Les enchaînés (Notorious) - Alfred Hitchcock (1946)

1939, courtisé un temps par les majors MGM et RKO, Alfred Hitchcock, qui jouissait depuis plusieurs années Outre-Atlantique d'une flatteuse réputation de cinéaste, signait un contrat avec le célèbre producteur américain David O. Selznick. Malgré des longs-métrages au succès modéré depuis le début de la décennie 30's, ce choix de la part du producteur indépendant de King Kong et d'Autant en emporte le vent s'inscrivait dans sa démarche, et son ambition, de concurrencer directement les principaux grands studios en s'attachant les services de réalisateurs au style affirmé, à l'instar de King Vidor ou George Cukor. Découvreurs de talent, Selznick était ainsi bien plus qu'un simple producteur. Présent à toutes les étapes de la production, depuis l'écriture du scénario, au casting, en passant par le montage où il pouvait remodeler selon ses désirs ses créations cinématographiques, l'arrivée d'Alfred Hitchcock dans son giron pouvait laisser toutefois la place à quelques interrogations sur la capacité de l'anglais à s'adapter au système hollywoodien, alors à son apogée.

Mais les doutes furent rapidement levés, tant le réalisateur de L'homme qui en savait trop souhaitait faire ses preuves, et ceci en dépit d'un rythme peu compatible avec celui imposé par Selznick, ce dernier ne manquant pas de surveiller de très près le travail d'Hitchcock (ses fameux mémos sont rentrés dans la légende). De cette collaboration, la romance gothique Rebecca, seconde adaptation du britannique d'un roman de Daphné du Maurier [1], fut leur premier projet commun, et un premier succès suivi par le thriller psychanalytique La Maison du docteur Edwardes (1945), le film d'espionnage Les Enchaînés (1946) et enfin le thriller judiciaire Le Procès Paradine (1947). Réunis dans la septième édition des Coffrets Ultra Collector édité par Carlotta [2], ces quatre longs-métrages seront désormais disponibles en version restaurée à partir du 29 novembre prochain. A bons entendeurs.
  

Live report : Benjamin Booker @ La Maroquinerie, Paris, 10 novembre 2017

Révélation de l'année 2014 avec son premier album éponyme sorti aux USA sur ATO Records [1] et en Europe sur Rough Trade Records, Benjamin Booker est revenu cette année avec un deuxième album dénommé Witness. Un disque attendu, objet de curiosité, tant le jeune compositeur s'inscrivait d'une certaine manière, dès son premier opus, comme le petit cousin de feu Jeffrey Lee Pierce du Gun Club. Guitariste influencé par le blues d'un Blind Willie Johnson sans toutefois renoncer aux fulgurances du garage-punk, Booker signait en juin dernier un deuxième disque sinon surprenant, du moins plus ambitieux. Marqué par la montée en puissance du mouvement antiracisme Black Lives Matter, son écriture gagnait en maturité, et un engagement politique qui ne pouvait dès lors que renvoyer le musicien vers sa passion pour les musiques afro-américaine, du gospel, à la soul, en passant bien évidemment par l'éternel blues et le R&B.


Poussières dans le vent - Hou Hsiao-hsien (1986)

Inclus dans le récent coffret consacré aux 6 œuvres de jeunesse [1] du réalisateur Hou Hsiao-hsien sorti le 8 novembre dernier, Poussières dans le vent est considéré, depuis sa sortie en 1986, et du propre aveu de son réalisateur, comme l'aboutissement de la première partie de sa filmographie. En compétition au Festival des 3 Continents en 1987 [2], ce cinquième long-métrage s'inscrit comme le dernier volet de son cycle autobiographique, constitué également des Garçons de Feng-Kuei (1983), Un été chez grand-père (1984) et Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985). Du scénario original coécrit par Chu T'ien-wen, Poussières dans le vent s'inspire, cette fois-ci, des souvenirs d'enfance de l'écrivain et co-scénariste Wu Nien-jen, figure marquante de la Nouvelle vague Taïwanaise au côté d'Edward Yang [3] et de Hou Hsiao-hsien.

