Solo : A Star Wars Story - Ron Howard (2018)

Une règle tacite voudrait qu'il n'est de bon ton, sur certains espaces virtuels bien définis, de laisser un avis contradictoire en guise de commentaire, sans s'attirer les foudres de la milice de la bienséance. Soit. En somme, passe ton chemin ou endosse ton costume de bisounours pour mieux déverser ton amour confraternel. Dont acte. Profitons, dès lors, de cet espace de liberté pour nous pencher sur le cas Solo : A Star Wars Story, ou l'un des ratages les plus attendus de l'année réalisé par un pompier de service nommé Ron Howard.

Bref résumé des épisodes de production. Quatre mois après avoir débuté le tournage de Solo, la paire Phil Lord et Chris Miller (21 Jump Street, Tempête de boulettes géantes) est débarquée le 20 juin 2017, avant d'être remplacée, deux jours plus tard, par le réalisateur d'Appolo 13, Ron Howard. Une « vision créative différente » entre la production, le scénariste Lawrence Kasdan et les deux réalisateurs serait la cause de cette séparation forcée laissant planer, sans surprise, son lot d'incertitudes et de craintes, un tel renvoi en cours de production pouvant aisément hypothéquer (les précédents ne manquent pas) les qualités dudit long métrage.

 
D'une ébauche de scénario débutée avant le rachat de Lucasfilm par Disney à la version réécrite après l'implication de Ron Howard, Solo avait l'ambition de suivre les jeunes années du contrebandier, une dizaine d'années avant de croiser la fratrie Skywalker. Attendu, le film devait revenir sur quelques étapes clés, références et autres questions soulevées lors des précédents épisodes de la franchise : de sa rencontre avec Chewbacca à son acquisition du Faucon Millenium. De ses passages obligés, et révisions de dernière minute, les Kasdan, père et fils, écrivirent, si on en croit la productrice du film Kathleen Kennedy, un western science-fictionnel, qui doit autant au film de braquage qu'au récit initiatique. Et un vaste programme qui, à l'arrivée, s'approche de l'accident industriel [1].

Histoire convenue et prévisible (non dénuée de révélations foutraques), personnages peu ou mal exploités, acteurs mal dirigés ou peu concernés, esthétique visuelle décevante, etc., les griefs envers ce produit dérivé de la franchise ne manquent pas. Pire, l'entière responsabilité ne peut être imputée au réalisateur des supra-navrants Da Vinci Code, Anges et Démons et autre Inferno, tant Howard a pris en cours un projet déjà bien entamé.
 
Sans être la plante potagère de l'année, Solo accumule, on l'aura compris, les erreurs, du moins, les maladresses. Plombé plusieurs semaines avant sa sortie officielle par une bande annonce confirmant, au besoin, l'erreur de casting nommée Alden Ehrenreich, la jeunesse du personnage ne pouvant justifier à elle seule la fadeur de son jeu [2], le film est devenu, au fil de son exploitation, autant mal aimé, qu'il fut (et est encore) défendu, avec un certain panache (certes vain), par une poignée de geeks kamikazes.

Si la provenance des origines du nom de Solo est clairement une bonne idée, sinon une agréable surprise à l'instar du droïde féminin L3-37 [3], le spectateur, ou le préposé à la chronique ici présent, pourra par contre rester abasourdi devant tant de remplissages stériles et de longueurs inutiles (même durant les scènes dites d'action). Les rencontres attendues ratent systématiquement leur cible, oscillant entre le ridicule et l'insipide : de celle de ladite bête anthropophage nommée Chewbacca à la partie de cartes avec Lando Calrissian. Pire. L'amour de jeunesse de Han Solo incarné par le personnage de Qi'Ra n'apporte rien (la prestation décorative d'Emilia Clarke n'y étant, non plus, nullement étrangère). Fallait-il obligatoirement ajouter, à un scénario déjà bien garni en lieux communs, une improbable love story post-adolescente, alors que tous les éléments étaient réunis pour une mémorable bromance inter-espèce entre un alpha mâle poilu et un être humain falot (d'aucuns penseront, à raison, que l'intégralité de la scène de la douche fut coupée au montage - en attendant les fanfictions ou une parodie XXX ouvrant la voie à un nouveau type de merchandising [4]) ?

  
Ajoutons l'indélicatesse de revoir le seigneur Sith le plus survendu de la galaxie, Dark Maul, ressuscité précédemment par la grâce Lucassienne dans un épisode de la série animée The Clone Wars, Solo : A Star Wars Story laisse, on l'aura compris, peu de bons souvenirs surnageant dans un océan de poncifs et d'ennuis. 

 


Solo : A Star Wars Story | 2018 | 135 min | 2,39:1 | Couleurs
Réalisation : Ron Howard
Scénario : Lawrence Kasdan, Jon Kasdan
Avec : Alden Ehrenreich, Emilia Clarke, Donald Glover, Woody Harrelson, Thandie Newton, Paul Bettany
Musique : John Powell, John Williams
Directeur de la photographie : Bradford Young
Montage : Pietro Scalia, Chris Dickens
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[1] Loin d'atteindre le fiasco nommé John Carter qui coûta à Disney la tête de Rich Ross, président des Walt Disney Studios, ce spin-off est toutefois l'un des longs métrages de la franchise Star Wars les moins rentables.

[2] Or la production du film a employé un coach artistique afin d'aider Ehrenreich...

[3] L3-37 dont les élans émancipatoires pour la cause droïde coïncide, volontairement ou non, avec le mouvement #MeToo.

[4] Un partenariat avec la marque Bad Dragon au hasard, spécialiste dans la création de sextoys luxueux animalier (ça changerait des boules de Geisha ou menottes moumoutées estampillées 50 nuances). Sans compter que ça aurait le mérite de répondre, enfin, à une question que tout le monde se pose (mais si, je vous assure), l'anatomie d'un Wookie tient-elle davantage de l'humanoïde que du canidé. Voilà.

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