The Addiction - Abel Ferrara (1995) : This Vampire Wanna Get High

Quand le réalisateur et le scénariste de King of New-York ou de Ms. 45 décidèrent de revisiter le mythe du vampire au mitan des années 90, pouvait-on décemment s'attendre à un résultat autre qu'iconoclaste ? En connaissant un tant soit peu la filmographie du marginal (mais ô combien sympathique et déjanté) Abel Ferrara, la réponse parait des plus évidentes. Ni tueur sanguinaire, ni personnage romantique atteint d'une terrible malédiction, Abel Ferrara et Nicholas St John livraient avec The Addiction une version moderne, urbaine et riche de références philosophiques et théologiques du vampirisme. Dont acte.
 
En faisant table rase du passé, à savoir rayer les différents aspects « folkloriques » qui définissent le vampire, le duo Ferrara/St John inscrit son récit au plus près de la réalité. Sans déflorer l'intrigue, l'un des points les plus originaux survient dès le début du film, lorsque l'héroïne, l'étudiante Kathy Conklin (Lilly Taylor), croise le chemin d'une dame vampire (Annabella Sciorra). Cette dernière lui laisse le choix d'accepter, ou non, la morsure qui fera d'elle un futur membre du club privé des croqueurs de jugulaires. De cette proposition, le film ouvre la voie à divers questionnements, la place libre arbitre ou celle du déterminisme, sans oublier le rapport à la religion, ou l'un des thèmes récurrents de la filmographie du cinéaste new-yorkais.
 

Débarrassé des lieux communs du genre (ail et autres UV ne posent guère de soucis aux vampires du film), le spectateur devient le témoin privilégié de la lente transformation physique et psychique de Kathy Conklin, celle-ci subissant les affres de sa nouvelle addiction, le film faisant, on l'aura compris, le parallèle évident avec l'addiction aux drogues dures. D'une transformation inscrite dans la tradition du récit initiatique, l'héroïne croisera ainsi la route d'un vampire ascète interprété par l'énigmatique Christopher Walken (ce dernier lui conseillant la lecture du Festin nu de William Burroughs en réponse à ses questions !).

Film de genre passé par le prisme du film d'auteur, The Addiction se démarque, paradoxalement, par sa mise en abyme particulière, le réalisateur vampirisé par son scénariste. Davantage l'œuvre de Nicholas St John que celle d'Abel Ferrara, les longs monologues de l'héroïne, doctorante en philosophie, pourrait en laisser plus d'un dubitatif, du moins vite rassasié, devant tant de passages « verbeux ». Qu'importe. Les autres se laisseront envouter par l'ambiance et la magnifique photographie noir et blanc signée Ken Kelsch.
 
Atypique.





The Addiction | 1995 | 82 min
Réalisation : Abel Ferrara
Scénario : Nicholas St John
Avec : Lili Taylor, Christopher Walken, Annabella Sciorra, Edie Falco, Paul Calderón, Fredro Starr     Kathryn Erbe
Musique : Joe Delia
Directeur de la photographie : Ken Kelsch
Montage : Mayin Lo

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