Contes immoraux - Walerian Borowczyk (1974)

Premier succès commercial de Walerian Borowczyk en France, Contes immoraux marqua une étape notable dans la filmographie du réalisateur de Goto, l'île d'amour. Sur une idée d'Anatole Dauman, producteur de son premier court métrage français (Les Astronautes) en 1959, celui-ci lui proposa de profiter de l'assouplissement de la censure cinématographique, qui précéda l'élection giscardienne, en mettant en scène son premier long métrage explicitement érotique. Film constitué d'une série de courts métrages ayant le sexe comme sujet central [1], et inspiré sans nul doute par le succès de la « trilogie de la vie » [2] de Pier Paolo Pasolini, Contes immoraux est à considérer avant tout comme le prolongement naturel des thématiques du réalisateur. Débutant par l'une des Maximes de La Rochefoucauld : "L'amour, tout agréable qu'il est, plaît encore plus par les manières dont il se montre que par lui-même", ce film à sketches avait donc vocation à explorer le sexe sous ses aspects les plus subversifs : l'initiation à la fellation d'une jeune cousine, la découverte des plaisirs solitaires d'une jeune fille dévote, le lesbianisme sanglant de la Comtesse Bathory et enfin les relations incestueuses des Borgia (la zoophilie ayant été finalement retirée de la carte des réjouissances, mais n'allons pas trop vite). Auréolé du titre de second film érotique au box-office hexagonal de l'année 1974, loin derrière le phénomène Emmanuelle, Contes immoraux est désormais dans les salles depuis le 24 février dans le cadre de la rétrospective Walerian Borowczyk au Centre Pompidou, et en DVD et Blu-Ray dans le coffret collector [3] sorti le 22 février dernier.

Adaptation de « La marée », d'après le récit homonyme écrit par André Pieyre de Mandiargues dans son recueil Les mascarets, ce premier conte s'ouvre par la citation « Julie, ma cousine, avait seize ans, j'en avais vingt, et cette petite différence d'âge la rendait docile à mes commandements. », ou l'histoire d'André (Fabrice Luchini), qui sous couvert d'expliquer à sa cousine de quatre ans (Lise Danvers) sa cadette le mécanisme des marées, l'initie à l'art de la fellation au rythme de la marée montante sur une plage de Normandie. Premier volet d'un catalogue d'une sexualité transgressive, « La marée » se démarque en premier lieu par le thème récurrent de l'enfermement. Prise au piège par la mer, Julie n'a qu'une seule issue, celle de s'abandonner à la sexualité et savourer le plaisir que lui offre son cousin faussement autoritaire. Une soumission libératrice en quelque sorte.
 

Goto, l'île d'amour - Walerian Borowczyk (1968)

Après s'être fait remarqué en France à partir de la fin des années 50 par ses courts métrages d'animations, dont plusieurs reçurent des prix dans divers festivals internationaux, dont Rosalie lauréat de l'Ours d'Argent à Berlin en 1966, et un premier long métrage d'animation, Théâtre de Monsieur & Madame Kabal en 1967, le polonais Walerian Borowczyk se lançait l'année suivante dans la réalisation de son premier long métrage en prise de vues réelles, Goto, l'île d'amour. Œuvre à l'image de ses précédents métrages, le dénommé Goto se distinguait par sa singularité, tant formelle que thématique, dépassant ainsi la seule critique évidente du totalitarisme (le film fut interdit à la fois par la Pologne communiste et par l'Espagne de Franco). A redécouvrir dans les salles à partir du 24 février en ouverture de la rétrospective Walerian Borowczyk qui se tiendra au Centre Pompidou, et en DVD dans le coffret collector [1] qui sort ce 22 février. 

Condamné à mort pour avoir volé la paire de jumelles du Lieutenant Gono (Jean-Pierre Andréani), Grozo (Guy Saint-Jean) est gracié par Goto III (Pierre Brasseur), gouverneur-dictateur de Goto, île coupée du monde depuis le terrible tremblement de terre de 1887 au cours duquel sa superficie fut réduite à 90 %, et sa population décimée à 99 % dont la famille royale. Désormais préposé au cirage des chaussures du gouverneur et de son épouse Glossia (Ligia Branice), à l'extermination des mouches et au soins du chenil, Grozo ne rêve que de posséder la belle Glossia, mais celle-ci aime Gono...

La Bête - Walerian Borowczyk (1975)

Dans le cadre de la rétrospective Walerian Borowczyk qui se tiendra au Centre Pompidou du 24 février au 19 mars 2017, Carlotta édite le 22 février prochain un coffret collector [1] 8 DVD & 3 Blu-Ray consacré au cinéaste polonais incluant sept longs métrages en version restaurée 2K, réalisés entre 1967 et 1981 : Théâtre de Monsieur & Madame Kabal (avec en sus douze de ses courts métrages, Goto, l'île d’amour, Blanche, Contes Immoraux, Histoire d'un péché, Docteur Jekyll et les femmes et celui qui nous intéresse, La Bête

Sans aucun doute son film le plus scandaleux (il faudra attendre 2001 pour que la censure britannique autorise finalement l'exploitation en salles de la version intégrale) et le plus populaire (ce fut tant un succès critique que commercial en France), La bête faisait suite au virage explicitement érotique de Walerian Borowczyk initié l'année suivante avec le déjà subversif Contes immoraux. Initialement conçu comme cinquième épisode des dits contes sous le nom "La véritable histoire de la Bête du Gévaudan" [2], le volet fut intégré à La Bête sous la forme d'une séquence onirique désormais passée à la postérité. Mais n'allons pas trop vite.

