Black Christmas - Bob Clark (1974)

Dernier volet de la trilogie initiée deux ans plus tôt avec Le Mort-vivant (1972), Black Christmas de Bob Clark, à l'instar des mésaventures post-mortem du jeune soldat Andy Brooks, a gagné au fil des années un statut culte mérité. Dont acte. D'un scénario original inspiré par la légende urbaine étasunienne "The Babysitter and the Man Upstairs" [1], ou l'histoire d'une jeune femme qui reçoit plusieurs coups de téléphone d'un maniaque caché à l'étage, le long métrage eut droit, comme tant d'autres, en guise d'hommage raté à un remake en 2006. Mais n'allons pas trop vite.

Vacances de Noël, dans une résidence étudiante de filles, un inconnu rentre par effraction dans le grenier de la maison, tandis que les pensionnaires organisent une fête. Lors de la soirée, les filles reçoivent plusieurs appels téléphoniques anonymes de la part d'un homme qui les provoquent en tenant des propos obscènes. Nullement impressionnée par ce harcèlement, Barb (Margot Kidder) provoque l'inconnu contre l'avis de son amie Jess (Olivia Hussey). Alors qu'elle devait rejoindre sa famille, Clare (Lynne Griffin) disparait mystérieusement, tandis que le corps d'une adolescente est retrouvé non loin de là par la police...

  
Influence majeure du Halloween de John Carpenter sorti quatre ans plus tard, au même titre que La baie sanglante (1971) de Mario Bava qui était la source principale des débuts de la franchise Vendredi 13 créée par Sean S. Cunningham, ce quatrième long métrage de Bob Clark, on l'aura vite deviné, se place directement parmi les premiers slashers de l'ère moderne, tout en s'inscrivant dans le nouveau sous-genre « horreur vacancière » [2]. Non content d'incorporer nombre d'éléments qui seront repris par la paire John Carpenter / Debra Hill [3], avant d'être par la suite copiés par une cohorte d'imitateurs plus ou moins inspirés, telle l'incursion d'un tueur psychopathe dans une communauté, Black Christmas se distingue aussi et surtout, encore aujourd'hui, par ses partis pris formels. De l'ouverture en caméra subjective plaçant le spectateur dans la peau du tueur qui s'introduit dans la maison, à son utilisation particulière des sons environnements pour amplifier la tension (la sonnerie du téléphone ou à l'inverse son usage du silence, en sus des imitations, cris et autres menaces proférées par le tueur), le film poursuit les expérimentations, et complète l'abécédaire slasher précédemment développé par le maestro italien précité, en parallèle avec celui perfectionné par Tobe Hooper la même année avec Massacre à la tronçonneuse.

  
Autre originalité qui range ce Black Christmas à part parmi les proto-slashers, le choix de Bob Clark de ne jamais montrer frontalement le tueur. Ne seront ainsi divulgués au gré de ses diverses apparitions qu'une silhouette, une main ou un œil du dénommé Billy, un procédé en somme qui n'est pas étranger au choix de ne filmer les différents meurtres que sous l'angle de la subjectivité, ou de ne figurer le tueur que par sa voix. Black Christmas s'inscrit ainsi davantage comme un thriller psychologique. Loin des futurs stéréotypes du genre horrifique, le scénario surprend au contraire en tissant un climat angoissant né tout autant des disparitions aux quelles les survivantes sont témoins, que des problèmes personnels de l'héroïne (enceinte, Jess veut avorter contre l'avis de Peter qui devient dès lors menaçant, perdant peu à peu la raison) et en multipliant les fausses pistes (Peter, le petit ami de Jess, est-il le tueur ?). Mieux, le dénouement ambigu et cette sonnerie de téléphone qui reste sans réponse devraient marquer encore longtemps les esprits après le générique de fin.

Porté par l'interprétation convaincante des acteurs, d'Olivia Hussey, découverte dans le Roméo et Juliette (1968) de Franco Zeffirelli, à Margot Kidder en passant par le viril John Saxon dans son habituel rôle d'officier de police [4], Black Christmas est un film à (re)découvrir.

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.






Black Christmas | 1974 | 98 min | 1.75 : 1
Réalisation : Bob Clark
Scénario : Roy Moore
Avec : Olivia Hussey, Keir Dullea, Margot Kidder, Andrea Martin, Marian Waldman, John Saxon
Musique : Carl Zittrer
Directeur de la photographie : Reginald H. Morris
Montage : Stan Cole
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[1] Une légende urbaine qui tire sa source d'un véritable fait divers qui s'est déroulé à Columbia dans le Missouri en 1950.

[2] Un sous-genre né deux ans plus tôt avec la sortie concomitante de Silent Night, Bloody Night de Theodore Gershuny et de l'adaptation par Freddie Francis du Comics Les contes de la crypte dont un segment se déroule durant la veille de Noël.

[3] L'une des originalités de La nuit des masques étant de placer Michael Myers au centre du récit.

[4] On peut se poser la question si Wes Craven n'a pas choisi John Saxon pour Les griffes de la nuit (1984) en référence à son rôle dans Black Christmas. D'autant plus que les appels téléphoniques commis par un psychopathe évoquent tout autant Scream que Craven réalisera une dizaine d'années plus tard.

2 commentaires:

  1. Merci. Celui-ci je le note sur mes tablettes pour les vacances de noël, il a l'air de bien tenir la route (et puis j'ai un faible pour Halloween de Carpenter).

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    1. oui depuis le temps que je t'en ai parlé, voici enfin la chronique publiée ! ;-)

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