La bête dans l'espace - Al Bradley (Alfonso Brescia) (1980)

Figure oubliée de l'âge d'or du cinéma d'exploitation italien, dont il fut l'un des témoins privilégiés en réalisant pas moins d'une quarantaine de longs métrages entre les années 60 et 80 [1], Alfonso Brescia, plus connu des initié.e.s sous le pseudonyme Al Bradley, méritait bien que l'on s'y attarde davantage. Après avoir fait ses gammes avec trois péplums, dont le bien nommé Goldocrack à la conquête de l'Atlantide (1965), Brescia fit sa révérence aux culturistes en jupette pour se lancer, par la suite, dans le western. La mode passée, les pistoleros cédèrent leur place à des thématiques plus dispersées (dont en 1971 la sexy comédie La vie sexuelle de Don Juan avec la débutante et prometteuse Edwige Fenech), avant que n'arrive sur les écrans du monde entier Star Wars, et sa cohorte de clones fauchés. Responsable d'une trilogie fleurant bon la récupération et l'opportunisme [2] entre 1977 et 1978 : La guerre de l'espace, La bataille des étoiles et La guerre des robots, Brescia continua néanmoins à diversifier en parallèle ses sujets, tel le polar camorriste, autre sujet de prédilection du romain. Au plus fort de sa production, l'homme signa ainsi pas moins de quinze films entre 1978 et 1981, dont en 1979 et 1980, deux nouvelles incursions dans la SF bon marché, Space Odyssey, et celui qui nous intéresse : La bête dans l'espace (La bestia nello spazio).

Dans le futur, Larry Madison (Vassilli Karis), capitaine de la flotte spatiale, reçoit pour mission de conquérir la planète Lorigon afin d'y trouver un des métaux les plus précieux, l'Antalium, élément nécessaire pour fabriquer les armes à neutrons. Parmi les membres d'équipage qui lui sont présentés, Madison croise par surprise la dénommée Sondra (Sirpa Lane), officier de route, que le capitaine avait séduit quelques temps plus tôt dans un bar. Après leur étreinte passionnée, la jeune femme lui avait ainsi confié qu'elle faisait chaque soir le même cauchemar. Au début, perdue dans une forêt inconnue, Sondra rejoint un château où elle est conviée à un banquet. Puis le maître des lieux l'invite à sortir dans les bois, et commence à la caresser, à l'embrasser, puis à la déshabiller avant qu'elle ne se réveille à chaque fois terrorisée. Or une fois atterrie sur Lorigo, Sondra constate que la planète ressemble étrangement à son rêve...

  
 
Coécrit par Aldo Crudo, avec qui Alfonso Brescia collabora plusieurs fois au cours de la décennie 70  [3], La bête dans l'espace s'éloigne un tant soit peu, et comme pouvait le laisser présager son titre, d'un basique space opera inspiré par l'œuvre de Lucas pour lorgner vers une adaptation science-fictionelle de La bête de Walerian Borowczyk. Non content d'emprunter l'actrice principale du film précité, la paire italienne reprit ni plus ni moins les grandes lignes du récit originel de Borowczyk, en y ajoutant, à l'arrache, plusieurs éléments issus à la fois de leur précédent métrage La guerre des robots, et du classique de Mario Bava, La planète des vampires. Toutefois, ce croisement n'aurait eu que peu d'intérêt pour le spectateur déviant si celle-ci n'avait pas été pimentée de quelques scènes érotiques... et inserts pornographiques en sus dans sa version XXX. Machiavélique.


