Cronico Ristretto : The Crazies - George Romero (1973)

Quatrième long métrage de George Romero, The Crazies, distribué en France sous divers titres, dont le ridiculement opportuniste La nuit des fous vivants [1], signait le retour du réalisateur de La nuit des morts vivants au cinéma d'horreur, après la comédie contreculturelle There's Always Vanilla et sa chronique féministe teintée d'occultisme Season of the Witch. Mieux, là où La nuit avait été le spectateur involontaire du vent contestataire de son époque, The Crazies assume ouvertement et pleinement sa veine critique des années Nixon, loin de tout manichéisme.  

Dans les environs d'une petite ville de Pennsylvanie, Evans City, une arme bactériologique, nom de code "Trixie", s'est échappée à la suite de l'accident de l'avion militaire qui contenait ce virus. Les habitant.e.s sont rapidement infecté.e.s, chacun.e atteint.e de folie sanguinaire, à l'instar d'un père de famille qui assassine de sang froid femme et enfants, avant de brûler sa ferme. Le colonel Peckem (Lloyd Hollar) est envoyé pour contenir la situation tandis que la loi martiale est déclarée. La ville est désormais bouclée. L'utilisation de l'arme atomique est envisagée en plus haut lieu. Le couple Judy (Lane Caroll) et David (W.G. McMillan) prend la fuite, accompagné de Clank (Harold Wayne Jones), ami de David et également vétéran du Vietnam...
 
 

Enlisé dans les problèmes de post-production de son précédent film, Season of the Witch, George Romero se lança dans la foulée dans un nouveau projet dont il écrivit le scénario, d'après une première version intitulée The Mad People, signée Paul McCollough. Tourné en mars 1972 à  Evans City et à Zelienople, non loin de Pittsburgh, et doté d'un budget, comme à l'accoutumé, restreint (275 000 $), cette fausse séquelle du premier long métrage culte du réalisateur s'inscrit, de nouveau, comme un tour de force devant la maigreur des moyens usités. Fort du soutien de la population locale d'Evans City lors du tournage en guise de figuration (ce sont de vrais policiers qui jouent les policiers du film), The Crazies se démarque par son traitement radical. Véritable leçon de montage cinématographique lors de sa première partie, annonçant Zombie (1978), le film nous plonge en pleine guerre civile, de l'arrivée des militaires à leur débordement devant cette situation devenant très rapidement incontrôlable.

Témoin du désenchantement sinon de la défiance grandissante de la société civile étasunienne envers ses institutions, gouvernement et armée en tête [2], et en prémices au scandale du Watergate, le scénario évite le piège d'un manichéisme facile. L'état-major fait au mieux avec les moyens mis à sa disposition, mais l'impréparation et la confusion est telle dans ses propres rangs, que les bavures et autres dommages collatéraux sont inéluctables. Pire, les soldats présents sont aussi ignorants de la situation sanitaire que les habitant.e.s parqué.e.s, contaminé.e.s ou non, dans l'enceinte du lycée local. Parmi les rares survivants, Judy, David et Clank tentent en vain de quitter la ville. Dans leur fuite, iels rencontrent Artie Fulton (Richard Liberty) et sa fille Kathy (Lynn Lowry), un père un brin trop protecteur dont la folie deviendra le révélateur de pulsions inavouées, et une nouvelle allégorie pour Romero de la chute de la famille américaine, thématique récurrente du réalisateur depuis le séminal La nuit des morts vivants.

 

Film de crise marqué par la paranoïa des années 70, The Crazies marque encore les esprits, en attendant le chef d'oeuvre de George Romero, Dawn of the Dead.




The Crazies (la nuit des fous vivants) | 1973 | 103 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : George Romero 
Scénario : George Romero
Avec : Lane Carroll, Will McMillan, Harold Wayne Jones, Lloyd Hollar, Lynn Lowry, Richard Liberty, Richard France
Musique : Bruce Roberts
Directeur de la photographie : S. William Hinzman
Montage : George Romero
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[1] Ajoutons à la liste les non moins foutraques Cosmos 859 ou Experiment 2000 ?!

[2] Le massacre de Mỹ Lai (1968) et la fusillade de Kent State University (1970) restent encore dans les mémoires. 

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