Cronico ristretto : Sleeping Beauty - Julia Leigh (2011)

"Peinture de personnages à la dérive dans des situations difficilement compréhensibles par un public jeune" [1], voici donc les raisons qui ont poussé la commission de classification des films à censurer, tout du moins demander à ce que soit interdit au moins de seize ans, le premier film de la romancière australienne Julia Leigh. Beaucoup de bruit pour pas grand chose ? En quelque sorte, tant l'opacité du propos ne risquait pas d'inciter les adolescents français à se précipiter dans les salles obscures pour voir les péripéties cliniques d'une poupée dormant avec de vieux messieurs impuissants. 

Lucy (Emily Browning), jeune étudiante australienne, multiplie les petits boulots pour arrondir ses fins de mois difficiles: cobaye pour un laboratoire, serveuse, préposée à la photocopieuse, le tout dans une indifférence non feinte. Un jour, celle-ci répond à une annonce publiée dans le journal des étudiants de sa fac. Serveuse pour soirées très privées dans un premier temps, cette beauté unique, selon les propres mots de Clara sa mère-maquerelle post-moderne (Rachael Blake), va très rapidement se voir proposer le rôle de "belle endormie". Selon un rituel bien définie, après ingestion d'une tisane au vertu assommante, Lucy passera la nuit avec un client, avec nul souvenir au réveil, juste la promesse que son vagin restera "un temple inviolé"...

L'abîme des morts-vivants - A.M. Frank (1981)

L'histoire nous avait appris que pour une querelle (d'argent ?) avec Eurociné, le réalisateur espagnol Jess Franco s'était désisté de la mise en scène du désormais culte Lac des morts-vivants, cédant sa place à un mystérieux J.A. Lazer (qui cachait en fait Jean Rollin). Rapidement réconcilié avec la famille Lesoeur, dont la société reste indissociable de la filmographie du madrilène, pour le meilleur, L'horrible docteur Orlof, et pour le pire, au hasard Mondo cannibale, le réalisateur ibérique accepta cette nouvelle commande, pour le bonheur des amateurs de friandises miteuses sur pelloches. De cette production au nom fleurant bon l'effroi made in France, L’abîme des morts-vivants aura toutefois davantage marqué l'inconscient collectif international avec un titre anglophone avant-gardiste, osant mêler l'horreur et l'exotisme le plus échevelé : Oasis of the zombies / Living-Dead [1].

1943, en pleine seconde Guerre Mondiale, un commando allemand transportant un chargement de 6 milliards or en plein désert saharien est intercepté par les alliés dans une oasis. De cette bataille d'une rare violence, un seul homme survit, le capitaine Blabert (Javier Maiza). Cet officier de la couronne britannique est très rapidement recueilli par l'une de ses anciennes connaissances, le cheikh local (Antonio Mayans) régnant sur cette contrée aussi belle qu'hostile. Soigné, Blabert profite comme il se doit de l'hospitalité des hommes du désert en tombant amoureux (et plus si affinités) d'Aisha, la fille du cheikh. Puis la guerre enfin terminée, Blalbert rejoint finalement celle qui lui a donné son cœur et par extension sa vie, car Aisha est morte en couche, laissant seul et désemparé son père le cheikh et désormais captain Blabert...

Ils étaient les brigades rouges 1969-1978 - Mosco Levi Boucault (2011)

Disponible en DVD depuis le 21 septembre, le documentaire Ils étaient les brigades rouges 1969-1978 (1), comme son nom l'indique, s'attache à retracer la première décennie de l'organisation révolutionnaire italienne, de ces débuts dans les grandes villes industrielles du Nord de la péninsule à l'enlèvement puis l'assassinat du président de la Démocratie Chrétienne, Aldo Moro, en mai 1978. Avec l'appui des documents d'époque, Mosco Levi Boucault revient sur ces "années de plomb" avec le témoignage de quatre membres du commando qui a enlevé Aldo Moro.

Dans une première partie intitulée Le vote ne paie pas, prenons le fusil, le documentaire revient pas à pas sur les raisons qui ont poussées une certaine jeunesse italienne à quitter le giron du parti communiste, dans lequel ils ne se reconnaissaient plus, pour une lutte politique basée sur l'affrontement, avant de glisser dans la seconde partie, La révolution n'est pas un dîner mondain (2), vers la lutte armée et le meurtre. Le film décrit par les témoignages de Raffaele Fiore, Prospero Gallinari, Valerio Morucci et Mario Moretti, chef du commando Moro, comment à l'automne 69 les tensions sociales, l'incompréhension des syndicats et du PCI envers cette jeunesse ouvrière, puis l'attentat de la Piazza Fontana à Milan (16 morts, 88 blessés) (3) perpétré par des néo-fascistes en décembre de la même année, donneront naissance à divers groupuscules d'extrême-gauche et en particulier les Brigades Rouges (Brigate Rosse). Avec suffisamment de recul, les quatre hommes relatent clairement de manière quasi didactique l'origine du mouvement et sans remords le point de départ de leur dérive criminelle.

Drive - Nicolas Winding Refn (2011)

En préambule et au risque de se répéter, le docteur préposé aurait très bien pu sous-titrer cette chronique par un "pour en finir définitivement avec les eighties?"... ou pointer du doigt l'humour méconnu de Robert De Niro dont le jury cannois décerna au film qui nous intéresse le prix de la mise en scène... Éblouissant ce film si on en croit certaines critiques? Fascinant un cascadeur préférant jouer les chauffeurs pour la mafia au lieu de jouer les chasseurs de prime? Mais n'allons pas trop vite...

Si le film noir n'est pas le genre le plus iconoclaste qui soit, celui-ci suivant au contraire des codes pré-établis, Drive par certains partis pris (douteux?) se situerait dans une catégorie bâtarde voire hybride pour les plus indulgents: celle du ravalement de façade factice et faussement originale ou broder autour du thème classique du film de criminel quelques aspects hétéroclites bancals.

À Los Angeles, un jeune homme taiseux (Ryan Gosling) dont on ne connaîtra jamais le nom (1) travaille comme mécanicien dans un modeste garage. Et le reste de son temps? Celui-ci sait faire profiter à la communauté ses dons de pilote automobile, comme cascadeur occasionnel pour l'industrie cinématographique et comme chauffeur dans divers casses pour la pègre locale.