Roar - Noel Marshall (1981)

Auréolé du titre du film le plus dangereux de l'histoire du cinéma, Roar de Noel Marshall retrouve le chemin des salles obscures dans une version restaurée le 7 février prochain. Unique réalisation du producteur exécutif de L'exorciste de William Friedkin, ce long-métrage, avec dans les rôles principaux son épouse Tippi Hedren et sa belle-fille Melanie Griffith, est également rentré dans les annales pour sa durée de tournage et son record d'accidents : officiellement soixante-dix membres de l'équipe furent blessés... par des grands fauves. Tournage cauchemardesque de six ans au lieu des six mois prévus, budget dépassant de quatorze millions de dollars l'enveloppe initiale, Roar s'apparente tout autant à une véritable pagaille devant et derrière la caméra, qu'à une expérience inédite pour le spectateur. Mais n'allons pas trop vite...

En Afrique, Hank (Noel Marshall), un chercheur américain, élève en toute liberté une centaine de fauves, quand sa famille en provenance des États-Unis vient lui rendre visite. Or, à leur arrivée dans la maison, Hank n'est pas là pour les accueillir, contrairement aux autres habitants, qui prennent rapidement le contrôle du lieu en l'absence du maître de maison...
 
  
Projet initié après le tournage de l'obscur Satan's Harvest (1970) de George Montgomery en Afrique du Sud, quand le couple Noel Marshall/Tippi Hedren tomba en pâmoison devant la faune africaine, et en particulier les lions, Roar s'inscrit, on le comprendra vite, comme une entreprise où les frontières entre la fiction et la réalité deviennent des plus troubles à la lecture du synopsis du long-métrage.

Créant leur propre refuge pour grands fauves dans leur ranch au nord de Los Angeles, Marshall et Hedren accueillirent ainsi toute une ménagerie d'animaux sauvages apprivoisés (mais non dressés), des tigres aux lions, des panthères à des éléphants d'Afrique. Un cadre parfait pour un film où la majeure partie des protagonistes, à deux ou quatre pattes, jouent leur propre rôle, sans l'aide d'aucun trucage. S'en suivit dès lors, comme énoncé précédemment, une liste d'accident rentrée dans la « légende » : le scalp du directeur de la photographie néerlandais Jan de Bont et ses deux cent vingt points de suture, la gangrène de Noel Marshall provoquée par une morsure de lion, une jambe cassée pour Tippi Hedren, le visage lacéré de Melanie Griffith, sans oublier le chapitre que tout tournage catastrophe se doit d'avoir, la destruction du lieu de tournage, suite à l'effondrement d'un barrage voisin après cinq jours de pluie torrentielle [1]. De quoi justifier aisément le dépassement et les dix-sept millions de dollars de budget !
 
Aux prises avec un metteur en scène/époux/(beau)-père prônant une cohabitation pacifique avec ladite ménagerie féroce, en dépit des règles de sécurité, et dans un élan d'inconscience suraiguë, le film prend, sans surprise, la forme d'un joyeux désordre. Roar pourrait aisément se résumer par la destruction d'une maison par des grands fauves, dont une famille étasunienne en est à la fois le témoin et la victime. Cache-cache dans les armoires, jeu du (gros) chat et de la souris humaine, présence d'une paire de vils braconniers, le film oscille dès lors entre la comédie, le film d'aventures et le film d'horreur.
 
 
D'une histoire prétexte à nous montrer des lions, tigres et consorts sous toutes les coutures, le scénario laisse ainsi, une fois n'est pas coutume, libre court à la veine improvisatrice des différents fauves (un lionceau se lancera dans une séance de skate-boarding). Répétitives jusqu'à l'usure, les scènes mettant en scène la famille martyrisée n'en demeure pas moins aujourd'hui encore saisissantes, sinon inconfortables pour le spectateur qui pourrait, non sans raison, avoir l'impression d'assister au visionnage du premier snuff movie familial. Du message indirect de préservation des espaces animales [2], Noel Marshall prend le parti d'inverser les rôles, et de paradoxalement faire subir les pires outrages et souffrances aux êtres humains qui lui sont le plus proche, sa famille. La peur et le sang sur les visages filmés n'auront jamais été aussi vrai [3]. Dont acte.

Inédit aux États-Unis avant une récente sortie en 2015, Roar s'avéra un échec commercial en 1981. Long-métrage unique en son genre, Roar est à (re)découvrir pour ce qu'il est vraiment, le fruit de la folie d'un chef de famille devenu réalisateur. Glaçant.
  



Crédit photos : ROAR ©NOEL MARSHALL. Tous droits réservés.


Roar | 1981 | 94 min | 2.35 : 1 | Couleurs
Réalisation : Noel Marshall
Production : Tippi Hedren, Noel Marshall
Scénario : Noel Marshall
Avec : Tippi Hedren, Melanie Griffith, Noel Marshall, John Marshall, Jerry Marshall, Kyalo Mativo
Musique : Terrence P. Minogue
Directeur de la photographie : Jan de Bont
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[1] Ajoutons à cette liste des désastres deux feux de forêt et la fuite d'une quinzaine de fauves suite à ladite inondation.

[2] A l'exception du texte en fin de film qui pointe les conséquences désastreuses de la chasse et du braconnage, on se gardera bien de voir clairement un message pour la préservation des espèces menacées.

[3] Dans ce divertissement grand public, Marshall nous fait grâce de couper au montage les attaques les plus dangereuses citées plus haut.
 

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