Cronico Ristretto : Squirm - Jeff Lieberman (1976)

Remis sur le devant de la scène bis depuis la sortie des Oiseaux (1963) d'Alfred Hitchcock au début de la décennie précédente, le genre « invasion animale » connut un vif regain d'intérêt par la suite. D'un bestiaire composé principalement de fourmis, d'abeilles et d'araignées dans les années 70, d'autres scénaristes ont fait oeuvre d'originalité. Il convenait ainsi de s'épancher sur une menace longtemps mise à l'écart, celle des vers de terre anthropophages. Nous en voyons déjà ricaner, or, celle-ci n'est pas plus incongrue que la menace amphibienne (Frogs, 1972) ou, pire encore, lagomorphe (Night of the Lepus, 1972)... Premier long métrage de Jeff Lieberman, le mal titré en français, La nuit des vers géants, a gagné depuis ses galons mérités de film culte aux Etats-Unis, l'affiche du film apparaissant plusieurs fois dans le non moins culte Blow Out (1981) du maestro Brian De Palma [1]

Fly Creek, petite ville de Géorgie. Le soir du 29 septembre 1975, une violente tempête s'abat sur la région, les lignes électriques sont renversées et déversent des centaines de milliers de volts dans le sol humide. Le lendemain, Mick (Don Scardino), jeune new-yorkais, arrive en bus pour rendre visite à sa nouvelle petite amie, Geri (Patricia Pearcy), une habitante de Fly Creek. Le couple devient le témoin d'étranges événements, la découverte puis la disparition d'un squelette dans la propriété de l'antiquaire Aaron Beardsley, ou la présence d'un ver dans le soda de Mick. Les deux jeunes décident de résoudre le mystère.
  
 

A défaut de vers géants, Squirm n'en demeure pas moins, près de cinquante ans après sa sortie, une agréable surprise. D'un argument fantastique saugrenu, ou la folie anthropophage de vers marins provoquée par des décharges électriques, qui aurait pu laisser craindre le pire en matière de délire scénaristique, Jeff Lieberman rend au contraire une copie, certes classique, voire scolaire en élève studieux, mais qui évite justement les écarts foutraques. Mieux, porté par son jeune couple attachant et intrépide, loin des clichés du genre, l'intrigue se met en place progressivement, à mesure que les événements et autres indices inquiétants apparaissent, avant l'attaque finale orchestrée par ses milliers de vers grouillants dans la maison familiale de Geri. 

Filmé à Port Wentworth en Géorgie, le long métrage s'inscrit également dans le genre redneck movies, qui connut deux ans plus tôt son acmé avec le tonitruant Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper. De cette rencontre entre un jeune citadin sûr de lui et une communauté rurale de hicks [2], soupçonneuse envers cet étranger, qui non content de venir troubler la quiétude de la bourgade, a séduit la belle enfant du pays, Jeff Lieberman en reprend les usuels codes, sans forcément marquer le trait, tant ladite menace ne provient pas des autochtones mais du sous-sol. En guise de figures locales, deux personnages masculins se démarquent : le shérif Reston (Peter MacLean) qui reste imperméable aux théories du blanc-bec Mick, qu'il prend vite en grippe, et Roger (R. A. Dow), éleveur de vers, et prétendant secret de Geri, dont le visage subira la voracité des invertébrés rampants (une des scènes marquantes du film dont les maquillages sont signés par un débutant nommé Rick Baker).

 

Jeff Lieberman se fit connaitre par la suite avec Blue Sunshine (1978) et le slasher Just Before Dawn (1981) sans jamais toutefois confirmer ce premier film prometteur.

A (re)découvrir. 



Squirm (La nuit des vers géants) | 1976 | 93 min | 1.85 : 1 | Couleurs 
Réalisation : Jeff Lieberman
Production : George Manasse
Scénario : Jeff Lieberman
Avec : Don Scardino, Patricia Pearcy, R. A. Dow, Jean Sullivan, Peter MacLean, Fran Higgins, William Newman
Musique : Robert Prince
Directeur de la photographie : Joseph Mangine
Montage : Brian Smedley-Aston
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[1] A l'instar de l'affiche du cette fois-ci navrant Blood Beach (1980) de Jeffrey Bloom.

[2] On évoque également la hixploitation, hick pour péquenaud, pour décrire ce genre qui connut son heure de gloire entre les années 1960 et 1980. A lire l'ouvrage de Maxime Lachaud, Redneck movies. Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain, aux éditions Rouge Profond.

2 commentaires:

  1. je suis toujours tenté à la lecture de tes articles, et repoussé par les images qui l'illustrent :)

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    1. J'ai délibérément choisi les rares extraits les plus repoussants, le film joue davantage sur le suspens du fait de son budget limité, il n'a rien de gore, mais il n'en demeure pas moins que la grande scène finale est impressionnante avec ses millions de vers de terre envahissant la maison :-)

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