Cronico Ristretto : Pulsions graphiques - Jean-Marie Donat (2018)

Paru le 26 octobre dernier aux éditions Cernunnos, Pulsions graphiques, sous-titré Le meilleur du pire d'Elvifrance, est un ouvrage indispensable pour tout amateur de déviances dites graphiques. Maison d'édition culte qui publia entre 1970 et 1992 des milliers de bandes-dessinées érotiques, au format de poche et bon marché, traduites et importées d'Italie, Elvifrance a fourni à un public avide de mauvaises pulsions « du plaisir pour toutes les bourses ». Vampire lubrique, binoclard priapique, bidasses obsédés, extra-terrestres érotomanes, nymphomanes et autres savants fous, Elvifrance fut de toutes les luttes libidineuses. Lucifera, Goldboy, Karzan, Jacula, Sam Bot, Maghella, Shatane, Zara la vampire, Wallestein, Jungla la « vierge africaine », etc., tels étaient les noms de ces personnages transgressifs et héroïnes infernales qui se dressèrent contre la bienpensance et le bon goût à grand renfort de sexe, de violence et de rire gras.

Collectionneur de photos, auteur du recueil, Affreux Noël, ou collaborateur de l'anthologie Catch : l'âge d'or, 1920-1975 signé Christian-Louis Eclimont, Jean-Marie Donat a nourri ce projet depuis une dizaine d'années avant de pouvoir, enfin, mettre en œuvre le premier livre hommage à cette illustre société. Avec le soutien de Christophe Bier, le maître y signe une préface critique de 80 pages, narrant la saga de la maison d'édition et la figure tutélaire de Georges Bielec, des premiers succès aux premières publications interdites [1], des années dorées 70's à l'essoufflement 80's, jusqu'au dépôt de bilan en 1992. Riche d'une sélection de plus de 400 couvertures et pages intérieures, Pulsions graphiques dressent un catalogue quasi-exhaustif des fantasmes mâles les plus débridés et licencieux : tortures, nécrophilie, fétichismes et sadomasochisme ; Elvifrance défiait crânement les convenances.

In the Land of the Cannibals - Martin Miller (Bruno Mattei) (2003)

Après plusieurs années de disette qui virent Bruno Mattei, dernier pape du cinéma bis transalpin, auteur des mémorables Virus Cannibale et Rats de Manhattan, réaliser des films érotiques aseptisés, évoquant le meilleur du pire de l'esthétisme télévisuel, l'année 2003 allait sonner le réveil des bissophiles les plus déviants avec la production simultanée de longs métrages tournés aux Philippines. Mieux, non content de faire revivre les restes anachroniques d'un cinéma d'exploitation à jamais mort et enterré, Bruno Mattei, derrière le pseudonyme Martin Miller, mettait en scène, sur les traces d'un Ruggero Deodato (Cannibal Holocaust) et Umberto Lenzi (Cannibal Ferox), un des rares genres qu'il n'avait jamais abordé durant sa décennie dorée avec son acolyte Claudio Fragasso, après les morts-vivants ou le post-apocalyptique, le film de cannibales. Dont acte.

Au cœur de l'Amazonie, un commando, mené par le lieutenant Wilson (Lou Randall), est envoyé afin de retrouver Sara Armstrong (Cindy Jelic Matic), fille d'un sénateur étasunien, après la disparition de la précédente équipe de recherche. Aidé par Romero (Claudio Morales), qui connait les us et coutumes des tribus cannibales qui peuplent la jungle, Wilson et ses hommes font rapidement face aux dangers et à l'horreur tapie dans la forêt...
  

Solo : A Star Wars Story - Ron Howard (2018)

Une règle tacite voudrait qu'il n'est de bon ton, sur certains espaces virtuels bien définis, de laisser un avis contradictoire en guise de commentaire, sans s'attirer les foudres de la milice de la bienséance. Soit. En somme, passe ton chemin ou endosse ton costume de bisounours pour mieux déverser ton amour confraternel. Dont acte. Profitons, dès lors, de cet espace de liberté pour nous pencher sur le cas Solo : A Star Wars Story, ou l'un des ratages les plus attendus de l'année réalisé par un pompier de service nommé Ron Howard.

