L'éventreur de Notre-Dame - Jess Franco (1974)

Produit par Eurociné, Lesoeur père et fils, L'éventreur de Notre-Dame se situe dans la longue liste des longs métrages réalisés par Jess Franco qui connurent autant de versions remontées, censurées, agrémentées de scènes pornographiques, que de titres différents. De l'explicite Sexorcisme, ledit film eut ainsi droit également comme titre à l'évocateur Expériences sexuelles au château des jouisseuses, et autre méphistophélique Exorcisme et messes noires. Dans la grande tradition des relectures franciennes, L'éventreur de Notre-Dame devint quelques années plus tard en 1979, sous la houlette du même Franco, à partir du matériau originel et avec de nouvelles séquences en sus, un autre long métrage prénommé cette fois-ci Le Sadique de Notre-Dame [1]. Enfin, grand admirateur de l'œuvre Sadienne, qui trouva un premier écho une dizaine d'année plus tôt avec le séminal Le sadique Baron Von Klaus (1962), Jess Franco marquait ainsi, au besoin, encore les esprits déviants au mitan de la décennie suivante, par sa capacité à filmer frénétiquement crimes sadiques et autres tortures théâtralisées pour le plus grand plaisir d'un public converti à sa cause depuis l'originel Horrible Docteur Orlof.

Paris, Mathis Vogel (Jess Franco), prêtre défroqué, écrit pour subvenir à ses besoins des récits sadomasochistes pour un magazine fétichiste publié par Pierre de Franval (Pierre Taylou). Doué pour décrire avec véracité les scènes de tortures inspirées par les exorcismes datant de l'Inquisition, Vogel cache en vérité un fanatique religieux qui kidnappe, torture et assassine des jeunes femmes afin de, selon son esprit dérangé, sauver leurs âmes en perdition. Peu de temps après, il découvre l'existence de messes noires organisées dans des sous-sols parisiens, et à laquelle participe l'assistante de Franval, Anne (Lina Romay). Persuadé que ces rites sataniques factices sont bien réels, Vogel se lance dans une nouvelle quête purificatrice...


Fort d'une longue ouverture de neuf minutes avec torture, décapitation (hors champ) d'une tourterelle blanche, puis meurtre au poignard de Lina Romay, avant les salutations au public de rigueur, L'éventreur de Notre-Dame évoque, sans surprise, dans une veine plus crue, les performances introductives des cultes Necronomicon et Vampyros Lesbos. D'aucuns esprits audacieux auront même déclaré que l'anticléricalisme du film était une réponse de Jess Franco à L'exorciste de William Friedkin. Soit. Condamné dans les années 70 par le Vatican, au même titre que le génial Luis Buñuel, considéré par la papauté comme un des cinéastes les plus dangereux pour la morale catholique, le réalisateur madrilène justifiait crânement en quelque sorte avec cet éventreur cette mise au ban papal.

 

Au-delà de la référence au nom du personnage de Pierre Taylou à l'Eugénie du divin Marquis, ce pur produit d'exploitation poursuit, on l'aura compris, les obsessions de son réalisateur, de par son ambiance malsaine et son érotisme mortifère. Mieux, d'un scénario prétexte, signé par les mystérieux David Khune et Henri Bral de Boitselier (les habitué.e.s auront reconnu Jess Franco et Marius Lesoeur), cette nouvelle variation francienne conforte, s'il fallait encore le démontrer, le détachement quasi intrinsèque du cinéaste envers le récit et son goût pour une une salvatrice distanciation [2], au profit de son voyeurisme compulsif et pulsionnel, dont les messes noires chorégraphiés offrent une mise en abyme des plus évidentes. De cette apparentée accumulation de scènes de sexe et de violence (inspirée de près ou de loin par ce qui pouvait se trouver dans les fumetti per adulti de l'époque), Franco orchestre et place le spectateur au cœur de son désir de voir et de montrer.

 
Sublimé par la complicité entre le réalisateur et sa muse exhibitionniste, L'éventreur de Notre-Dame a été édité en import aux USA en 2012 au format Blu-ray par Kino Lorber / Redemption Films avec ses deux versions softcore et horrifique.

En bonus : D'autres gifs du film sur notre tumblr.





L'éventreur de Notre-Dame (Exorcisme) | 1975 | 95 min | 1.66 : 1 | Couleurs
Réalisation : Jess Franco (James P. Johnson)
Production : Marius Lesoeur, Daniel Lesoeur
Scénario : David Khune, Henri Bral de Boitselier
Avec : Lina Romay, Catherine Laferrière, Lynn Monteil, Jess Frank, Pierre Taylou, Monica Swinn, Olivier Mathot
Musique : André Bénichou (Daniel White)
Directeur de la photographie : Etienne Rosenfeld (Raymond Heil)
Montage : Pierre Quérut
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[1] Version éditée depuis en Blu-ray par Severin Films.

[2] Humour qui prend la forme d'une enquête policière improbable menée par la figure récurrente francienne (depuis L'horrible Docteur Orlof), et toujours aussi dilettante, l'inspecteur Tanner, interprété ici par l'acteur, made in Eurociné, Olivier Mathot.

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