Feral Songs For The Epic Decline - Bruce Lamont (2011)

Doit-on avouer non sans une certaine gêne que le dernier album des chicagoiens Yakuza, nommé Of Seismic Consequence et sorti en 2010, n'aura laissé que peu de souvenirs au préposé, à tel point qu'il ne sait plus si ce nouvel opus eut droit au moins à une écoute ou non [1]. Un oubli de prime abord quasi injuste tant le souvenir de leur disque Samsara (2006) avait mis en lumière le potentiel de cette formation, mais aussi, par la suite, un anonymat fruit d'un tassement avéré de leur part, les espoirs passés s'étant vite dissipés... Soit le moment propice pour le frontman de Yakuza de publier son premier album solo ?

Le réflexe premier serait de jouer la carte de la suspicion dès que le chanteur d'un groupe de rock lambda enregistre un album solo [2]. La jurisprudence (et les nombreux exemples qui en découlent) s'accorde en effet à minimiser l'intérêt qualitatif de ces disques, et par conséquent à les ignorer (voire à les railler quand l'anecdotique se mue par exemple en création prétentieuse). Alors s'agissant d'un groupe à consonance métallique, et sa cohorte de clichés lui collant aux basques tel le premier Phtirius inguinalis, peut-on blâmer le préposé ou l'auditeur innocent à remettre en cause son droit à l'information, et à vouloir ignorer tout disque solo provenant de n'importe quel brailleur [3] ?

Cronico Ristretto : Inside Deep Throat - Fenton Bailey & Randy Barbato (2005)

1972, un cataclysme secoue l'Amérique bien pensante de Richard Nixon, Deep Throat de Gerard Damiano débarque dans les salles obscures. Un petit film indépendant d'un budget misérable de 20 000 dollars tourné en moins d'une semaine dans un hôtel miteux de Floride qui deviendra l'un des plus gros succès du cinéma étasunien.

Un peu plus de trois décennies après sa sortie en salle, la chaine HBO eut l'idée judicieuse de produire un documentaire intitulé Inside Deep Throat, évoquant la création et le tournage de ce succès surprise, véritable pilier de l'âge d'or de la pornographie 70's. Une genèse à l'intérêt étonnamment mineur, disons moindre, comparée aux volets suivants, se focalisant sur l'hystérie et la véhémence disproportionnée des opposants, puritains en particulier, auxquelles le long métrage a dû faire face. Un documentaire divertissant (dans la grande tradition américaine des vingt dernière années ?) qui, néanmoins, n'hésite pas à souligner les zones d'ombre que cachait ce film, sa connexion et son financement mafieux, mais aussi et surtout le destin des protagonistes loin d'être préparés à tant de remous médiatiques... et judiciaires.

Black Swan - Darren Aronofsky (2010)


Le préposé était resté avec un sentiment très mitigé lors de sa dernière rencontre avec le cinéaste Darren Aronofsky, devait-il de nouveau se draper dans une méfiance légitime au regard de l'emballement médiatique et hors de propos [1] qui suivi la sortie du précédent The Wrestler ?

Convenu, le cinéma du réalisateur de Requiem for a Dream l'est-il devenu ? Si le terme parait volontairement fort, à dessein [2], ce cinéaste doué, à défaut d'être génial (on y reviendra), aura un temps fait naître nombres d'espoirs, raisonnés, ou non, après ses deux premiers longs métrages. Or, après s'être pris les pieds et les neurones dans un tapis mystico-miteux cul-cul la praline (stop n'en rajoutez plus), Aronofsky avait vu sa cote remontée en flèche après sa prévisible histoire de pugiliste à tête dur, apportant la preuve qu'il s'avère toujours payant de ressortir les vieilles recettes hollywoodiennes, tel l'éternel conte du loser magnifique. Nouvelle étape, Black Swan saute le pas, et emmène son auteur et le spectateur vers un chemin plus scabreux, moins subtil. L'originalité devient ainsi une denrée rare, surtout lorsque le long métrage lorgne du côté du cinéma (ultra) référencé.

Cri-Cri l'emmédaillé ou les hostilités du début d'année

A l'heure où les derniers (grands) retardataires fomentent en douce leur classement des meilleurs disques de l'année précédente, prétextant non sans raison que sortir un top à la mi-décembre répond certes à des impératifs, mais vous coupe en partie des sorties du dernier mois de l'année, le mois de janvier sera comme de coutume aller de pair avec sa pelletée de résolutions plus ou moins rancies ou jubilatoires (c'est selon).

Qui dit nouvelle année, dit éternel recommencement, nouvel embrayage. « C'est le grand cycle de la vie » s'époumona dans un dernier souffle le grand sage avant de succomber d'une christophemaéite aiguë. Christophe Maé ou l'un de nos nouveaux Chevaliers des Arts et des Lettres (1) récompensé pour sa création dans le domaine artistique, voire sa contribution apportée au rayonnement des Arts en France si on en croit les milieux concernés (''et dans le monde?'' me tance la petite fille du sage prompte à tacler les grognons. Ça reste encore à prouver, ma méconnaissance de l'aura francophone de notre néo-emmédaillé étant avérée, les plus altruistes pourront toujours souhaiter son exportation - lointaine - vers la Belle Province. Celle-ci nous a suffisamment refourgué par paquets de douze tant de talents émasculteurs, briseurs de gonades, que finalement pour service rendu, la France peut bien faire partager au Québec un peu de sa culture populaire... qui déborde).

Cronico Ristretto: Quiet Inlet - Food (2010)

En attendant de croiser le cuivre avec les sorties 2011, fermons (momentanément) le chapitre jazz de l'année passée avec cet autre album fraîchement signé chez ECM: Quiet Inlet du duo nommé Food.

Cette formation au patronyme pittoresque, bien que créée en 1998 sous l'aspect d'un quartet, devra attendre 2006 pour laisser apparaître son ossature finale, c'est à dire le saxophoniste britannique Iain Ballamy et le batteur norvégien Thomas Strønen, ces derniers invitant par la suite des musiciens à chaque nouvel album. Et Quiet Inlet ne déroge pas à la substantifique règle de la paire, les guests étant cette fois-ci le guitariste autrichien Christian Fennesz et cerise sur le gâteau bavarois [1], le trompettiste norvégien, Nils Petter Molvaer (rien de moins), les deux musiciens s'occupant également des effets électroniques.

Cronico Ristretto: Mountain Mocha Kilimanjaro - Uhuru Peak (2010)

Il aura fallu qu'un petit animal bondissant à la robe fauve tacheté de noir s'adonne au joie de l'Afrobeat britannique pour que l'auteur au style tortueux, chantre des phrases construites d'une manière trop alambiquée, décide de creuser un sillon similaire, se faisant l'écho d'une autre formation aux antipodes des préjugés assimilés à la nationalité des protagonistes: les japonais Mountain Mocha Kilimanjaro. Uhuru Peak, chronique ultra référencée pour une musique qui l'est tout autant.

Six énergumènes en costard cravate en provenance de Tokyo, habillés comme des gangsters, une progéniture déviante résultat des coucheries d'une bande de yakuzas tragico-grotesques signée par un Takeshi Kitano tribute band? L'analogie aurait été bien trop simple quoique plausible.