Cronico Ristretto: Ariya Astrobeat Arkestra - Ariya Astrobeat Arkestra (2010)

Quitte à se répéter encore, et à asséner le même genre de propos et autres lieux communs jusqu'à la nausée, l'année en cours n'aura que très faiblement apporté son lot de nouveautés [1]. Et à défaut de grand chambardement, on pourra tout de même (à l'occasion) se féliciter de la qualité de plusieurs sorties, estampillées "valeur refuge" en ces temps de disette pour les plus alarmistes. Des nouveaux disques de formations plus ou moins jeunes décidées non pas tant à jouer la carte de la nostalgie à tout prix, mais plutôt des musiciens garants d'une filiation musicale et dans le cas présent, d'un amour pour Fela Kuti, le funk et l'ethno-jazz : à l'image du quatrième album du Souljazz Orchestra, Rising Sun, ou du premier album éponyme du Ariya Astrobeat Arkestra.

Ce dernier groupe composé de huit membres, dont une section cuivre constituée d'une trompette et de trois saxophones, dont deux ténors et un baryton, est issu pour l'anecdote de la rencontre entre deux groupes de musiciens, ceux accompagnant en concert les artistes hip-hop britanniques Homecut et Kidkanevil. Après diverses jam sessions dans le bar de Leeds, le Sela, où nos quatre souffleurs croisaient le cuivre, l'Ariya Astrobeat Archestra fut créé vers la fin de l'année 2007. Contrairement à leurs cousins canadiens du Souljazz, l'Archestra ne peut être accusé de vouloir brouiller les pistes [2], au contraire, les références et l'origine de leur patronyme apparaît des plus limpides pour l'amateur d'afrobeat et d'aventures signées Sun Ra.

Satan Worshipping Doom - Bongripper (2010)

Si l'année qui s'achève fut relativement morose quant aux sorties dites novatrices, 2010 fut au contraire un bon cru concernant l'un des styles parangon d'une certaine intemporalité rock, celui auquel le terme monolithique revient (trop rapidement) en guise de raccourci, le doom metal  [1].

Selon l'adage rockeur, le genre musical aurait la caractéristique de mal s'accorder avec le mot évolution, voire tout simplement d'être indifférent à toute forme d'innovation sonique (et sonore). A tort. Car si le doomster par nature se méfie des modes et reste attaché à une utopique authenticité, il n'en reste pas moins ouvert aux autres musiques... saturées de préférence.

Formé en 2005 à Chicago, suite à leur précédent split Meat Ditch sorti en 2009 avec la formation nippone Winters in Osaka, le quartette Bongripper signe cette année leur 5ème LP, Satan Worshipping Doom, et écrivons le tout de go, sans doute leur meilleur album et l'un des plus pertinents albums de doom instrumental depuis Eve d'Ufomammut.

Supernaturals - Ufomammut & Lento / Earthen - Lento (2007)

A l'heure où Lento est en train d'enregistrer son nouvel album (intitulé Icon), le préposé vous propose un éclairage et une remise à niveau de votre abécédaire musical avec les deux premiers disques d'une formation qui mériterait amplement plus de reconnaissance.

Compatriote d'Ufommamut (on y reviendra), Lento se forme à Rome en 2004 sur les traces laissées par des pairs nommés Neurosis, Isis, Mogwai ou Godspeed You! Black Emperor. A l'image du collectif canadien, Lento joue dès leur début une musique purement instrumentale, l'apport de paroles étant perçu par les italiens comme inappropriés, sinon propices à dénaturer leur musique. Fin 2005, Lento stabilise son line-up composé de trois guitares, d'une basse et d'une batterie. Début 2007, les romains signent sur le même label que leurs compatriotes doomsters, Ufomammut.

Cronico Ristretto: Meltemi - Alboran Trio (2006)

Que les amateurs de géographie se rassurent, le Rocky Horror Critic Show sait aussi satisfaire leur soif de savoir, les inconditionnels de sac à main à grande gueule n'auront pas le dernier mot.