Pierre de l'Espérance (Guy Tréjan) veut redorer le blason de sa famille en mariant son fils Mathurin (Pierre Benedetti) à la jeune et belle Lucy Broadhurst (Lisbeth Hummel), riche héritière américaine. Seule condition exigée par le défunt père de Lucy notifiée dans son testament, l'union doit être célébrée par l'oncle de Pierre, le cardinal Joseph do Balo. Mais les rêves érotiques et bestiaux de la jeune femme inspirée par l'histoire de Romilda de l'Espérance (Sirpa Lane), aïeul de la famille qui aurait eu une relation sexuelle avec une bête deux siècles auparavant, vont ébranler ce mariage arrangé en révélant un terrible secret de famille…
   

Barberousse - Akira Kurosawa (1965)

Deuxième volet de sa trilogie dite « de la misère », après Les Bas-Fonds (1957) et avant Dodes'ka-den (1970), Barberousse signe la fin de la collaboration entre Akira Kurosawa et son acteur fétiche Toshirô Mifune, long métrage pour lequel Mifune remporta la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la Mostra, quatre années après sa première récompense à Venise en 1961 pour Yojimbo également réalisé par Kurosawa. Adaptation du roman éponyme de l'écrivain Shûgorô Yamamoto [1] et de Humiliés et offensés de l'écrivain russe Dostoïevski, ou l'une des influences majeures du cinéaste japonais, Barberousse parachève la fin d'un cycle initié vingt ans auparavant, le film marquant l'arrêt d'une période d'intense productivité pour Akira Kurosawa, le réalisateur japonais tournant quasiment au rythme d'un film par an depuis La Légende du grand judo en 1943 (vingt-quatre films en vingt-deux ans). A (re)découvrir dans les salles en copie restaurée depuis le 25 janvier.    

Tokyo, quartier de Koishikawa, début du 19ème siècle. Le jeune docteur Noboru Yasumoto (Yûzô Kayama) vient de finir de brillantes études de médecine dans une école hollandaise à Nagasaki, et se prépare à être affecté au poste prestigieux de médecin personnel du Shogun. Contre toute attente, il est nommé dans un dispensaire d'un quartier défavorisé de la capitale tenu par le docteur Kyojio Niide (Toshirô Mifune), surnommé Barberousse à cause de la couleur de sa barbe. Se sentant rabaissé, Yasumoto refuse dans un premier temps d'exercer la médecine dans l'espoir d'être renvoyé. Mais la personnalité de Barberousse, un homme à l'apparence sévère mais plein de compassion et entièrement dévoué à ses patients, et les patients qu'il va croiser, tous victimes de la misère sociale et humaine, lui ouvrent les yeux et remettent en question ses aspirations et sa responsabilité de médecin...

La forteresse cachée - Akira Kurosawa (1958)

Dans le cadre de la seconde rétrospective [1] consacrée à Akira Kurosawa débutée le 25 janvier dernier, il est désormais possible de (re)voir sur grand écran en copie restaurée La forteresse cachée, premier film au format panoramique du cinéaste, et lauréat de l'Ours d'argent du meilleur réalisateur au festival de Berlin en 1959. Succès critique et populaire lors de sa sortie, le film laissait le cinéaste quitter momentanément l'univers sombre et pessimiste de ses précédentes adaptations qui lui valurent des échecs commerciaux, Le château de l'araignée et Les Bas-Fonds [2], pour aborder un sujet plus léger et à grand spectacle de son propre aveu. D'une histoire originale se situant dans le Japon féodal du 16ème siècle, La forteresse cachée eut un impact notable sur le cinéma mondial tant sa réalisation et le traitement de son sujet étaient novateurs, une influence qui dépassa les frontières et les époques, à l'instar d'un certain George Lucas qui s'en inspira pour créer sa trilogie Star Wars. A (re)découvrir.
 
Japon, 16ème siècle. La guerre opposant les clans Yamana et Akizuki s'est conclue par la défaite de ce dernier. Tahei (Minoru Chiaki) et Matashichi (Kamatari Fujiwara), deux paysans pauvres et querelleurs cherchent à contourner la ligne de front pour retourner chez eux. Après s'être échappés du château des Akizuki où ils étaient emprisonnés et forcés à retrouver le trésor de 5 000 pièces d'or du clan vaincu, les deux hommes découvrent dans une rivière un morceau d'or dans une branche d'arbre. Peu de temps après, ils font la rencontre d'un homme dont ils ignorent la véritable identité, qui n'est autre que le général Rokurota Makabe (Toshirô Mifune), l'un des derniers survivants des Akizuki, et en charge de la protection de la Princesse Yuki Akizuki (Misa Uehara), héritière du clan...