Voluptueuse Laura (Eva nera) - Joe D'Amato (1976)

Indissociable d'Aristide Massaccesi, plus connu sous le pseudonyme Joe D'Amato, Laura Gemser, avant de devenir l'une des égéries du réalisateur de La nuit fantastique des morts-vivants, fut découverte aux yeux des initiés pour son rôle de masseuse dans la séquelle du long métrage de Just Jaeckin, Emmanuelle: L'antivierge (1975) de Francis Giacobetti. Choisie quasiment dans la foulée pour incarner le personnage qui la rendra célèbre dans le monde entier, la sublime interprète de Black Emanuelle de Bitto Albertini, fut à l'affiche l'année suivante, dans trois films réalisés par Joe D'Amato, marquant ainsi ses débuts auprès du cinéaste transalpin : Vœu de chasteté, le film qui nous intéresse Voluptueuse Laura, et enfin Black Emanuelle en Orient.

Eva (Laura Gemser) débarque à Hong Kong où elle fit la rencontre durant son vol de l'homme d'affaire Jules Carmichael (Gabriele Tinti). Danseuse, elle invite Jules à sa première qui se tient le soir même dans un night-club. Peu enclin à l'accompagner au départ, Judas (Jack Palance) se laisse convaincre par son frère, avant que l'ainé de fratrie tombe sous le charme, subjugué par la performance de la jeune femme, dansant à moitié nue avec un python. Judas l'invite le lendemain à déjeuner dans son restaurant préféré, puis chez lui, où cet homme fortuné lui présente un surprenant marché : sans rien attendre d'Eva, il lui propose de vivre dans son grand appartement et de lui offrir tout ce qu'elle désire...

 

Deuxième long métrage de Laura Gemser sous la direction de Joe D'Amato, après un premier rôle secondaire la même année dans la comédie Vœu de chasteté, d'après un scénario de son complice Luigi Montefiori (George Eastman), avec Jacques Dufilho en grand-père lubrique, Voluptueuse Laura s'inscrit dans le début du cycle érotique 70's du réalisateur, après un déjà fort remarqué Emmanuelle et Françoise l'année précédente [1] coécrit par Bruno Mattei. De cette avant-dernière collaboration entre D'Amato et le futur réalisateur de Virus Cannibale, qui signe cette fois-ci le montage [2], le film remplit à première vue les attentes d'un public bisseux érotomane chauffé à blanc par la présence de la belle Eve noire native de Surabaya. Or c'était mal connaitre la capacité de nuisance de D'Amato, cette Voluptueuse Laura confirmant un peu plus son goût pour le malsain.


Sur les traces d'Emmanuelle et Françoise, le film se distingue dès lors du simple produit softcore par son atmosphère malséante sibylline et la vision pessimiste du cinéaste envers la gent masculine. Produit par la paire Alexander Hacohen et Harry Alan Towers (non crédité), déjà responsable de la fidèle adaptation du classique de Bram Stocker sous la direction de Jess Franco, Les nuits de Dracula, ce long métrage aurait pu, par certains aspects, être également mis en scène par le sadien cinéaste madrilène du fait de son climat ambigu et incestueux, son lesbianisme libertaire et de ses quelques scènes choc. Mieux, grand pourvoyeur d'images prêtes à satisfaire le besoin de voyeurisme du spectateur, D'Amato recycle les recettes éprouvées du Mondo, avec en guise d'amuse-bouche craspec un serpent fraichement préparé et dégusté par Laura Gemser et sa partenaire blonde Michele Starck [3], sans oublier de nous faire découvrir le Hong Kong insolite et les habituelles scènes sexy, du salon de massage au club privé lesbien.


Romance saphique contrariée par de funestes desseins masculins, des pulsions homicides de Jules, interprété par Gabriele Tinti [4], au jeu trouble de Judas, joué par un, une fois n'est pas coutume, sobre Jack Palance alors en pleine période italienne (il tourna l'année précédente avec Joan Collins le western Il richiamo del lupo produit par Alexander Hacohen), Voluptueuse Laura se signale enfin par la photographie soignée d'Aristide Massaccesi.

En attendant la même année, Black Emanuelle en Orient, second volet de la série et premier épisode réalisé par Joe D'Amato.   

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.  




Eva nera (Voluptueuse Laura) | 1976 | 97 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Joe D'Amato
Production : Alexander Hacohen, Harry Alan Towers
Scénario : Aristide Massaccesi
Avec : Jack Palance, Laura Gemser, Gabriele Tinti, Michele Starck, Ziggy Zanger, Guido Mariotti
Musique : Piero Umiliani
Directeur de la photographie : Aristide Massaccesi
Montage : Bruno Mattei ___________________________________________________________________________________________________

[1] Le long métrage a bénéficié fin 2018 d'une édition soignée en Blu-ray de la part du Chat qui fume.

[2] A l'instar d'Aristide Massaccesi qui débuta dans la profession au titre de chef opérateur, Bruno Mattei fit ses premières armes en post-production en qualité de monteur pour de nombreux films d'exploitation dans les années 60 : du péplum au western spaghetti en passant par l'eurospy.

[3] Michele Starck découverte la même année dans le Salon Kity de Tinto Brass et le Laure d'Emmanuelle Arsan avec Annie Belle dans le rôle-titre (coproduction Harry Alan Towers).

[4] Gabriele Tinti, qui épousa Laura Gemser en 1976, autre partenaire indissociable depuis l'originelle Black Emmanuelle de Bitto Albertini, avant Black Emmanuelle en Orient, puis Black Emanuelle en Amérique, Emanuelle chez les cannibales ou Emanuelle et les filles de Madame Claude, chacun de ses films étant mis en scène par Joe D'Amato.

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