dit si vous aimez quelqu'un qui régurgite plus qu'il ne braille...). Mais quelque fois, des petits malins décident de pousser le grindcore dans ses derniers retranchements...

En 1997 voit apparaître première particularité un groupe de grindcore avec un vocaliste (J.R. Hayes), un guitariste (Scott Hull ancien du combo culte Anal Cunt) et un batteur Brian Harvey mais point de bassiste! Les esprits chagrins pourront toujours me rétorquer de toute façon dans ce style les bassistes étant limités, la non présence de basse ne doit pas tant changer la donne... Que nenni! Le fait d'avoir une seul guitare permet au trio d'avoir un son tranchant, rugueux et de ne pas s'empêtrer dans une lourdeur maladroite (qu'un chant d'outre tombe vomis par un décérébré viendrait parfaire).

Après divers EPs, un album et une compilation, Pig Destroyer sort en 2001 Prowler in the yard, qui en plus d'être considéré comme leur meilleur album, représente une nouvelle pierre angulaire du grindcore aventureux et intelligent, bref de l'ambroisie pour les orphelins de Brutal Truth. Et même si la pochette aussi rappelle les productions grindgore habituelle, Prowler in the yard est en fait un concept-album (et oui même les groupes de grindcore s'y mettent) nous narrant les aventures d'un joyeux rôdeur et de sa petit amie Jennifer... n'empêche ce qui nous intéresse surtout c'est la qualité de composition de Scott Hull, le jeu imposant de Brian Harvey et le chant hurlé de J.R. Hayes qui me réconcilie avec le chant grind.

Si vous appréciez en effet les guitares torturées ou autres plans syncopés et destructurés d'un Meshuggah ou d'un Dillinger Escape Plan et que l'idée d'écouter du grindcore ne vous fait pas peur (durée moyenne d'un morceau étant de 90 secondes), je vous conseille l'écoute de cet album. Hull prends un malin plaisir à distiller des plans à la fois malsain et noisy (Hyperviolet) tout en ayant parfaitement assimilé le quid du parfait terroriste sonore en employant une palette extrême qui va du death au thrashcore (remember Carnivore de Peter Steele) voire même rock (bon faut bien chercher j'admets). Et comme je le laissais supposer, la performance d'Harvey n'est pas en reste, on est très loin du sauvage qui empile les blasts à tout bout de champs, son jeu se veut suffisamment étoffé pour apparaître comme l'un des autres points forts du LP. Pour finir, quitte à radoter encore un peu plus, même si Hayes n'est pas Lee Dorian (LE vocaliste de Napalm Death, première période), on ne peut que le remercier d'avoir un chant hurlé dans les médium, évitant par la même occasion la fatigue auditive de l'auditeur.


Pig Destroyer - Piss Angel


PS: Au passage le nom du groupe n'est pas une référence gore (désolé pour les amis des ongulés) mais au contraire une piqure de rappel pour ceux qui auraient tendance à oublier que le grindcore n'est autre que du punk extrême: Pig Destroyer rimant en fait avec Cop Killer.

Guy Marchand - A Guy in blue

Voici presque un an et demi, je criais mon admiration pour le talentueux et tellement mâle Guy Marchand, de manière certes maladroite, mais que voulez vous quand l'affectif parle... La semaine dernière après mon périple de 4 heures dans les transports en commun, j'eus la surprise de recevoir en cadeau le dernier album de l'interprète de Tout en dansant la rumba, quelle ne fut pas mon émotion!

Ainsi Guy Marchand, après des albums tels que Emilio ou Nostalgitan pour ses dernières sorties où son amour pour les musiques latines, en particulier le tango, ressurgissait (on n'oubliera pas tout de même sa collaboration en 1975 avec le très grand Astor Piazzolla et la reprise de son célèbre thème Libertango sur Moi je suis tango), décide d'enregistrer enfin un véritable album de jazz gorgé de blues (pour rappel, Guy est clarinettiste de jazz de formation mais n'allons pas trop vite pour reprendre une expression chère à X).

