Blood Freak - Brad F. Grinter, Steve Hawkes : Par le pouvoir du glouglou ancestral

"Je ne comprends pas vraiment les gens qui s'éclatent à mater des séries Z"... voici des mots qui résonnent encore en moi depuis dimanche dernier. Pourtant ceux qui ont eu la chance de pouvoir visionner le terrible Blood Freak, et dès lors se délecter d'un tel film, savent qu'on trouve rarement ce goût si particulier qui ravit tant le palais fin du cinéphile déviant. Parallèle tout trouvé s'il en est, puisque l'affiche souligne fort justement l'addiction dont est assujetti notre craignos monster, dixit JP Putters : "Only the Blood of Drugs Addicts Can Satisfy its Thirst". Tremblez jeunes gens ! Blood Freak, un film qui vous démontera par A+B que seul l'amour de Dieu est plus fort que la drogue !

Blood Freak, mauvais film sympathique culte outre-Atlantique, est tout droit sorti des cerveaux malades de deux énergumènes, Brad F. Grinter et Steven Hawkes, ce dernier ayant le double emploi d'être le héros de cette dramatique aventure. Mieux, sous ce canevas moralisateur, le film a le mérite, déjà en 1972, de pointer du doigt les méfaits des expérimentations dans l'agriculture, enfin quand ceci sont conjugués avec la consommation de marijuana. Cerise sur le dindon, Blood Freak a la particularité d'avoir la présence à l'écran, durant les « moments clefs », d'un curieux personnage attablé, cigarette au bec, un Vincent Price du pauvre, look 70's (petite mention pour sa chemise) qui lit avec un semblant de conviction quelques phrases dignes du bouquin "La philosophie sous psychotropes pour les nuls". Or, surprise, ce sinistre narrateur omniscient est joué par le deuxième metteur en scène, prestation qui redéfinit la notion même de détachement.


Richard (ou Herschell selon la version), vétéran du Vietnam, croise sur sa route une certaine Angel. L'ange invite notre motard Richard chez elle, où ce dernier croise Anna, la sœur d'Angel, qui tombe assez rapidement sous le charme de notre ténébreux biker. Autant Angel porte bien son nom, celle-ci n'étant pas la dernière en matière de prosélytisme, autant sa sœur fait partie de la catégorie des demoiselles à l'auréole carbonisée. Telle cette diablesse de Salomé ou cette tentatrice prénommée Eve, Anna réussit à pervertir l'âme de notre héros, et non contente de le pousser à consommer de la marijuana, celle-ci réussit par quelques ruses bien connus de la gent féminine à le faire vautrer dans le stupre. Le piège vient de se refermer...


Quelques temps plus tard, Richard trouve un emploi, par l'intermédiaire d'une connaissance des deux sœurs, dans un centre expérimental où l'on élève des dindons. En plus de s'occuper de ces sympathiques gallinacés, Richard se voit confié comme travail de manger le fruit des expérimentations, à savoir ces fameuses dindes chimiquement modifiées. Et tel Ulysse tuant le Cyclope, une terrible malédiction s'abat sur les épaules de notre biker au grand cœur. Intoxiqué par la dinde rôtie, Richard s'écroule. N'écoutant que leur courage, les scientifiques décident de se débarrasser du corps dans les bois voisins. Mais... mais Richard n'est pas mort. Un nouveau superhéros vient de naître, suite à sa consommation de drogue et de dinde modifiée, Richard devient... Turkeyman, l'homme à la tête de dindon ! Malheureusement, on ne peut pas glouglouter à la perfection comme un vrai dindon sans en payer le prix fort. Désormais, Turkeyman devra se repaître du sang de ses victimes, des tristes junkies qui auront la déveine de croiser son attendrissant glougloutement...


Non content d'avoir un scénario digne d'une tragédie grecque de seconde zone, Blood Freak se voit gratifié d'une mise en scène qu'on nommera pudiquement d'amateur (le flou "artistique" et les gros plans foireux ayant une place prédominante), dommage collatéral d'un budget somme tout anémique. A cela vous ajoutez un "jeu d'acteurs" au ras des pâquerettes, où le ridicule côtoie le mauvais (les deux scientifiques du centre de recherche remportant la palme de la crédibilité), des effets spéciaux qui n'ont de spéciaux que le nom (homme-dindon c'est vite dit cela dit, hormis les glougloutements, Richard a tout sauf la tête et le bec d'un dindon). Que reste-t-il alors ? Le film distille une morale conservatrice digne des meilleurs moments de la droite chrétienne, Dieu nous guide vers le chemin et son amour sera plus fort que tous les paradis artificiels (en d'autre terme: "Jésus, c'est ma came, la drogue, c'est caca"). Pourquoi pas ? Sauf que le supposé message moralisateur va a contrario de l'image véhiculée par le film.

Autres points à l'avantage de ce sympathique mauvais film, et non des moindres, les dialogues et le doublage français. Entre la philosophie omnisciente de comptoir prodiguée par notre Vincent Price sous psychotropes et les dialogues des protagonistes, Blood Freak a de quoi faire exploser le nanarotron à chaque visionnage : "et si on se marie... que sera notre vie ensemble?", "que vont penser les enfants de leur père?", "et s'ils ressemblent à leur père?" dixit notre tentatrice Anna lorsqu'elle découvre le funeste sort réservé à son homme.


Au final, Blood Freak, un nanar à voir et à revoir et qui mérite amplement son aura culte outre-Atlantique (en attendant de voir l'autre nanar fauché ultra culte US, Manos, The Hands of Fate).



Extrait en V.F

Blood Freak | 1972 | 86 min | Couleurs 
Réalisation :  Brad F. Grinter, Steve Hawkes
Production : Brad F. Grinter, Steve Hawkes
Scénario : Brad F. Grinter, Steve Hawkes
Avec : Steve Hawkes, Dana Cullivan, Randy Grinter, Heather Hughes
Musique : Gil Ward
Directeur de la photographie : Ron N. Sill
Montage : Gil Ward

3 commentaires:

  1. tu ne comprends pas les fans des séries Z? J'en fais pourtant partie mais j'assume totalement ce mauvais goût assez pervers. Et en la matière, blood frek fait partie des références: c'est tellement mauvais que cela en devient jouissif!

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  2. tu reliras deux fois le premier paragraphe. Il ne s'agissait pas de moi.
    Crois tu que si je n'aimais pas les séries Z j'en ferais la chronique? ;-)

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  3. désolé, j'ai effectivement mal lu le 1er paragraphe... mais bon, juste pr rebondir, i m'arrive de chroniquer des films que je n'aime pas...

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