Jess Franco ou les prospérités du Bis - Alain Petit (2015)

Une bible. Trois kilos trois cent grammes sur la balance. Sept cent cinquante-deux pages au compteur. Jess Franco ou les prospérités du Bis s'inscrit dès à présent comme un livre incontournable pour tous les amateurs de Cinéma Bis, et cinéphiles en général. Après le remarqué et non moins remarquable livre consacré au metteur en scène culte italien Joe D'Amato, le réalisateur fantôme signé Sébastien Gayraud, Artus Films continue de faire œuvre de salubrité Bis [1] en permettant à Alain Petit de publier officiellement son deuxième projet, les « Manacoa Files », après la sortie en début d'année, par ce même éditeur, de son fan-book intitulé 20 Ans de Western Européen. Publié originellement en six volumes, dans un premier temps via un appel à souscription au mitan des années 90, puis par une seconde édition dans les cultes « Ciné Zine Zone » de Pierre Charles, célèbre éditeur de fanzines français et grand soutien de la cause Bis, Jess Franco ou les prospérités du Bis allait ainsi autant profiter du regain d'intérêt pour le réalisateur madrilène depuis une dizaine d'années, sous la forme de divers hommages [2] et autres rééditions (dans des copies décentes) de ses films en DVD, que du réseau bissophile qui a su mettre à profit les opportunités offertes par internet [3]. En somme, vingt-cinq ans après avoir germé dans l'esprit de son auteur, le livre connait enfin une réédition sous une forme idéale telle que l'avait souhaité Alain Petit depuis son origine.

Préfacé par l'ami Jean-Pierre Bouyxou, ardent défenseur et pionnier de la « Franco mania » au début des années 60 (et faut-il le rappeler interprète du fils du Dr Orloff dans La Comtesse noire), Jess Franco ou les prospérités du Bis a pour saine vocation de dresser minutieusement les différents visages du cinéaste et de proposer, ni plus ni moins, une complète rétrospective de l'œuvre francienne couvrant ses soixante ans de carrière (1953-2013) avec moult commentaires et illustrations. De cette entreprise démesurée, fruit d'un travail (forcément) impressionnant, Alain Petit s'y attelle avec la passion d'un fan, et plus encore, comme le déclarait Jess Franco à son propos : « Dans chaque pays, il y a un fou qui m'admire, en France, c'est toi ! ».

Devant l'ampleur d'une telle tâche, il apparaît évident qu'un brin de folie était sans doute nécessaire. Tant mieux. Car au-delà des chiffres énoncés en préambule, l'ouvrage est incontestablement destiné à devenir une référence. Passé en revue les multiples singularités de Jess Franco, son ancien scénariste (sur Plaisir à trois et sur L'homme le plus sexy du monde) s'emploie à mettre en valeur les multiples talents du cinéaste: l'homme-orchestre, le scénariste, le comédien, le monteur, le producteur et le musicien. Au fil des chapitres, ces Prospérités du Bis s'attachent à conter l'histoire cinématographique du maître, de ses premiers pas en qualité d'assistants auprès de Julio Bracho ou Leon Klimovsky, à ses relations avec le « milieu »: la censure et les producteurs (dont Marius Lesoeur, Harry Alan Towers, Robert de Nesle et Erwin C. Dietrich), responsables à des degrés divers et pour des raisons a priori contradictoires de coupes, tripatouillages et autres versions multiples de ses films [4]. Alain Petit n'oublie pas d'évoquer non plus la collaboration entre Jess et le géant Orson Welles, relation débutée du vivant du réalisateur de Citizen Kane lors du tournage de Falstaff et de L'île au trésor (film inachevé), puis après sa mort, lorsque Jess fut en charge de la restauration et du montage de Don Quichotte (présenté au Festival de Cannes en 1992).

Indissociables du metteur en scène, les portraits des acteurs Lina Romay, Antonio Mayans, Howard Vernon et du compositeur Daniel White occupent le chapitre justement nommé « Les quatre de l'Apocalypse ». Synthèse d'un travail et d'une amitié née trois décennies auparavant, le livre compile plusieurs entretiens signés par l'auteur (et JPB), au commencement en 1973, puis en 1994, avant d'exposer le travail le plus inestimable du dit livre : un dictionnaire « Le petit Jess Franco illustré», et la filmographie complète et commentée (258 films en tout).

Richement illustré, cette bible est enfin fournie avec le DVD du film de Jess Franco Opération Lèvres Rouges (1960).

A posséder.
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(1) Et en attendant le livre Bruno Mattei, itinéraires Bis signé David Didelot (et la prochaine souscription via un célèbre site internet de financement participatif), déjà auteur pour Artus Films de Gore, dissection d'une collection en 2014.

(2) Avec en point d'orgue sa rétrospective à la Cinémathèque française en 2008, et l'année suivante son Goya pour l'ensemble de son œuvre.

(3) Bonne parole francienne à laquelle nous participons humblement et qui porte ses fruits eu égard aux bonnes statistiques du site pour les posts libellés Jesús Franco (il y a rarement une semaine où n’apparaît pas en tête de notre top hebdomadaire une chronique francienne).

(4) Alain Petit livre à cet effet un petit inventaire des nombreux cas dont fut la victime Jess Franco, les deux plus connus étant Le miroir obscène (une production C.F.F.P) et Névrose (Eurociné).

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