Mieux, ce cinquième film du genre mis en scène par Brescia lui permet de mettre en pratique son art particulier du recyclage en remixant divers éléments appartenant à ses précédents films SF : scénario, costumes, décors, effets spéciaux et acteurs (Claudio Undari et Vassili Karis). Cependant, ce qui pouvait laisser apparaître comme les prémisses d'une conscience liée au développement durable adapté au 7ème art, s'avère très vite être plutôt le fruit d'une économie de moyens sinon frauduleuse, du moins drastique, à faire passer les séries télévisuelles des années 60-70 (Star TrekCosmos 1999, Buck Rogers ou Galactica) pour des superproductions, le décollage ou la salle de commande de la navette spatiale en laissera ainsi plus d'un.e sur le carreau devant tant de minimalisme jusqu'au-boutiste. Quant aux hommes d'or, symbiose réussie entre feu Brian Jones et la Grande Sauterelle Mireille Darc, ces robots et gardiens de Lorigo qui répondent aux ordres du seul vrai maître de la planète, le superordinateur Zocor, en plus de provenir directement du précédent Space Odyssey, les amateurs apprécieront leur dextérité au combat ainsi que le maniement de leur épée lumineuse. A peu de choses près. Seule réelle concession à Star Wars, le personnage de Venantino Venantini n'est pas sans rappeler Han Solo, le charme latin en plus : "Mon nom est Juan. [...] Vous êtes fabuleuse ! Vous êtes sur le point de découvrir de nouveaux cieux, car sur Alpha du Centaure on m'a appris un peu les techniques de l'amour...". 


Action molle, science-fiction crapoteuse, l'argument érotique pouvait alors facilement gagner sa place de sauve-conduit. La première scène d'amour entre Sondra "Il ne vaut pas mieux garder vos forces pour quelque chose de plus divertissant ?" et Madison "J'ai toujours des forces pour cela. Veux-tu monter ? ", mise en lumière par le chef opérateur Silvio Fraschetti, est à ce propos une réussite, son éclairage rouge et vert hérité des œuvres de Bava plonge les corps des deux amants dans une ambiance surréelle. Malheureusement, la suite est à l'image du reste, ou une accumulation de scènes croquignolettes qui justifient, finalement, l'emploi d'inserts pornographiques afin de masquer le ridicule des situations orgiaques. Enfin, là où Borowczyk s'était stoppé à l'éjaculation de sa bête, Brescia et consorts [4] quittent le rivage morne de la suggestion et du songe pour révéler la première (?) relation sexuelle explicite entre une femme et un satyre. Mémorable en quelque sorte.

 
 "Je me sens bizarre aussi. Étrange... Je sens une torpeur en moi. [...] Regardez ...!" : un stock-shot !

Mise en musique par Marcello Giombini (Anthropophagous, Le journal érotique d'une Thaïlandaise) caché sous le pseudo Pluto Kennedy, qui avait auparavant apporté sa haute contribution synthétique aux quatre précédents chapitres, La bête dans l'espace n'est pas l'expérience attendue, du moins elle n'atteint pas les niveaux espérés. Plombé par de sévères handicaps (effets spéciaux, histoire et situations grotesques, etc.), le métrage fait pâle figure en comparaison des hybrides réalisés par Joe D'Amato la même année, La nuit érotique des morts-vivants ou Porno Holocaust. C'est dire. Mais rassurons nous, La bête dans l'espace ravira les acharné.e.s de mauvais films sympathiques : dialogues risibles, prestation en roue libre des acteurs, en sus des handicaps mentionnés précédemment, chacun.e saura y trouver son compte.

En bonus : Onaf alias Claudio Undari et son caleçon à poil et plus si affinité


En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

Verdict du Nanarotron :


La bestia nello spazio (La bête dans l'espace) | 1980 | 92 min
Réalisation : Alfonso Brescia (Al Bradley)
Scénario : Alfonso Brescia et Aldo Crudo
Avec : Sirpa Lane, Vassili Karis, Lucio Rosato, Claudio Undari, Venantino Venantini
Musique : Marcello Giombini (Plutokennedy)
Directeur de la photographie : Silvio Fraschetti
Montage : Carlo Broglio
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[1] Le cinéphile sera heureux d'apprendre que Brescia réalisa en 1987 le troisième volet des aventures d'Ator, Iron Warrior, avec l'inénarrable, le sémillant et charismatico-anémié Miles O'Keeffe dans le rôle principal.

[2] A ceci prêt que ces petits malins d'italiens fixèrent la sortie de leur Wars of the Planets sur les écrans transalpins quatre semaines avant celle du film de Lucas.

[3] On lui doit notamment les scénarios de La vie sexuelle de Don Juan, de La guerre de l'espace ou encore de La guerre des robots.

[4] Rien n'indique que Brescia soit le responsable ou le réalisateur de ses inserts.

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