Les Prédateurs du futur | Atlantis Interceptors - Ruggero Deodato (1983)

L'histoire est connue. Le cinéma d'exploitation italien connut ses derniers soubresauts au cours des années 80, la première moitié de la décennie s'apparentant, en d'autres termes, à la course contre la mort d'un cinéma populaire à jamais condamné. Trois ans après son film d'horreur La Maison au fond du parc et son controversé Cannibal Holocaust, Ruggero Deodato revenait avec un projet autrement plus fantaisiste. A la croisée des genres et autres resucées des succès étasuniens du moment, le dénommé Atlantis Interceptors s'inscrivait, dès sa sortie, comme le parangon ultime en matière d'hybridation portnawak, à faire passer au hasard Yor, le chasseur du futur d'Antonio Margheriti, sorti la même année, pour un modèle de sobriété. Mais n'allons pas trop vite.

1994, au large des côtes de la Floride, sur une plate-forme océanique, est découverte une mystérieuse tablette, non loin du lieu où avait coulé deux ans plus tôt un sous-marin atomique soviétique. Dépêchée sur les lieux, Kathy Earls (Gioia Scola), spécialiste en civilisation précolombienne, est priée de déchiffrer cette plaque âgée de douze mille ans. Lors du remorquage du sous-marin, l'ensemble des appareils électroniques cessent de fonctionner, quand un raz-de-marée surgit et engloutit la plate-forme, tandis qu'une étrange île semble immerger du fond de l'océan. Non loin de là, Mick (Christopher Connelly) et Washington (Tony King), deux aventuriers qui naviguaient dans les parages recueillent trois survivants, Kathy, le professeur Peter Saunders (George Hilton) et le pilote d'hélicoptère Bill Cook (Ivan Rassimov). Revenus sur la terre ferme, sur l'île de San Pedro, ils découvrent une ville ravagée par un gang, les Interceptors, ou les défenseurs proclamés des secrets de l'Atlantide...
  
Question en préambule : quel est le point commun entre un sous-marin russe, deux mercenaires anciens du Vietnam, un gang de bikers venus du futur et le mythe de l'Atlantide ? La réponse à l'issue des quatre-vingt-douze minutes que durent ces Prédateurs du futur.

 

Archétype du film d'action 80's supra-testostéronée, cette production italo-philippine offre un spectacle d'une variété bis rarement égalée. Écrit par Tito Carpi, secondé par Vincenzo Mannino, responsable du scénario de La Maison au fond du parc, le récit peut se définir comme la synthèse foutraque des précédents scénarios signés par ces artisans du cinéma d'exploitation transalpin. Auteur la même année des scénarios des Nouveaux barbares et de la séquelle des Guerriers du Bronx, Carpi s'écarte des usuelles adaptations post-nuke italiennes [1], héritées des univers dystopiques de John Carpenter et George Miller, en se rappelant au bon souvenir des Aventuriers du cobra d'or, qu'il écrivit pour Antonio Margheriti une année plus tôt. Mieux, sous la forme d'un buddy movie dès ses premières minutes (le duo évoque celui de 48 heures, sorti l'année précédente), le long-métrage, non content de dériver dans le sillage des péripéties des Aventuriers de l'arche perdue, et avant donc de basculer, sans crier gare, dans un post-apocalyptique haut en couleur, flirte avec la science-fiction dans sa dernière demi-heure.

 
 Bruce Baron est Humun... Crystal Skull !

Couvrant à lui seul tout un pan du cinéma bis produit depuis le début de la première moitié des années 80, Atlantis Interceptors s'apparente, on l'aura compris, à un mille-feuille improbable. Multipliant les emprunts (on pense autant à Assaut de John Carpenter qu'à Mad Max 2 quand nos héros se font assiéger par les vils Interceptors, avec en sus un crédit illimité de cocktail molotov), le film ne laisse toutefois le champ libre à aucun temps mort. Interprétés par des vétérans du cinéma d'exploitation italien, de Christopher Connelly, second couteau dans de nombreuses séries US, et connu des initiés pour ses rôles l'année précédente dans Manhattan Baby de Lucio Fulci et Les guerriers du Bronx d'Enzo G. Castellari, à la paire George Hilton et Ivan Rassimov, figures du giallo et du western spaghetti, plus quelques expatriés étasuniens en terre asiatique (Bruce Baron et Mike Monty en tête), les personnages naviguent dans une apparentée bande-dessinée on ne peut plus débridée. Avec un plaisir non dissimulé, chacun joue sa partie, sous la direction de Ruggero Deodato, en qualité de moniteur de colonie de vacances pour grands gamins [2] en terre philippine.

 
 Quand ce qui reste de l'Atlantide ressemble étrangement à la planète Krypton du Superman de Richard Donner

Incohérent de bout en bout, monté en dépit du bon sens, doté d'un budget famélique, et d'effets spéciaux qui ne sont pas en reste (l'engloutissement final de l'île protégée par une cloche à fromage restera dans les annales du genre), nanti enfin d'une mémorable chanson disco Black Inferno [3]Atlantis Interceptors a gagné, au fil des temps, sa place au panthéon des longs métrages les plus délicieusement foutraques.

Un plaisir coupable toujours inédit en Blu-ray.

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.

Verdict du Nanarotron :




Plouf...


I predatori di Atlantide (Les Prédateurs du futur | Atlantis Interceptors) | 1983 | 92 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Ruggero Deodato
Scénario : Tito Carpi & Vincenzo Mannino
Avec : Christopher Connelly, Gioia Scola, Tony King, Stefano Mingardo, Ivan Rassimov, Bruce Barron, George Hilton
Musique : Guido & Maurizio De Angelis
Directeur de la photographie : Roberto D'Ettorre Piazzoli
Montage : Vincenzo Tomassi
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[1] Les guerriers du Bronx d'Enzo G. Castellari, 2019 après la chute de New York de Sergio Martino, 2072, les mercenaires du futur de Lucio Fulci et autres Gladiateur du futur de Joe D'Amato, etc.

[2] En attendant de diriger les frères Paul dans le non moins débridé Les Barbarians !

[3] Composée par Oliver Onions, alias les frères Guido et Maurizio De Angelis, les mêmes qui signèrent la même année la chanson Yor's World qui ouvre Yor, le chasseur du futur ou au hasard la bande originale de 2019 après la chute de New York.

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