Femmes en cage (Frauengefängnis) - Jess Franco (1975)

Parmi les différents sous genres qui définissent notre bien-aimé cinéma d'exploitation, le film de prison pour femmes (connu des initiés sous l'acronyme WIP pour Women In Prison) est sans aucun doute l'un des plus controversés. Une formule facile (de plus) me direz vous, mais qui cache une réalité certaine : la censure (britannique au hasard) goûta peu au libertinage lesbien en milieu carcéral, filmé, il est vrai, par quelques mâles libidineux, pour spectateurs en mal de voyeurisme et de dérives sadiques (en toc). Et parmi ses chefs de fil, faut-il s'étonner de voir figurer en première place le metteur en scène madrilène Jess Franco ? Véritable instigateur du mouvement [1] avec l'étasunien Lee Frost (Love Camp 7), ce Frauengefängnis, sept années après le séminal L'amour dans les prisons des femmes (99 Mujeres), signe de nouveau en 1975 son retour au genre après le précédent Quartier de femmes (Los amantes de la isla del diablo). Premier WIP de la fructueuse collaboration avec le producteur/réalisateur suisse Erwin C. Dietrich [2], Femmes en cage dans sa version française ne déroge pas à la règle : un long métrage foutraque au budget minimaliste pour une relecture malade. Les amateurs et amatrices du genre apprécieront.

Calquée sur l'intrigue de 99 Women, l'histoire narre l'arrivée dans une île prison d'une nouvelle détenue, rôle initialement tenu en 1968 par Maria Rohm, désormais interprétée par Lina Romay. Cette prison est tenue d'une main ferme par sa directrice (Monica Swinn), secondée par le bon docteur Costa (Paul Muller) et sous la protection du fringuant gouverneur local (Roger Darton). Emprisonnée pour avoir tué son père incestueux (Jesús Franco), Maria va très vite subir les pires outrages et autres sévices sexuelles. La jeune femme, aidée par la codétenue Bertha (Martine Stedil), décide de s'évader et de quitter cet enfer carcéral...


Le film reprend sans surprises les grandes lignes de son aïeul de 1968, en simplifiant au besoin le scénario : à l'origine la prison était mixte, les prisonniers et prisonnières étant cantonnés par secteur. Franco va à l'essentiel et suit à dessein le cahier des charges des dépravations et maltraitances attendues : torture et viol sont le quotidien des jeunes femmes. Celui qui contribua à codifier, d'une certaine manière, le genre sert aux spectateurs déviants le meilleur du pire du sadisme et du voyeurisme, orchestré par Monica Swinn en directrice lesbienne nazie (avec monocle en sus), et secondée par son garde-chiourme joué par un Eric Falk tout en bestialité primaire.

Peinture flirtant avec la non moins controversée nazisploitation, le long métrage se distingue avant tout par son ambiance bancale et sa paradoxale absence de complaisance (de la part de Jess Franco, on n'en attendait pas moins).  Les moyens mis à sa disposition de Jess Franco ne peuvent décemment pas donner corps à cette ignominieuse fiction, le ridicule prenant rapidement le pas sur l'horreur des situations. Le pénitencier en friche compte ainsi moins d'une vingtaine de prisonnières apathiques sous la surveillance de gardes potiches [3]. La scène d'inceste et du meurtre du père de Maria est à ce titre un sommet du genre, celle-ci ne fut pas filmée mais jouée au ralenti par Romay et Franco, pour un résultat des plus « expérimentaux ». Cependant, usant de zooms sauvages comme à l'accoutumé, l'espagnol sait néanmoins se faire pardonner, sa science du gros plans s'accommodant parfaitement avec l'ambiance malsaine souhaitée. Dont acte.

 Madame la directrice lit tranquillement le best-seller d'Albert Speer 
dans son déshabillé transparent ... quand soudain la jolie blonde Bertha vient troubler sa quiétude
Et si le ridicule des situations tend rapidement à relativiser la portée, ou la supposée complaisance des actes proposées [4], Frauengefängnis et sa distribution méritent néanmoins qu'on s'y attarde davantage. Avant dernier film du fidèle Paul Muller sous la direction du metteur en scène des Nuits de Dracula, l'acteur d'origine suisse campe avec un minimum de conviction l'archétype du personnage lâche, pseudo caution scientifique à ces atrocités. De même, l'actrice Monica Swinn tourne à son avantage un rôle par définition ingrat, qui plus est en tenant compte des obstacles costumiers fournis par la production. Et ? Derrière cet amas foutraque se cache celle dont la filmographie se résume seulement à cinq films de Jesús Franco : la belle Martine Stedil. Filmée nue sous tous les angles (et quasiment dans toutes les positions), la jeune femme blonde illumine le métrage. Éclipsant une Lina Romay (qu'on a connu plus inspiré), interprétant un personnage humilié à l'instar de ses consœurs d'infortune, Stedil justifie à elle seule le visionnage de ce crapoteux métrage aux portes du nanar.

  Martine Stedil tribute

PS : Il existerait une version 90 minutes que nous n'avons pas eu en notre possession... Pour neuf minutes supplémentaires de sévices foutraques ?





Frauengefängnis (Femmes en cage - Barbed Wire Dolls) | 1975 | 81 min
Réalisation : Jesús Franco
Production : Erwin C. Dietrich
Scénario et dialogues : Jesús Franco, Connie Grau et Christine Lembach    
Avec : Lina Romay, Paul Muller, Monica Swinn, Martine Stedil, Eric Falk, Raymond Hardy, Jesús Franco
Musique : Walter Baumgartner, Daniel White
Directeur de la photographie : Jesús Franco
Montage : Peter Baumgartner et Marie-Luise Buschke
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[1] Avant de devenir un genre apprécié du cinéma d'exploitation, le premier vrai film carcéral féminin fut Caged de John Cromwell, où l'actrice principale Eleanor Parker reçu le prix d'interprétation au festival de Venise de 1950, long métrage qui fut également nominé aux oscars dans trois catégories.
 
[2] Sur la petite dizaine de films produits par le suisse pour Franco, près de la moitié ont pour thème le WIP.

[3] Avec une mention spéciale pour Raymond Hardy dans son rôle de garde hippie.

[4] Au même titre que les productions Nazisploitation cheapos d'Eurociné.

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