L'Alboran Trio tire son nom de la partie occidentale de la mer Méditerranée, celle reliant l'Andalousie au Sud du Maroc et de l'Algérie, non loin du détroit de Gibraltar, soit la voie maritime intérieure joignant les deux continents Africain et Européen. Un lieu unique, un carrefour millénaire, source de nombreux échanges multiculturels, en somme un nom idéal pour une jeune formation jazz aventureuse en quête d'ouverture.

Ce trio de nationalité italienne, contrairement à ce que pouvait laissait supposer le nom de la formation, fut créé en 2003 avec pour assise le pianiste et compositeur Paolo Paliaga, le contrebassiste Dino Contenti et le batteur Gigi Biolcati.

Supercroc - Scott Harper (2007)

Sans lister les divers films où la menace saurienne fut répertoriée comme un cas avéré, il est d'avis des experts de considérer le crocodile comme l'une des espèces animales les plus dangereuses que le 7ème art ait connu, si ce n'est la plus meurtrière, le squale étant admis par ces même spécialistes de l'éviscération sur pellicule, d'être certes le plus célèbre des serial killers à sang froid, mais aussi et surtout, de détenir paradoxalement le plus faible ratio nombre de victimes tuées par surface au mètre carré ; les crocodiliens ont l'avantage certain d'être amphibie, contrairement à ces inadaptés et reliques du passé que sont les Carcharodon Carcharias [1]. Imaginez dès lors le niveau d'alerte, que dis-je le seuil critique de dangerosité quand apparaît non loin de Los Angeles un crocodile venu des âges farouches, le terrible Sarcosuchus, soit le plus vieux et plus grand spécimen que la Terre n'ait jamais connu : le Supercroc.

Au cours d'une patrouille de reconnaissance dans la forêt nationale de Los Padres au nord ouest de Los Angeles, les soldats Jackson et Celia Perez dans leur grande mansuétude et amour du partage font profiter à leur entourage immédiat, le soldat Forney et le sergent Druitt, un sujet ô combien intéressant, et de circonstances lorsqu'il s'agit de repérer des activités suspectes dans les environs (et bouffer parallèlement quelques hectomètres de pelloche [2]), discuter des préparatifs de leur prochain mariage. Sept minutes d'une joute verbale où les arguments les plus aiguisés s'entrechoquent, ponctuée par les considérations pratiques d'un Forney prêt à tout pour se faire inviter, lorsque soudain un crocodile géant sort du lac et croque entièrement l'émissaire du concept mariage dessert [3], le soldat Forney, avant d'engloutir le sergent Druitt.


Notre duo militaro-glamour lutte dès lors pour sa survie, la panique s'installe, la tension si longtemps dissimulée monte immédiatement de plusieurs crans. Dans le QG des forces armées situé dans un bunker sous Los Angeles, l'incompréhension a cédé sa place à l'inquiétude. Le général McFadden est dépêché, accompagné par la docteure Leah Perrot. Le temps que les premières hypothèses apparaissent, Perez et Jackson découvrent le nid du monstre. Mais il est déjà trop tard, l'instinct maternel de la bête n'aura pas laissé le temps de vivre une minute de plus au soldat Jackson, dans un élan sacrificiel, l'ex-futur époux sauve la vie de sa fiancée qui part se réfugier dans les arbres...

Le capitaine Joe Lynch et son équipe de sauvetage sont alors envoyés sur place pour faire la lumière sur cette mystérieuse attaque, une mission à l'efficacité toute relative puisque l'appétit et l'agressivité du supersaurien saura calmer les ardeurs belliqueuses des G.I. Seuls rescapés, Lynch et Perez devront se battre pour leur survie et trouver un moyen de lutter contre ce prédateur préhistorique qui se dirige vers la cité des anges.


Derrière ce synopsis captivant, Supercroc cache en vérité l'archétype du nanar fauché produit par une société passée maître dans l'art de réduire les coûts, et d'éditer des direct to video où l'écologique horrifique est devenue une marque de fabrique : The Asylum [4]. Et si cette réalisation de Scott Harper n'atteint jamais le génialement nanar, celle-ci a au moins un mérite, celui de suivre scrupuleusement de A à Z (surtout jusqu'à Z) ce qui définit la nature même du mauvais film sympathique.

