La Colline a des yeux - Wes Craven (1977)

Apparu en 1972 avec le sulfureux La Dernière Maison sur la gauche, lointaine relecture trash de La Source d'Ingmar Bergman, Wes Craven revenait cinq ans plus tard avec La Colline a des yeux. Inspiré d'un faits divers écossais qui se serait déroulé entre le XIIIème et XVIème siècle [1], ce second film s'inscrit une fois encore, sous l'apparat du film d'exploitation, comme un portrait au vitriol de la famille américaine. Après un premier opus, réminiscence de la fin des utopies flower power, qui décrivait la vengeance brutale de parents après le viol et le meurtre de leur fille, Craven poursuit sa réflexion, du moins sa description, de la décomposition du modèle familial avec ce second film apparenté au genre survival. Récit d'une famille WASP aux prises avec une tribu de cannibales, La Colline a des yeux est de nouveau dans les salles ce 23 novembre prochain dans une nouvelle version restaurée 4K, avant la sortie de l'édition collector du 40ème anniversaire le 7 décembre. A bon entendeur.

La famille Carter a quitté son Ohio natal pour rejoindre Los Angeles. En chemin, le patriarche Bob (Russ Grieve), officier de police à la retraite, décide de faire un détour par le désert du Nevada pour visiter une mine d'argent désaffectée. En dépit des avertissements du propriétaire de la station-service, les Carter se dirigent vers la mine située dans une zone d'essai de l'aviation américaine. Quand survient un accident de la route, la famille se sépare afin d'aller chercher du secours. Mais ils ignorent encore qu'ils sont espionnés par Jupiter (James Whitworth) et sa tribu...

Avant de connaitre un succès planétaire avec le premier volet de la franchise Freddy Krueger, Les Griffes de la nuit (1984), précédant l'échec critique de son troisième film [2] La Ferme de la terreur (1981) et du décevant La Créature du marais l'année suivante, Wes Craven s'est distingué par la production de deux longs métrages à petit budget qui marquèrent durablement l'inconscient du cinéma indépendant US des années 70. Tourné deux ans avant le fameux Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, l'éprouvant La Dernière Maison sur la gauche amorçait ainsi le renouvellement d'une terreur cinématographique exploitant au mieux le relâchement de la censure (ce qui n'empêcha pas le premier film de Craven, tout comme le second, d'être censuré dans plusieurs pays, et de subir de nombreuses coupes [3] afin de ne pas être classé Rated X aux USA).
D'une intrigue évoquant le chef d'œuvre de Hooper précité, à savoir l'intrusion d'un groupe d'individus sur le territoire d'une famille d'anthropophages, Craven permute à dessein les traditionnels jeunes innocents par une famille américaine à tendance conservatrice plongée dans une nature hostile. Collusion brutale d'un modèle dit civilisé contre la sauvagerie d'une bande de primitifs, le réalisateur du Sous-sol de la peur (1991) malmène sans ménagement ses personnages WASP, à l'image de la confrontation entre les deux patriarches qui se conclura par la mise à mort de l'ex-chef Carter. Enfin à l'instar de The Last House on the Left, Craven prolonge sa thématique de dislocation des mœurs civilisés en faisant basculer les Carter vers une animalité et une violence psychotique, à la fois guidées par leur instinct de survie renaissant et catalysées par l'environnement aride et rocailleux du désert. Un sentiment de perdition et de radicalité que la fin abrupte ne manque pas d'accentuer [4].  

Filmé en 16 mm par un chef opérateur, Eric Saarinen, rompu à l'exercice documentaire, et fort d'un directeur artistique, Robert A. Burns, ayant fait ses preuves dans The Texas Chainsaw Massacre, The Hills Have Eyes distille un climat brut propice aux divers débordements barbares des deux camps susmentionnés. Images granuleuses, atmosphère sale mêlée de sang et de poussière, autochtones dégénérés au physique déformé (Michael Berryman dans un de ses premiers rôles), le film déploie un abécédaire horrifique en marge des traditionnelles mises en scène hollywoodiennes.
 
Un film emblématique du cinéma d'horreur des années 1970 à (re)découvrir.



Crédits photo : © 1977 BLOOD RELATIONS COMPANY. Tous droits réservés.


The Hills Have Eyes (La Colline a des yeux) | 1977 | 89 min
Réalisation : Wes Craven
Production : Peter Locke
Scénario : Wes Craven
Avec : Susan Lanier, Robert Houston, Martin Speer, Dee Wallace, Russ Grieve, John Steadman, Michael Berryman, Virginia Vincent et James Whitworth
Musique : Don Peake
Directeur de la photographie : Eric Saarinen
Montage : Wes Craven
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[1] Ou l'histoire du clan du dénommé Alexander "Sawney" Bean qui aurait tué et mangé plus d'une centaine de malheureux bougres.

[2] Tout aussi moyen, voire carrément mauvais n'hésitons pas à l'écrire, L'été de la peur (1978), s'il fut exploité au cinéma en Europe, était à l'origine un téléfilm.

[3] Le montage initial, non content d'en faire les frais, est désormais perdu.

[4] L'édition collector proposera une version avec fin alternative.

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