A Fuller Life - Samantha Fuller (2013)

En parallèle à la rétrospective consacrée au grand Samuel Fuller (1912-1997) par la Cinémathèque française jusqu'au 15 février, Carlotta édite en blu-ray et DVD le 3 janvier, jour de l'ouverture de cette rétrospective, le documentaire A fuller life signé par Samantha, la propre fille du réalisateur [1]. Père spirituel du Nouvel Hollywood, cinéaste protégeant farouchement son indépendance et sa liberté de création, Samuel Fuller incarne, on ne peut mieux, l'image du réalisateur franc-tireur au sein de l'industrie cloisonnée hollywoodienne des années 50. Journaliste, militaire, dans la première division d'infanterie étasunienne, la Big Red One, durant la Seconde Guerre mondiale, avant d'entamer par la suite sa carrière, de metteur en scène, Fuller a enrichi, dès le début, son oeuvre cinématographique de ses propres expériences biographiques, de Violences à Park Row (1952) à Au-delà de la gloire (1980). 

Tiré des mémoires du cinéaste, A Fuller Life conte la vie hors norme de l'artiste en conviant quinze réalisateurs et acteurs, amis, admirateurs ou collaborateurs : de Joe Dante à William Friedkin, de Tim Roth à Mark Hamill. Prêtant leur voix, jouant le jeu du mimétisme, avec cigare en supplément, chacune des personnalités récite à la manière et avec les propres mots de Samuel Fuller un épisode marquant du cinéaste.

 
 Bill Duke (à gauche) et Tim Roth (à droite)

De ses débuts dans le journalisme à New-York, où il gravit pas à pas les échelons, de grouillot à reporter criminel, le jeune homme y apprend l'art de raconter une histoire. Témoin privilégié de l'histoire des États-Unis, Fuller quitte ensuite la Big Apple pour sillonner les routes du pays, à l'instar d'une de ses idoles, Mark Twain. Pigiste, il couvre la montée du Ku klux Klan dans les états du sud, ou la grande dépression en Californie. Au mitan des années 30, il commence à écrire des romans. Puis, débute sa collaboration avec Hollywood en signant plusieurs scénarios dont Hats Off (1936). Désormais un pied dans l'industrie, Fuller quitte pourtant ce refuge doré en répondant à l'appel de Roosevelt et s'engage dans l'armée américaine à 29 ans. Le soldat Fuller participe aux grandes batailles sur le front européen, les débarquements en Afrique du Nord, en Sicile et en Normandie, et la sinistre découverte des camps d'extermination. De ces épisodes tragiques, A Fuller Life présente des films 16 mm inédits tournés par Samuel Fuller durant la Seconde Guerre mondiale. Marqué à vie, nourri de son expérience de journaliste, le futur cinéaste acquit désormais la conviction qu'il doit tout montrer ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère à Hollywood. 

 
 Joe Dante (à gauche) et William Friedkin (à droite)

De son premier western, J'ai tué Jesse James (1949) au néo-noir The Naked Kiss (1964), Fuller contribue grandement à faire sauter les barrières. Ambiguïté morale et sexuelle, diversité raciale et sociale, sujets controversés, les films mis en scène s'écartent des thèmes usuels et codifiés d'Hollywood à l'image du grinçant Shock Corridor (1963) qui se situe dans un hôpital psychiatrique. Mais cette liberté de ton et cette indépendance ont un prix. Samuel Fuller est abonné à la série B et aux petits budgets qui vont de pair, ce dernier refusant même les offres des majors qui lui proposaient de réaliser des longs métrages à grande production. Quelques années avant l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes, le metteur en scène quitte le navire californien. Pendant plus d'une décennie à partir de la seconde moitié des années 60, il ne signe plus que quelques commandes, profitant en même temps de son statut de cinéaste exilé en France (son apparition dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard), avec toujours son désir de réaliser sa grande oeuvre Au-delà de la gloire avec Lee Marvin dans le rôle du sergent, puis, suivi de près par son pamphlet anti-raciste Dressé pour tuer (1982), librement adapté d'un roman de Romain Gary. 

Une vie unique.





Crédit photos : A FULLER LIFE © 2013 CHRISAM FILMS, INC. Tous droits réservés.


A Fuller Life | 2013 | 80 min | 1.78 : 1 | Couleurs et N&B
Réalisation : Samantha Fuller
Avec : Samuel Fuller, James Franco, Jennifer Beals, Bill Duke, Robert Carradine, Mark Hamill, Joe Dante, Tim Roth, Wim Wenders, Monte Hellman, William Friedkin
Musique : Paul Alexander Fuller
Directeur de la photographie : Seamus McGarvey, Hilton Goring, Rachel Wyn Dunn
Montage : Tyler Purcell
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[1] Samantha Fuller présentera samedi prochain à la Cinémathèque française dans le cadre de cette rétrospective son documentaire. 
   

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