Pour se faire notre homme est accompagné par André Charlier et Benoît Sourisse dont le CV a dû rassurer Guy sur les intentions du duo (John Scofield, Michel Portal, Mike Stern, Michel Petrucciani, Martial Solal, Didier Lockwood ou Jean-Jacques Miltau... on a vu pire). Ainsi, A Guy in blue voit notre pimpant jeune septuagénaire s'adonner à sa passion, d'un côté une formation réduite de jazz aguerrie et inspiré, de l'autre Guy jouant le rôle du crooner gouailleur.

Évidemment, à la première écoute le style vocal de monsieur Marchand a de quoi déstabiliser, bien qu'il reste suffisamment dans un registre sobre par moment, ce dernier ne peut s'empêcher de jouer quelques personnages, forçant le trait (Maudit Blues), le titi parisien faisant ainsi surface.

Hormis ce détail qui pourrait donc freiner quelques personnes, je reste abasourdi par la qualité de la musique (Facile à s'en rappeler, Si tu m'abandonnes), Guy Marchand est véritablement secondé par un groupe de première catégorie. On est très loin du cahier des charges inhérent à la variété française dans tout ce qu'elle a de plus méprisable. La musique de l'album oscille donc entre un jazz vocal lorgnant aussi bien du côté du blues, du bop que du jazz New Orleans, nous offrant même une petite escapade plus latine sur Dolorès (on se refait pas...) voire même funky (Fermé pour cause) par l'apport de ce bon vieil orgue Hammond cher à Jimmy Smith. On retiendra que l'album se clôt par la chanson très New Orleans, Mon Héritage, où Guy reprends sa clarinette le temps d’un chorus...

Au final, un album qui fera plaisir à ses admirateurs. Un grand monsieur ce Guy.





Is There Anybody out There? Merci Roger...

Au risque de passer pour quelqu'un qui a décidé de régler certains comptes, finalement quand on veut chasser le naturel, ce dernier vous revient toujours en pleine figure... Dès lors alors que vous aviez choisi de porter le masque de la zenitude (ou celui de l'hypocrisie, ça dépends aussi du tempérament de chacun), vous vous retrouvez avec ce bon vieux couteau aiguisé (et prêt à servir) entre les dents (je peux toujours même ça sur le dos de l'atavisme, mon grand-père paternel ayant été communiste...). Bref, ayant envie ces derniers temps de décider de me border de fiel, c'est reparti pour une chronique plutôt tiédasse.

Comme chacun sait ou devrait savoir, en 1979, le groupe de Roger Waters (Pink Floyd) publie son deuxième plus grand succès, The Wall, un concept album ô combien mégalomane... à l'image de son auteur vous pourriez ajouter. J'éviterai de faire la critique de cet album, enfin sa partie studio j'entends, n'étant premièrement pas le propos de ce billet et deuxièmement si je voulais mettre les formes il s'agirait de faire comme à l'école une belle thèse et antithèse, The Wall ayant les défauts de ses qualités (et au final doit sans doute avoir autant d'admirateurs que de détracteurs).

Non dans ce post, nous allons émettre quelques doutes (bel euphémisme) quant aux qualités de l'album live issu de la tournée de The Wall nommé: Is There Anybody out There? Tout d'abord, de quand date la sortie de cette merveille (quel mauvais esprit...)? A peu près vingt ans après l'enregistrement, soit en avril 2000. Dès lors, vous m'excuserez mais déjà personnellement ça sent pas bon. Bien sur on pourra toujours me rétorquer qu'un album live sorti vingt ans ou un an après son enregistrement ne change finalement pas grand chose, ça reste une chouette opération commerciale dans le but de mettre un peu de beurre dans les épinards à moindre frais dans la poche des producteurs et de la maison de disque. Il faut avouer qu'on cherche pour bon nombre de disques de ce genre l'utilité artistique. Sentiment qui aujourd'hui peut facilement s'amplifier étant donné avec quelle facilité on peut trouver désormais des bootlegs soundboard de très bonne qualité gratuitement sur la toile (comme sur les quelques liens que je propose sur ce blog).

