Teeth - Mitchell Lichtenstein (2008)

Teeth ou les affres d'une demoiselle qui découvre que son vagin est pourvu de dents aiguisées... un film de propagande prônant les vertus du cunnilingus? Pas seulement.

Dawn O'Keefe est une adolescente américaine somme toute ordinaire... tout du moins si l'on suit l'american way of life prôné par les plus conservateurs étasuniens dirons nous. Dawn est, naturellement pourrait-on dès lors ajouter, jeune militante au club de chasteté de son lycée. Elle n'hésite pas à prendre la parole lors des réunions d'information et ainsi promouvoir le port de l'anneau symbolisant ledit vœu (la tradition de la ceinture, il est vrai, s'est perdue messieurs dames...). Mais la belle jeunesse puritaine peut-elle se suffire d'un tel procédé obsolète quand les sirènes du supposé vice vous titille ? Fort heureusement, dame nature veille...
  
Or sous ce vernis sans craquelure apparente, la vie et l'environnement de la jeune Dawn sont loin d'être si paradisiaques. L'addition, je suis une jeune fille attirante, je prône l'abstinence avant le mariage, alors que je suis l'objet de convoitise à la fois du fils de mon beau-père et de la gent masculine du lycée, plus l'éveil des premiers désirs, tout ceci fait un peu beaucoup pour ses frêles épaules. Sauf que Dawn va pouvoir compter sur l'aide de la centrale nucléaire qui est implantée non loin de son chez elle... un élément tout sauf anodin s'il en est. Bref toc toc toc, le fantastique frappe à la porte, et on découvre que notre héroïne possède un vagin pourvu d'une dentition très aiguisée, dispositif "naturel" de protection plus connu sous le terme de vagina dentata. Mademoiselle O'Keefe pourra dès lors s'occuper des cuistres mâles qui en veulent à son intégrité...

Toute série B ou film de genre qui se respecte se doit d'avoir un minimum de cohérence. Teeth de Mitchell Lichtenstein (fils de Roy, le pape du Pop Art) rappelle par moment la fameuse question que tout bon pilier de bar se demande une fois dans sa vie : ce verre est-il à moitié vide ou à moitié plein? Contrairement au canadien David Cronenberg, chantre des mutations en tout genre, Lichtenstein n'a en aucun cas une vision clinique. Ce dernier lorgne vers la comédie noire fantastique tout en rappelant certains aspects typiques du réalisateur danois Lars Von Trier, à savoir un malin plaisir à jouer les sadiques avec son héroïne. Contrairement à Breaking the Waves, ce sadisme est surtout à mettre en parallèle avec un parcours initiatique: "souffre ma fille, c'est pour ton bien, Dieu (ou les radiations) t'a donné un moyen de lutter". Toujours est-il qu'on en vient à se demander si cette provocation envers les conservateurs est bien utile car gratuite. Certes, tout est bien qui finit bien car contrairement aux films d'horreur des 70's-80's où coucher rimait forcément avec meurtre sanglant par le psychopathe de service, Dawn assume et maitrise parfaitement ce don de la "nature".

De même, le traitement de la jeune Dawn au début du film peut sembler trop caricatural, mais que dire du portrait de la gent masculine... Entre un gynécologue pervers qui a dû faire le pari avec des collègues qu'il pouvait perdre sa gourmette dans le vagin de sa jeune patiente, un demi-frère véritable rebelle de seconde zone avec tatouages, piercings, rottweiller et heavy metal en option, et enfin quelques lycéens violeurs, la panoplie est tout sauf glorieuse. Dommage, la comédie noire fantastique se voit cruellement discréditée par cet excès de caricature.

Teeth est une honnête série B bancale, à défaut d'obtenir un croisement réussi entre l'univers Cronenbergien et la comédie noire. Sans plus.


