In the Land of the Cannibals - Martin Miller (Bruno Mattei) (2003)

Après plusieurs années de disette qui virent Bruno Mattei, dernier pape du cinéma bis transalpin, auteur des mémorables Virus Cannibale et Rats de Manhattan, réaliser des films érotiques aseptisés, évoquant le meilleur du pire de l'esthétisme télévisuel, l'année 2003 allait sonner le réveil des bissophiles les plus déviants avec la production simultanée de longs métrages tournés aux Philippines. Mieux, non content de faire revivre les restes anachroniques d'un cinéma d'exploitation à jamais mort et enterré, Bruno Mattei, derrière le pseudonyme Martin Miller, mettait en scène, sur les traces d'un Ruggero Deodato (Cannibal Holocaust) et Umberto Lenzi (Cannibal Ferox), un des rares genres qu'il n'avait jamais abordé durant sa décennie dorée avec son acolyte Claudio Fragasso, après les morts-vivants ou le post-apocalyptique, le film de cannibales. Dont acte.

Au cœur de l'Amazonie, un commando, mené par le lieutenant Wilson (Lou Randall), est envoyé afin de retrouver Sara Armstrong (Cindy Jelic Matic), fille d'un sénateur étasunien, après la disparition de la précédente équipe de recherche. Aidé par Romero (Claudio Morales), qui connait les us et coutumes des tribus cannibales qui peuplent la jungle, Wilson et ses hommes font rapidement face aux dangers et à l'horreur tapie dans la forêt...
  
Filmé en DV, édité directement pour le marché de la vidéo, In the Land of the Cannibals fut tourné dans la foulée, sinon en même temps, que Mondo Cannibal. Tandis que le premier long métrage faisait la part belle à une relecture du classique susnommé de Ruggero Deodato, Bruno Mattei se rappelait cette fois-ci au bon souvenir de Robowar (1988) et de Shocking Dark (1990), archétypes des méthodes éprouvées et toutes personnelles du réalisateur et de son ex-scénariste Claudio Fragasso. D'un premier hybride copiant allégrement aux plans près Predator, au clone fauché d'Aliens versus Terminator [1], Bruno Mattei présentait en 2003, ni une ni deux, près d'une dizaine d'années après ses deux méfaits, et avec un budget encore plus contraint, le croisement abâtardi bis ultime, la synthèse de ses deux derniers chef d'œuvres. Brillant.
 
Connu également sous les divers noms de Land of Death, Cannibal of Death, Horror Cannibal, Cannibal Ferox 3: Land of Death au Royaume-Uni et Cannibal Holocaust 3: Cannibal vs Commando au Japon, bref n'en rajoutez plus, ce deuxième film d'anthropophages amazoniens signé Bruno Mattei s'inscrit, on l'aura compris, dans la lignée de ses plus illustres ainés foutraques. Dès les premiers plans d'ITLOTC, l'habitué saura reconnaitre avec malice la libre interprétation des lois du copyright par sieur Bruno... et à l'occasion, le début du second long métrage de John McTiernan, avec l'arrivée en hélicoptère du lieutenant Wilson et de sa troupe, avec grimaces et regard méprisant de rigueur. Redéfinition de la notion de plagiat, hommage premier et récréatif aux succès étasuniens passés, ITLOTC plonge dès lors le spectateur dans un univers parallèle, confirmant au besoin l'unicité de la démarche Matteienne, entreprise depuis deux décennies, par ce maître d'œuvre italien qui sut, comme nul autre, concilier cinéma d'exploitation et postmodernisme.


Recyclage au plus près de Predator et d'Aliens, de Wilson avouant qu'il n'a effectué que deux missions dont celle-ci, en sus des trente simulations précédentes [2], à Isaias, Sonny Landham du pauvre, adepte du tripotage de pendentif, ITLOTC confirme la volonté de son auteur de dépasser les usuelles conventions du cinéma dit circulaire avec le personnage de Maria Vasquez (Ydalia Suarez). Lointaine aïeule de la marine envoyée sur la lune LV-426 (les deux femmes auront la particularité de connaitre une mort explosive similaire), la caporale se distingue par un comportement qui n'est pas sans rappeler également les soldats Blain (Jesse Ventura) et Mac (Billy Duke) : de la même émotion non feinte lors de l'adieu d'un frère d'armes (Hermano, pour ne pas le nommer, tué par une fléchette empoisonnée au curare), à ce même esprit de vainqueur, dixit le sergent Cameron, qui font que, même blessée, la muchacha Vasquez n'a, elle non plus, "pas le temps de saigner".

Rendant à Deodato ce qui est à Ruggero, Bruno Mattei n'oublie pas, cependant, de payer de nouveau son tribut à Cannibal Holocaust. Punition d'une femme infidèle, cérémonie gustativo-craspec, et autres snuff movies animaliers sont ainsi au programme. Enfin, au-delà des considérations postmodernes précitées, ITLOTC s'appuie, rassurons les initié.e.s, sur quelques prérequis propres au cinéma de Bruno Mattei dont son habile utilisation de stock-shots ou sa connaissance de la faune locale, dont le redoutable boa venimeux d'Amazonie.

Davantage porté par l'action, contrairement à Mondo Cannibal, le film accuse toutefois, avouons-le, un sérieux coup de mou lors de son deuxième tiers, dans le village de cannibales, coïncidant paradoxalement avec l'apparition de la blonde Sara, qui n'en reste pas moins pourvue d'une très forte personnalité. Qu'importe. Le dernier tiers offre son lot de frénésie balistique, d'amputations, de glissades, de concours de grimaces, d'explosions sacrificielles et donc de fulgurances postmodernes. Seul regret, ITLOTC aurait sans nul doute gagné à offrir à son public dévoué davantage de tripes ensanglantées [3].

En bonus : Quelques gifs supplémentaires du film sur notre tumblr

Verdict du Nanarotron :

 


Nella terra dei cannibali (In the Land of the Cannibals) | 2003 | 93 min | 1.33 : 1 | Couleurs
Réalisation : Bruno Mattei
Production : Giovanni Paolucci
Scénario : Bruno Mattei, Giovanni Paolucci
Avec : Claudio Morales, Lou Randall, Cindy Jelic Matic, Ydalia Suarez, Silvio Jimenez, Sanit Larrauri
Directeur de la photographie : Luigi Ciccarese
Musique : Flipper Music & Elio Lamari
Montage : Elio Lamari, Bruno Mattei
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[1] Shocking Dark se fit connaitre également sous le titre Terminator 2.
 
[2] Expliquant sans nul doute ses hauts de cœurs, et autres reflux gastriques, à la vue de son premier crâne en décomposition.

[3] Un comble pour un film de cannibales, le gore est bien timoré.

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