Cronico Ristretto : Sunn O))) & Ulver (2014) | John Zorn & Thurston Moore (2013)


Cinq (longues) années que Stephen O'Malley n'avait pas signé un disque du sceau de Sunn O))). L'homme n'a pourtant pas chômé depuis Monoliths & Dimensions. Occupé à enregistrer et à tourner [1] en solo ou avec ses divers side projects, dont les plus récents se nomment Ensemble Pearl (avec entre autres Atsuo de Boris) et Nazoranai (avec Oren Ambarchi et Keiji Haino), O'Malley est revenu en ce début du mois de février avec la reprise d'un ancien enregistrement de Sunn O))) datant de 2008, en association avec les norvégiens d'Ulver intitulé Terrestrials.

Nourri des expérimentations du précédent LP, Sunn O))) enrichit de nouveau sa musique en continuant d'élargir sa palette instrumentale. S'éloignant des rives du drone originel pour celles du post-rock, le duo O'Malley / Anderson suit en quelque sorte la dernière mue d'Ulver et leur dernier album, Messe I.X-VI.X. Accompagnés des invités Ole-Henrik Moe et Kari Rønnekleiv au violon et à l'alto, et Stig Espen Hundsnes à la trompette, la double formation étasuno-scandinave propose trois longues plages abstraites au pouvoir mélancolique et mystérieux non feint. Terrestrials s'ouvre par le lent crescendo Let There Be Light, morceau qui se conclut par la basse menaçante d'Anderson et les percussions de Tomas Pettersen. Si Western Horn se démarque peu du premier titre et des dernières productions de Sunn O))), la dernière plage Eternal Return apparaît à la fois être le titre phare de l'album, et finalement la seule chanson où l'univers d'Ulver transparaît (enfin) [2], encore que le croisement attendu n'a pas véritablement lieu, la première partie d'Eternal sonnant comme du Sunn O))), et la seconde comme du Ulver (guidée par la voix Kristoffer Rygg).

En dépit de ses qualités réelles, Terrestrials laisse néanmoins un sentiment d'inachevé. La rencontre entre les deux groupes aurait sans doute gagné à être davantage approfondie. Le préposé ne saurait vous conseiller l'édition japonaise avec deux titres datant de l'enregistrement originel, une version rough d'Eternal Return et Fidelio avec Attila Csihar au chant.


Titres
1. Let There Be Light / 2. Western Horn / 3. Eternal Return




Sorti en septembre de l'année dernière par le stakhanoviste John Zorn [3], après les disques Dreamachines, le vingt-cinquième chapitre de ses FilmWorks et en attendant In Lambeth : Visions from the Walled Garden of William Blake [4], sa collaboration sous le titre "@" avec l'ancien leader des feu Sonic Youth, Thurston Moore, avait de quoi susciter la curiosité du préposé et des adeptes d'expérimentations bruitistes. La rencontre de ces deux figures new-yorkaises, un soir de février 2013, augurait sur le papier une joute musicale où seraient conviés les fantômes d'Albert Ayler et de Lou Reed période Metal Machine Music.

Loin d'être, le long des cinquante cinq minutes de l'album, la sinécure attendue pour addicts en mal d'acouphènes et de migraine, le duo étasunien a l'intelligence (ou la perfidie) de faire varier les plaisirs et les thèmes. Fort d'une cohésion et d'un dialogue quasi naturel entre le saxophone alto et la six cordes électrique, les sept compositions signées par Zorn et Moore sont davantage le fruit d'une déconstruction musicale au service d'improvisations hypnotiques que d'un maelstrom continu et vain. La formation évoque ainsi les plus belles pages minimalistes de Naked City, quand l'équilibre entre la rage contenue et la tension contemplative ne tient plus qu'à un fil. Si des légers regrets s'esquissent à l'écoute de la participation de Moore, ce dernier, un peu en retrait, tend à réduire son rôle à celui de sideman ou de soutien aux fulgurances zorniennes, "@" n'en demeure pas moins un bel essai de musique improvisée par deux musiciens maîtres de leur art. 


Titres
01. 6th Floor Walk-Up, Waiting / 02. Jazz Laundromat / 03. Dawn Escape / 04. Her Sheets / 05. Soiled, Luscious / 06. Strange Neighbor / 07. For Derek and Evan

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[1] O'Malley alterne cette année entre concerts solo et avec ses comparses de Nazoranai.

[2] Les deux premières plages auraient très bien pu être seulement signées par Sunn O))).

[3] 2013 pouvant être considéré comme une petite année, et en mettant de côté ses nombreuses activités annexes de compositeur, producteur et patron du label Tzadik.

[4] Sans compter l'album live de Painkiller, The Prophecy, issu d'un concert datant du milieu de la décennie précédente.

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