18 commentaires:

  1. Mon dieu...

    En lisant le titre je me suis attendue au pire. En fait c'était pire que pire :/

    Choune

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  2. et pour les détails, les dents se rapprochent de celles de la lamproie

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Lamproie

    miam miam XD

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  3. Purée ! Chuis déjà pas cinéphile mais alors c'est pas avec une connerie pareille que je vais le devenir !

    (bon, sinon, l'article est très bien, lui :o))

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  4. oui bon l'idée de départ peut en effet rebuter les âmes sensibles et prudes comme toi :P

    Aimant profondément les thématiques abordées et leurs traitements par Cronenberg, j'attendais pas une resucée ou une vulgaire copie carbone, mais qqch de la même tenue avec une nouvelle approche... alors que là... pas mal sans plus

    m'enfin si ça peut rendre implicitement plus populaire le cunnilingus parmi une certaines frange de la population adepte des films d'horreur, why not? lol

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  5. j'ai bien aimé Teeth mais je m'attendais tout de même à mieux. L'idée de base est excellente mais pas tjs bien exploité par le réalisateur qui verse effectivement plus dans la comédie noire.

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  6. Nous sommes globalement d'accord. Ce film est bancal.
    Que "Teeth" verse dans la comédie noire au fur et à mesure du métrage, pourquoi pas. Comme tu as pu l'écrire dernièrement, le chef d'oeuvre de John Landis en est le parfait exemple.
    Mais là, la partie comique est plutôt loupé, ça tombe comme un cheveu dans la soupe.
    AU final, pas mal mais sans plus.

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  7. Coup de foudre pour cette œuvre au ton léger mais, divinement percutant en profondeur.

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  8. C'est d'autant plus dommage que ce film possédiat un véritable potentiel... mais bon, n'est pas Cronenberg ou John Landis qui veut...

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  9. Ca a l'air délirant ! Vous m'avez vraiment donné envie de le voir ^^

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  10. Effectivement c'est un sujet qui mériterait d'être traité par ce cher Cronenberg! Car manifestement là, on n'arrive pas à atteindre une dimension psychanalytique assez indispensable pour traiter une telle angoisse primale.

    Vlad

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  11. Bon sang il y a une nouvelle de SF/Fantastique/Noir dont j'ai oublié le titre - d'un auteur dont j'ai oublié le nom - qui cause en partie du sujet. C'est chez DenOël avec une jaquette infâme et sanglante.
    Bon ça me reviendra, mas si ça reveint à quelqu'un avant, je suis preneur.

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  12. oui passe que là, c'est un peu vague lol ;-)

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  13. c'est vrai que j'aurai bien Cronenberg traiter un tel sujet en sachant que ce réalisateur aime aborder les changements physiques et psychologiques du corps humain. J'ai vraiment été marqué par le superbe videodrome.

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  14. et si y'avait que "Videodrome" :P

    Mais c'est vrai que formellement ("come to Nicki...") et vu les thèmes abordés par ce film... visionnaire me vient à l'esprit

    PS: j'en ai profité pour effacer tes deux derniers comm', je sais pas ce qu'a fait blogger, mais on avait trois fois le même ;-)

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  15. Je viens à l'instant de voir ce film... et je ne suis aucunement décu !

    C'est un véritable chef d'oeuvre mêlant un cynisme bien gratuit sur les théories évolutionnistes et le 'prudisme' américain, avec de nombreux efforts et clins d'oeil dans la réalisation esthétique (gros plan sur des 'trous' de souches d'arbres, des 'stalagtites', etc...) le tout recouvert d'une bonne dose de spiritualité gothico-mythologique.

    Bref j'ai adoré, meme si j'avoue avoir été gêné d'avoir pensé à ma mère tout le long du film (mais uniquement parce qu'elle est dentiste, hein ..!)

    P.S : merci pour le lien wiki vers la lamproie... ;)

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  16. ah ah ah
    Je reconnais bien la verve sétoise :D

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  17. Oui, et t'as pas intérêt à me la couper !

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