Bref résumé des épisodes de production. Quatre mois après avoir débuté le tournage de Solo, la paire Phil Lord et Chris Miller (21 Jump Street, Tempête de boulettes géantes) est débarquée le 20 juin 2017, avant d'être remplacée, deux jours plus tard, par le réalisateur d'Appolo 13, Ron Howard. Une « vision créative différente » entre la production, le scénariste Lawrence Kasdan et les deux réalisateurs serait la cause de cette séparation forcée laissant planer, sans surprise, son lot d'incertitudes et de craintes, un tel renvoi en cours de production pouvant aisément hypothéquer (les précédents ne manquent pas) les qualités dudit long métrage.

Saint Jack - Peter Bogdanovich (1979)

Critique, cinéphile, ancien protégé de Roger Corman, réalisateur associé (bien malgré lui) au Nouvel Hollywood, Peter Bogdanovich accumula, en sus des étiquettes, autant les réussites et les succès publics instantanés à partir de The Last Picture Show en 1971, qu'il connut aussi rapidement une suite de désillusions et d'échecs dès 1974 avec Daisy Miller. Auteur de trois succès et trois bides mémorables, dans cet ordre, le cinéaste étasunien se lança, après un hiatus de trois années, sur les recommandations du maître Orson Welles, dans l'adaptation du roman de Paul Theroux, Saint Jack, relatant l'histoire d'un proxénète américain vivant à Singapour. Lauréat du prix Pasinetti [1] du meilleur film à La Mostra de Venise en 1979, comptant parmi les œuvres préférées de son réalisateur, Saint Jack est désormais disponible, au même titre que The Last Picture Show, en Blu-ray (et DVD) en version restaurée depuis ce 10 octobre dans une édition collector, et dans les salles à partir de la semaine suivante.

Singapour, début des années 1970. Jack Flowers (Ben Gazzara), ancien soldat de la guerre de Corée en exil, est un proxénète qui rêve de diriger sa propre maison close. Un jour, il fait la connaissance de William Leigh (Denholm Elliott), un comptable britannique résidant à Hong Kong, et se prend vite d'amitié pour cet homme rangé et attachant. Quand Jack réussit à monter quelque temps plus tard son propre établissement, celui-ci attise rapidement la convoitise des Triades qui voient d'un mauvais œil la réussite de ce franc-tireur... 
  

Le Dossier 51 - Michel Deville (1978)

Il est des films qui marquent durablement, Le Dossier 51 de Michel Deville en est, sans contexte, un parfait exemple. Quatre années après le remarqué Mouton enragé avec le trio Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant et Vincent Cassel, le cinéaste poursuivait conjointement les thématiques de la vie par procuration et de la manipulation, en les transposant cette fois-ci au monde du renseignement. Adaptation d'un roman réputé inadaptable signé Gilles Perrault, ou comment une organisation secrète cherche à recruter un haut fonctionnaire, Le Dossier 51 s'avère être un véritable Objet Filmique Non Identifié par son brillant usage de la caméra subjective [1]. Film d'espionnage atypique, loin des conventions usuelles du genre, le long métrage aurait gagné à connaitre une plus grande reconnaissance publique lors de sa sortie [2]. A (re)découvrir urgemment.

"Jean De Malarielle nommé ambassadeur de France à Copenhague sera remplacé à la tête de la délégation française à l'ODENS par Dominique Auphal."
12 octobre 1977. Origine Minerve. Destinataire Mars. "Suite à l'information concernant la nomination de Dominique Auphal [...] à l'Organisation pour le Développement des Échanges Nord Sud (ODENS), nous vous chargeons de recueillir tous éléments d'information sur Dominique Auphal [...]. Auphal sera désigné par le numéro de code 51." [...]
"Jupiter veut pénétrer l'ODENS. Le moyen : recruter un de ses membres. Jusqu'à présent nous avons échoué. Un petit nouveau se présente. Une chance inespérée. Ce sera lui, 51. Il nous faut 51. Je me suis bien fait comprendre."