Cronico Ritretto : Y'aura t'il de la neige à Noël ? - Sandrine Veysset (1996)

Prix Louis Delluc 1996 [1], le premier film de Sandrine Veysset, Y'aura t'il de la neige à Noël ?, fit figure d'OFNI lors de sa sortie en décembre de la même année. Produit par Humbert Balsan, ce long métrage dépasse le simple cadre de la chronique rurale durant les années 70. Du quotidien d'une famille d'agriculteurs maraîchers dans le Sud de la France, inspiré par les souvenirs de jeunesse de la réalisatrice, Y'aura t'il s'en écarte à dessein pour mieux plonger dans l'univers du conte à travers le portait, au fil des saisons, de cette mère et de ses sept enfants. Atypique, rare, le film a bénéficié d'une nouvelle restauration 4K supervisée et approuvée par Sandrine Veysset, et est désormais disponible depuis le 2 décembre en Blu-Ray et DVD collector.
  
Dans une ferme provençale, une mère (Dominique Reymond) élève ses sept enfants en dépit d'un travail dur et d'une vie rude. Au mieux absent quand il n'est pas avec sa seconde et légitime famille, le père (Daniel Duval), patriarche à l'ancienne, autoritaire et violent, y fait régner une discipline de fer. Rythmé au gré des saisons et du travail de la terre, le quotidien de la famille n'a pour seule issue que l'amour protecteur et dévoué de cette mère courage, avant qu'un événement tragique ne laisse place au désenchantement...
 
 
    
Filmé dans des conditions proches du documentaire, cette fiction semi-autobiographique s'impose d'elle-même comme un œuvre forte, tant par ces choix formelles affirmés que par son histoire empreinte d'une ruralité brute. Faisant preuve d'une véritable compassion et d'une tendresse pour ses personnages, Sandrine Veysset dresse le portrait d'une vie agricole, certes ingrate, mais émaillée de scènes de vie de famille, tout à tour intimistes et bouleversantes, quand celles-ci ne s'assombrissent pas l'ombre de cet ogre paternel envahissant et tyrannique. 

Tourné en 16 mm, la beauté de Y'aura t'il de la neige à Noël ? réside dans son apparente simplicité. Réaliste, vierge d'une quelconque influence formelle cinématographique, la photographie du film puise sa source dans les souvenirs de la réalisatrice et de ses photos de familles, celle-ci se rapprochant au départ du rouge et du jaune, caractéristiques des photographies surexposées estivales. Puis, les couleurs s'éteignent à mesure, donnant à l'image un effet délavé évoquant autant le passage à l'automne que les désillusions prochaines. 

Porté par un casting proche de la perfection, du couple aux enfants d'un naturel confondant, ce premier long métrage esquive avec justesse tout pathos ou mélo. Dans son rôle de mère digne, attaché à cet homme qu'elle a aimé, Dominique Reymond offre une interprétation saisissante, en parfait échange avec un Daniel Duval tout autant séducteur que méprisable [2].

En aparté, le DVD offre deux suppléments appréciables: le premier intitulé Tout en liberté, où Sandrine Veysset et la chef-opératrice Hélène Louvart évoquent le tournage, le second Terre-Mère-Amour, où Dominique Reymond se remémore ses premiers pas de comédienne au cinéma.

Un classique.




Crédits photos: © 1996 OGNON PICTURES © 2008 KSAND FILMS. Tous droits réservés.
  
  
Y'aura t'il de la neige à Noël ? | 1996 | 91 min
Réalisation : Sandrine Veysset
Production : Humbert Balsan
Scénario : Sandrine Veysset
Avec : Dominique Reymond, Daniel Duval
Musique : Henri Ancillotti
Image : Hélène Louvart
Montage : Nelly Quettier
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[1] Plus un César de la meilleure première œuvre l'année suivante.

[2] Un Duval offrant une variation rurale et vieille France de ses précédents rôles dans la lignée de celui de La débandade mis en scène par lui-même.

3 commentaires:

  1. Un film unique à découvrir absolument ! J'ai été saisie par l'impression étrange que je "voyais" mes propres souvenirs d'enfance immortalisés par les films super 8 de mon oncle aux images toujours surexposées, où l'on y aperçoit les enfants jouant l'été dans les granges de foin gorgé de soleil et où l'on goûte les fruits cueillis à même les arbres... MAGNIFIQUE !

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  2. Un peu pareil. Sans l'avoir revu depuis, je l'avais découvert avec bonheur au temps de sa sortie et je retrouvais l'ambiance de mes vacances d'enfance en Provence (du côté de Cavaillon pour être précis). Ca me semble très juste cette idée de la forme qui ramène à ce type de souvenirs, les super 8 en particulier. Du coup, j'aimerais bien le revoir :)

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  3. Oui je vois que ceux qui ont eu la chance de passer leurs enfances ou vacances au dessus de la Loire, le film leur évoque des souvenirs :-)

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