Taïwan, au milieu des années 60. Amis d'enfance, A Yuan (Wang Ching-wen) et A Yun (Hsin Shu-fen) ont grandi côte à côte dans un petit village de montagne. Décidé à quitter le lycée pour rejoindre Taipei, A Yuan trouve un travail dans une imprimerie, tout en suivant des cours du soir. A Yun le rejoint peu de temps après où elle apprend le métier de couturière. Peu à peu, ces deux déracinés se familiarisent à leur nouvelle vie dans la capitale, tout en revenant de temps en temps dans leur village natal. Puis leur amitié se mue sensiblement en amour. Un jour, A Yuan reçoit son appel pour effectuer son service militaire sur l'île de Kinmen...

La fille du Nil (Ni luo he nu er) - Hou Hsiao-hsien (1987)

Présenté en 1988 à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, La fille du Nil de Hou Hsiao-hsien marque une parenthèse dans la première partie de la filmographie du Taïwanais. Tourné juste après sa tétralogie autobiographique, Les garçons de Fengkuei (1983), Un été chez grand-père (1984), Un Temps pour vivre, un temps pour mourir (1985) et Poussières dans le vent (1986), ce neuvième long-métrage, dont l'action se déroule dans le Taipei contemporain des années 80's, peut également se situer, en préambule, comme une transition sociologique avant la trilogie historique [1] que réalisera Hou Hsiao-hsien entre 1989 et 1995. En écho avec la rétrospective initiée par Carlotta l'année dernière en août 2016, qui regroupait cinq œuvres de jeunesse du cinéaste en version restaurée, s'adjoint au coffret Blu-ray et DVD [2] qui sort ce 8 novembre, ce sixième film, La fille du Nil.

Suite aux décès conjoints de sa mère et de son grand frère, et à l'absence prolongée de son père, Hsiao-yang (Yang Lin) s'occupe seule de sa famille. Entre son petit boulot dans un fast-food et ses cours du soir, la jeune femme doit également veiller à l'éducation de sa jeune sœur. En parallèle, son frère Hsiao-fang (Jack Kao), délinquant depuis des années, a ouvert avec ses amis un restaurant, avec l'appui de la mafia locale. Face à la brutalité du monde qui l'entoure, Hsiao-yang aime se réfugier dans la lecture du manga La Fille du Nil
  

Trauma (Burnt Offerings) - Dan Curtis (1976)

A l'image de son soap opera gothique Dark Shadows, diffusé aux États-Unis de 1966 à 1971, puis une adaptation [1] au cinéma par Tim Burton en 2012, Dan Curtis fut l'une des figures incontournables du genre fantastique à la télévision américaine dans les années 70's. L'équivalent pour le petit écran de ce que fut la Hammer durant les décennies 50's-60's, ce producteur, réalisateur et scénariste fut à l'initiative d'un grand nombre d'adaptations des grands mythes du fantastique : Dracula, Frankenstein, loup-garou, zombies et autres figures du genre (Dorian Gray), en s'associant également, à l'instar de Roger Corman, avec le grand Richard Matheson sur plusieurs projets. Après plusieurs années consacrées au petit écran, dont deux téléfilms en 1975, l'horrifique Trilogy of terror (coécrit avec l'auteur précité de Je suis une légende) et The Kansas City Massacre, second spin-off pour la télévision du Dillinger de John Milius avec Warren Oates, Dan Curtis revint finalement au cinéma l'année suivante avec Burnt Offerings, sa troisième réalisation après House of Dark Shadows (1970), long métrage adapté de son soap opera à succès, suivi de sa séquelle Night of Dark Shadows (1971).

A la recherche d'une maison en location pour leurs vacances d'été, la famille Rolfe répond à l'annonce publiée par Arnold (Burgess Meredith) et Roz Allardyce (Eileen Heckart). Marian (Karen Black), son époux Ben (Oliver Reed), et leur fils Davey (Lee H. Montgomery) découvrent sur place une immense demeure victorienne, pour lequel les deux vieillards ne demandent qu'un loyer de 900 $ pour tout l'été. Seule condition, la famille devra s'occuper durant leur séjour de leur vieille mère, qui ne quitte jamais sa chambre, en lui préparant trois fois par jour un repas servi sur un plateau. Le 1er jour de juillet, comme convenu, la famille Rolfe accompagnée de la tante de Ben, Elizabeth (Bette Davis), emménagent dans la demeure. En charge des repas, Marian devient rapidement obsédée par la maison, passant la majeure partie de son temps libre dans la pièce à côté de la chambre de la vieille dame, où elle passe des heures à contempler la vaste collection de photos de madame Allardyce, tandis que d'autres événements étranges commencent à survenir...