The Undertaker - Franco Steffanino (1988)

Découvert dans les années 70 pour ses rôles dans les deux premiers volets du Parrain et de Rocky, Joseph J. Spagnuolo dit Joe Spinell acquit à jamais la reconnaissance en 1980 auprès des amateurs d'horreur en interprétant le dénommé et torturé Frank Zito dans le premier long métrage de William Lustig, Maniac. Suivrons par la suite diverses participations dans de nombreux films, sans jamais toutefois retrouver des personnages aussi forts que celui du serial-killer devenu entre temps culte. Cantonné ad vitam æternam à des rôles subalternes, les deux seules exceptions furent sans surprise des slashers. Le très passable Last Horror Film de David Winters tentait, entre clin d'œil et filouterie, de suivre les traces du film de Lustig en réunissant de nouveau le duo qu'il composait avec l'actrice britannique Caroline Munro. Réalisé en 1988 quelques mois avant sa disparition par un mystérieux Franco Steffanino, The Undertaker ne connut que très récemment une sortie officielle. Après la tentative avortée de produire une séquelle à Maniac [1], Joe Spinell y incarnait une dernière fois [2] un tueur en série pour le plus grand plaisir de ses admirateurs.

Propriétaire d'une société de pompes funèbres, Roscoe (Joe Spinell) joint l'utile à l'agréable en choisissant lui-même ses futures clientes. Après avoir tué une malheureuse auto-stoppeuse qui tentait d'échapper à un biker un peu trop entreprenant, le thanatopracteur nécrophile jette son dévolu sur Jean, la secrétaire du maire. Déclarée morte des suites d'une attaque cardiaque, la police clôt l'enquête. Mais le neveu de Roscoe, Nicky Leonardo (Patrick Askin) commence à douter de l'innocence de son oncle, et souhaite faire part de ses soupçons à sa professeure d'anthropologie Pam Hayes (Rebeca Yaron), dont le dernier cours avait justement pour sujet la nécrophilie. D'abord réticente, Pam se laisse finalement convaincre par Nicky de passer le soir même au funérarium...

 
  
Longtemps disponible sous le manteau grâce au marché parallèle des VHS piratées, le film n'ayant connu aucune exploitation en salle ou en vidéo, The Undertaker gagna à mesure en notoriété au fil des années, sa rareté et la présence de Joe Spinell dans un de ses derniers rôles l'élevant, bien malgré lui, au rang de slasher culte. Édité une première fois par Code Red en 2010 dans une version sous-titrée The Death Merchant, celle-ci s'éloignait toutefois du matériel originel. Montée en dépit du bon sens, cette version était également réputée pour inclure nombre de stock-shots de séances d'aérobic (?!). Six ans plus tard, Vinegar Syndrome [3], maison d'édition spécialisée dans le cinéma d'exploitation des années 70-80, sort finalement une version définitive en DVD et Blu-ray. A partir de la copie négative 35 mm d'origine récemment retrouvée, mais amputée de six minutes, Vinegar Syndrome complète les parties manquantes via une copie de travail disponible en VHS.

Mis en scène par l'énigmatique Franco Steffanino, The Undertaker est en fait le fruit d'un travail d'équipe [4], ce pseudonyme cachant en réalité l'identité conjointe du chef opérateur Richard E. Brooks, des producteurs Steve Bono et Frank Avianca, et du scénariste William Kennedy (qui joue également un des policiers chargés de l'enquête). Doté d'un budget misérable, interprété par des inconnus au talent discutable, et enfin pourvu d'une histoire dont la seule justification est de montrer toute une galerie de meurtres violents inspirés par Maniac, de l'énucléation au classique, mais toujours efficace, coup de couteau dans l'abdomen, The Undertaker vaut, sans surprise, davantage un visionnage pour la présence de Joe Spinell. Diminué [5], l'acteur y livre une prestation inégale et pourtant surprenante. A grand renfort de cabotinages et d'expressions forcées, Joe Spinell incarne un Oncle Roscoe sans véritable épaisseur, loin, très loin du personnage dramatique et grotesque qu'il s'était créé avec Frank Zito. Non, à défaut, Spinell déconcerte par sa désinvolture sur certaines scènes, laissant transparaitre sa vraie personnalité et son humour intacte [6]. Unique.

Proposé dans une édition soignée (du transfert, aux bonus [7] jusqu'au packaging du Blu-ray), The Undertaker n'est pas, on l'aura compris, le slasher culte annoncé. Qu'importe. Pur produit d'exploitation avec ses scènes gore et sa nudité gratuite, ce film à quatre têtes doit être considéré au mieux comme le témoignage d'une époque révolue. Un document à découvrir. Joe Spinell forever.

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.







The Undertaker | 1988 | 88 min | 1.85:1
Réalisation : Franco Steffanino (William Kennedy, Steve Bono, Frank Avianca & Richard E. Brooks)
Production : Steve Bono, Frank Avianca
Scénario : William Kennedy
Avec : Joe Spinell, Rebeca Yaron, Patrick Askin, Susan Bachli, Charles Kay-Hune, William Kennedy
Musique : J. Eric Johnson
Directeur de la photographie : Richard E. Brooks
Montage : Larry Marinelli, David Szulkin
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[1] Spinell, avec l'aide du réalisateur Buddy 'Combat Shock' Giovinazzo tenta de lever des fonds en 1986 pour une séquelle en produisant le court métrage Maniac 2 : Mr. Robbie.

[2] La dernière véritable contribution cinématographique de Joe Spinell, de nouveau dans un rôle secondaire, fut Rapid Fire (trois ans avant le long métrage homonyme avec Brandon Lee, fils de Bruce) de l'artisan bis David A. Prior.

[3] Vinegar Syndrome fait œuvre d'utilité publique en rééditant avec soin tout un pan de l'histoire étasunienne des Grindhouses : du film d'horreur crapoteux (on leur doit le mérite d'avoir sorti le Blu-ray de Hobgoblins) et autres films pornographiques vintage tel Pretty Peaches d'Alex deRenzy avec Desiree Cousteau.

[4] Le mystère est enfin dévoilé par le scénariste William Kennedy dans les bonus de l'édition de 2016. Il était temps !

[5] Comprendre les problèmes de santé et les divers excès de Spinell (drogues et alcool).

[6] En particulier les scènes où il coiffe le cadavre de la secrétaire du maire, ou l'une des dernières scènes quand Roscoe s'offre un peu de temps libre en fumant et en profitant d'un verre de vin. 

[7] L'édition Vinegar Syndrome contient, entre autres, un commentaire audio et une interview de William Kennedy, des scènes alternatives et coupées, des archives promotionnelles, et un texte écrit par Michael Gingold rédacteur en chef du magazine Fangoria.
 

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