Il n'empêche, grâce à Roger Waters, celui qui perdit le procès qu'il ne fallait pas perdre dans les années 80 (contre ses anciens meilleurs amis pour rappel David Gilmour et Nick Mason... Waters ayant forcé Rick Wright à vendre ses parts fin 70's), nous voici avec le disque live de la tournée The Wall (ironiquement les mauvais esprits pourront à juste titre ajouter qu'après le live de 90 à Berlin du père Waters, on en demandait pas tant...). Tournée qui d'ailleurs fut assez particulière puisqu'il y eut très peu de dates (LA, NYC, en Allemagne et à Londres à Earls Court il me semble), la logistique ne permettant pas une pléthore de dates (ce qui collait aussi avec le propos de l'album, Waters ayant l'idée d'écrire ce concept album après son écœurement des tournées gigantesques dans les stades).

Oui mais que reproches tu à cet album live hormis le fait d'être un enregistrement public? Déjà comme je l'ai écrit plus haut, en fait ce n'est pas tant la nature du disque qui me gène, il existe plusieurs disques live incontournables (le Live Dead du Grateful Dead ou l'apocalyptique Decade of Aggression de Slayer par exemple), certains faisant même office de meilleurs disques tout support confondu (comme le No Sleep 'Til Hammersmith de Motörhead encore que le débat reste ouvert pour ma part). Non le vrai problème c'est que ce disque (fournit dans un coffret qui de mémoire, comme le reste de la discographie de Pink Floyd d'ailleurs, coute bonbon) est plat, ce disque n'apporte rien, aussi bien au niveau de l'interprétation (que c'est mou...) que de la prise de risque. Certes pour cette dernière, le disque ne se prêtait pas à des improvisations, il n'empêche, sans compter que le côté pêchu soit aux abonnés absents, l'émotion aussi est en berne. J'en veux pour preuve les deux extraits sonores d'aujourd'hui, à savoir Don't Leave me Now et The Trial. Autant dans la version studio, on cherchait l'oxygène, le désespoir étant de mise pour Don't Leave me Now autant là... plouf plouf... Ok à l'écoute du morceau on ne fera pas tourner les serviettes pour autant mais où est la folie originelle? Et The Trial n'est pas en reste, quand on connait la version studio, cette fois ci on touche le fond, Waters se démenant comme un beau diable, mais est ce suffisant?

Mais ne chargeons pas trop la barque non plus. A vrai dire la comparaison avec l'album studio surproduit par Ezrin ne pouvait forcément ne pas tourner en la faveur d'Is There Anybody out There?, l'atmosphère si particulière de The Wall étant difficile à reproduire en public. Dans ce cas il aurait été préférable de non pas sortir ceci en disque mais de nous montrer le spectacle filmé, la pilule aurait été sans doute plus facile à avaler... sachant que pendant presque la moitié du set le groupe et ses musiciens additionnels jouent derrière un mur de briques factices (ceci dit selon les morceaux Waters et Gilmour réapparaissaient). Et puis pas certain que cela aurait fait double emploi avec le film d'Alan Parker... Dans les plus, on constate l'ajout de deux nouvelles chansons: What Shall We Do Now? et The Last Few Bricks, sauf qu'elles n'apportent pas grand chose (ok l'une d'entre elles permettaient surtout aux roadies de faire leurs petites sur la scène... la belle affaire)

En conclusion, un disque qui ne pourra plaire qu'aux fans die-hard du groupe, la durée de vie d'un tel objet étant très très limité. Quitte à écouter The Wall, autant jeter son dévolu sur la version originale studio.