L'argument financier est de ce fait une des premières causes à mettre en évidence, avec un budget avoisinant les 200 000 dollars, Supercroc pouvait difficilement faire de miracle. Allant de pair avec un nerf de la guerre réduit à sa plus simple expression, les effets spéciaux supervisés par le cinéaste lui-même via sa société Sharper effects [5] sont dès lors proche du niveau zéro, et l'utilisation effrénée de stock shots et autres plans serrés pour cacher la misère tend évidemment à compliquer encore un peu plus la tâche du metteur en scène (huit figurants apathiques pour représenter la population d'une ville, même avec la meilleur volonté du monde, c'est tout de même très peu).

Oh regardez capitaine, un stock shot d'hélicoptère!

Néanmoins, si l'argent est un élément important, le film souffre d'autres maux estampillés production nanar : remplissage, action molle où l'on passe la moitié du temps à écouter les militaires discuter des risques et des moyens pour annihiler la menace crocodile, le tout dans un bunker qui se résume à une pièce noire de 20 mètres carrés et d'un mystérieux couloir, lieu idéal pour les comploteurs de tout bord. De ce fait, ne pas s'attendre non plus à une interprétation de qualité, dans le meilleur des cas, la distribution est composée d'acteurs habitués aux productions Asylum. Dont acte.

Un couloir qui cache bien des messes basses...

Quant à l'histoire, le long-métrage nous gratifie d'un récit de science-fiction où les bases scientifiques fictives sont, elles aussi, mises à rude épreuve, plombées il est vrai par les indications contradictoires fournies par les différentes jaquettes. Que le Sarcosuchus vive dans des galeries souterraines près d'un lac depuis la préhistoire, profitant d'un séisme pour sortir de sa prison lacustre, passe encore (?!), mais les indications concernant sa taille laisse un peu plus à désirer (?!). Selon le distributeur US, notre spécimen fait dans les 50 pieds de long (15 m) tandis que la version française nous annonce une longueur de 100 mètres... pour une bestiole à l'écran qui avoisine les 30 m de long, faudrait accordez vos violons les distributeurs ! [6]

Supercroc où on apprend qu'un crocodile de "cent mètres" de long sert avant tout d'argumentaire nanar.

Verdict du nanarotron :


PS: Le film distribué par Zylo ne propose aucun bonus et une seule piste audio (français).





To be continued...

Supercroc | 2007 | 85 min
Réalisation : Scott Harper
Scénario : Steve Bevilacqua, David Michael Latt
Avec : Cynthia Rose Hall, Matthew Blashaw, Kim Little, David Novak, Kristen Quintrall, Marat Glazer
Musique : Eliza Swenson
Directeur de la photographie : Steven Parker
Montage : David Michael Latt
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[1] Si on en croit les propos velléitaires tenus par le CRSC (Conseil Représentatif des Sauriens au Cinéma).

[2] C'est une image à l'attention des pinailleurs, le film ayant été tourné en DV...

[3] "Tu sautes le repas, de toute façon, tout le monde s'en plaint toujours. Alors mettez le paquet sur le dessert. Ça reviendra moins cher et tout le monde sera content".

[4] A qui l'on doit par exemple le terrible Mega Shark VS Giant Octopus et prochainement une relecture du classique de Melville, Moby Dick avec Barry Bostwick et pour faire plaisir au CRSC, fin décembre, Mega Shark vs Crocosaurus...

[5] Scott Harper... S. Harper... Sharper effects... CQFD.

[6] Sans compter que les américains indiquent que le bétail fait 7,60 m de haut... pour 15 mètres de long, ça fait une drôle de bestiole pour un croco. Quant aux plus curieux, pas un mot sur le mode de reproduction du crocodile, et comme on ne voit pas la trace de monsieur dans les parages pour défendre sa progéniture, le Sarcosuchus utiliserait-il la parthénogenèse, nul ne le sait, le mystère s'épaissit...