Cronico Ristretto : Spaces - Larry Coryell (1970)

Guitariste reconnu par ses pairs comme un des plus influents de sa génération, Larry Coryell n'en reste pas moins peu familier du grand public. Pionnier du jazz rock avec son groupe The Eleventh House, il est toutefois dommage de cantonner l'homme à son seul passé seventies tant sa grande versatilité lui permit de côtoyer nombre de musiciens prestigieux dans des styles très différents. De ses débuts avec le quintet de Chico Hamilton au milieu des années 60, Coryell s'émancipe rapidement et signe un premier disque solo en 1968 intitulé Lady Coryell. L'année suivante, le guitariste rencontre la future crème du jazz électrique.

Pour ce nouveau album nommé Spaces, Larry Coryell s'adjoint en effet les services de sidemen dont les CV ont de quoi faire pâlir aujourd'hui : deux membres de la formation de Miles Davis, le guitariste John McLaughlin et le pianiste Chick Corea, plus un batteur prochainement recruté par l'ombrageux trompettiste, Billy Cobham, et enfin le bassiste prodige Miroslav Vitous [1]. Une dream team pour un jazz électrique de première qualité ? La réponse est foncièrement affirmative.

Enregistré en 1969, Spaces est le précieux témoin d'une époque charnière. Moderne sans céder (pour l'instant) aux sirènes du rock [2], l'influence de ce dernier est ainsi quasi absente hormis quelques rythmiques empruntées sur le titre éponyme, ce troisième disque solo de Coryell n'annonce pas encore les prémices du jazz rock des années 70, ou la musique de son prochain groupe The Eleventh House. Loin des envolées démonstratives qui polluèrent le genre la décennie suivante, Coryell et consorts jouent ici un jazz fluide et mélodique. Publié en catimini en 1970, avant de connaitre une nouvelle édition en 1974 (afin de profiter de la notoriété (?) des sidemen et de leurs formations respectives, le Mahavishnu Orchestra pour McLaughlin et Cobham, A return to forever pour Corea et Weather Report pour Vitous), Spaces n'est pas le disque attendu qu'aurait pu présager la présence de ce all-star band. Qu'importe et au contraire.

Tout à la fois énergique et lyrique, la musique proposée par ces jeunes protagonistes dévoile instantanément leur cohésion et leur maîtrise. Entre les joutes du duo de guitaristes, la virtuosité de son (contre)bassiste, le touché gracieux de son pianiste sur le titre Chris et son batteur minimaliste  [3], Spaces est sans doute un des disques les plus attachants de son auteur. Comptant également un hommage au guitariste belge René Thomas (René's Theme) et une relecture d'une composition de Scott LaFaro (Gloria's Step), Spaces peut à juste titre être considéré comme un bon début pour (re)découvrir une des nombreuses facettes de cet artiste protéiforme.


Titres
01. Spaces (Infinite) / 02. René's Theme / 03. Gloria's Theme / 04. Wrong Is Right / 05. Chris / 06. New Year's Day In Los Angeles - 1968.

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[1] Vitous signant la même année l'excellent Infinite Search entouré de John McLaughlin, Herbie Hancock, Joe Henderson et Jack DeJohnette.

[2] Contrairement à son disque suivant le très Hendrixien Live at the Village Gate ou le non moins excellent Barefoot Boy.

[3] Difficile de reconnaitre Cobham tant son jeu est ici diamétralement opposé à la puissance qui le caractérise habituellement.

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