Laserblast - Michael Rae (1978)

Seule et unique réalisation de Michael Rae, Laserblast traîne dans son pays d'origine la peu envieuse réputation d'être l'un des pires long métrages produits sur le sol étasunien, qui plus est depuis sa diffusion en 1996 dans l'émission culte outre-Atlantique  Mystery Science Theater 3000, cette dernière ayant placé le dit long métrage à la sixième position du palmarès de leurs plus mauvais films [1]. A noter que si Laserblast sauve d’une certaine manière les meubles en étant placé dans cette liste derrière Manos the Hands of Fate, l'absence remarquée d'Hobgoblins indiquerait par conséquent un niveau de déviance et de portnawak exceptionnel. Sans en dévoiler davantage, notons dès à présent que le préposé à la chronique se garderait bien, après visionnage, de situer Laserblast à un tel degré. La déviance a ses raisons, que la raison ignore…

Billy Duncan (Kim Milford) est un jeune homme timoré dont la vie apporte peu de moments réjouissants. Habitant seul avec sa mère, celle-ci le quitte une fois de plus pour aller à Acapulco ; s'ajoute à cet abandon maternel somme tout relatif (à constater sa déception et compte tenu de son âge, on en vient à s'interroger sur la véritable nature de sa relation avec sa mère…), sa disposition à être le souffre-douleur de ce que compte de plus plouc sa communauté : le verbalisateur précoce de contraventions et adjoint du shérif, le bedonnant Pete Ungar (Dennis Burkley), et l'improbable duo redneck personnifié par le rebelle post-néandertalien Chuck (Mike Bobenko) et son faire-valoir Froggy (Eddie Deezen), qui tenteront rien de moins que de violer sa petite amie Kathy (Cheryl Smith) lors d'une fête. Face à cet environnement hostile et l'apathie quasi pathologique de Billy (même le grand-père sénile de Kathy, incarné par Keenan Wynn, le ridiculise), celui-ci soigne son mal-être à travers la solitude et la quiétude que peut lui apporter le désert californien. Or un jour, il y fait une découverte qui changera radicalement son existence : un fusil laser d'origine extra-terrestre. Une fois passé le temps de l'enthousiasme enfantin à grand renfort de « pa pa pow ! » plus explosion de cactus, l'heure de la revanche a désormais sonné. Mais ce que Billy ignore, c'est que cette arme et le collier qui l'accompagne vont le transformer à mesure en alien, jusqu'à prendre possession totalement de lui.

 

De ce point de départ qui évoque le précédent succès critique et public de Brian De Palma, son adaptation de Carrie de Stephen King, en remplaçant de manière opportuniste les pouvoirs psychokinétiques de son héroïne par une arme futuriste tout droit sortie d'un space opera, le scénario de Franne Schacht et Frank Ray Perilli n'échappe nullement aux récurrentes faiblesses des productions à faible budget, qui écumèrent les drive-in et autres salles de quartier. De ce duo passé maître dans l'art de l'ellipse, dans la multiplication des clichés et autres pistes scénaristiques non exploitées (à chacun de faire son choix), il sera alors demandé aux spectateurs de ne prêter guère attention aux incohérences et manquements du récit. L'intervention en préambule des deux aliens reptiliens pourra ainsi en laisser plus d'un perplexe. Après avoir éliminé le vilain humanoïde qui les tenait en joue avec son laserblast dans le désert, nos deux voyageurs interstellaires ne trouvèrent en effet rien de mieux que de rejoindre l'espace sans prendre soin de récupérer l'arme. Il faudra ainsi attendre la moitié du film et l'intervention d'un supérieur, par écran interposé, pour leur rappeler que leur négligence est responsable de la mutation verdâtre d'un autochtone qui tire maintenant joyeusement sur tout ce qui roule (oui, les premières et principales victimes de Billy sont des voitures). Quant à l'intervention de l'agent du gouvernement, Tony Craig (Gianni Russo), costume trois pièces, lunettes de soleil avec berline noire et vitres teintées en sus, sa clairvoyance n'a d'égale que son inefficacité !


Connue comme étant l'une des premières productions de Charles Band et de J. Larry Carroll, Band à l'instar de son père, Albert, connaîtra une carrière riche de producteur dans le bis, tandis que le second deviendra par la suite scénariste à succès pour la télévision à partir des 80's, Laserblast se distingue également par la présence de plusieurs techniciens débutants à l'avenir prometteur : des maquillages signés par la paire Steve et Ve Neill [2], une animation en stop-motion conçue par David Allen (Ghostbusters II, Willow) et Jon Berg (Star Wars, The Empire Strikes Back), et réalisée par Randall William Cook (The Gate, Le seigneur des anneaux) et David Allen, une navette spatiale créée par Gregory Jein (1941, Star Trek, le film) et une musique composée par Richard Band, frère de Charles et fils d'Albert, (Re-Animator, From Beyond) et Joel Goldsmith (la série Stargate et ses spin-off). Aux plus magnanimes de considérer dès lors ce Laserblast comme un essai, et aux autres de le voir au contraire comme un brouillon. Une affaire de choix en somme.


Côté distribution, du jeune duo d'interprètes, Kim Milford et Cheryl Smith, faisons peu d'échos et soulignons que Laserblast est le premier métrage de monsieur Eddie Deezen (Grease, 1941, Magnum, L'homme qui tombe à pic), soit celui qui incarna au mieux le nerd made in 80's. Enfin comme souvent dans ce genre de production, le film n'hésite pas à recourir à d'anciennes gloires du cinéma. A ce titre, Roddy McDowall incarne à merveille (?) l'acteur venu cachetonner le temps de trois malheureuses scènes, cinq minutes montre en main, avant que son personnage de médecin ne se fasse, ou plutôt sa voiture (pour rappel), explosé [3] par un Billy possédé et belliqueux (absurdité de la vie, cruauté des scénaristes, ce bon docteur enquêtait pourtant sur le mal étrange dont souffrait Billy).

 

En dépit des aspects négatifs cités plus haut, Laserblast s'inscrit parfaitement dans la production bis des années 70. A considérer davantage comme un petit film naïvement maladroit à l'image de ses aliens reptiliens qu'un véritable nanar. Et puis, un film dont le héros détruit un encart publicitaire pour Star Wars avant d'enfumer un hippie peut-il être fondamentalement mauvais ?

En bonus : Quelques gifs du film sur notre tumblr.





Laserblast | 1978 | 85 min
Réalisation : Michael Rae
Production : Charles Band, J. Larry Carroll 
Scénario : Franne Schacht et Frank Ray Perilli
Avec : Kim Milford, Cheryl Smith, Gianni Russo, Ron Masak, Dennis Burkley, Eddie Deezen, Keenan Wynn, Roddy McDowall
Musique : Richard Band, Joel Goldsmith
Directeur de la photographie : Terry Bowen
Montage : Jodie Copelan
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[1] Ghostbusters, Vampire, vous avez dit vampire?, Star trek VI - Terre inconnue

[2] Elle reçut trois oscars pour Beetlejuice, Mrs. Doubtfire et Ed Wood.

[3] A en compter le nombre et avec quelle application elles sont filmés au ralenti, les explosions et les cascades automobiles représentent au moins le quart du budget du film !

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