Cronico Ristretto : Jodis / John Coltrane / Rakim


L'année 2012 aura été riche pour Aaron Turner et son ancien groupe moribond Isis : une compilation, Temporal, contenant diverses démos et autres versions alternatives, et un disque live, le sixième du nom, Live VI, sorti uniquement en vinyle avec des enregistrements datant de la tournée de l'avant dernier album studio In the Absence of Truth. Ajoutons à cette actualité passéiste également (et surtout) quatre albums en 2012 via ses nombreux side-projects : No de Old Man Gloom, l'éponyme de Split Cranium, le split de Mamiffer et Locrian Bless Them That Curse You et enfin Black Curtain de Jodis, en somme une production débordante où l'ancien frontman d'Isis donne libre court à ses nombreuses envies.

Grand amateur de sludge, d'ambient, ou de drone, Turner, à travers par exemple sa plus célèbre formation, a toujours su faire preuve d'un esprit des plus ouverts, faisant le pont entre riff metal et ambiances éthérés. A ce titre, ce Black Curtain est sans conteste sinon une version jusqu'au boutiste, tout du moins un mélange des genres évidents : synthétiser dans un même disque deux influences manifestes du mouvement post-rock et metal : le Talk Talk de Spirit of Eden et Jesu de Justin Broadrick. Formé de Turner au chant, de James Plotkin et de Tim Wyskida (tout deux ex-guitariste et batteur de Khanate), le trio explore de nouveau après l'album précédent Secret House (2009) une idée du minimalisme sonique, entre mur du son heavy et harmonie vocale. Répétitif lors des premières écoutes, Black Curtain mérite bien quelques efforts.

En écoute sur Bandcamp.


Lorsque Coltrane signa pour le label Impulse! en 1961, ce dernier avait déjà la réputation d'être l'un des ténors les plus hargneux du jazz ; un bouillant jeune homme de 35 ans à l'extérieur cachant (paradoxalement) un des jazzmen les plus calmes selon le critique Gene Lees. Enregistré entre décembre 1961 avec Reggie Workman (It's Easy to Remember) et novembre 1962 (le reste de l'album), Ballads n'annonce pas encore les oeuvres les plus controversés de son auteur. Sorti quelques mois après l'éponyme Coltrane, premier disque studio de Trane pour le label de Creed Taylor, ce recueil de huit standards n'en demeurent pas moins sujet à discussion. Taxé d'album facile, compromis commercial pour d'autres, Ballads a également le « désavantage » d'être le premier disque d'une série de trois albums « grand public » du souffleur : viendront l'année suivant son duo avec le crooner Johnny Hartman, puis celui avec le maître Duke Ellington. Cinquante ans après, ces reproches font sourire tant Trane aura su par la suite transcender sa musique jusqu'à un point de quasi non retour (Interstellar Space par exemple).

Si prévisibles sont-elles, ces ballades (enregistrées pour la plupart en une seule fois) offrent au contraire au quartet de Coltrane de nouveaux horizons mélodiques, et un contre point idéal pour l'auditeur avant les brûlots dénommés Ascension ou Meditations



Premier album solo après une pause plus ou moins forcée, coïncidant avec sa séparation d'Eric B, puis suivi d'un procès à la clef contre son ancien partenaire et son ancienne maison de disque MCA, The 18th Letter sonna enfin le retour du chantre du cool flow, Rakim, en 1997. Cinq ans après Don't Sweat the Technique, et dix ans après Paid in Full, les attentes cédèrent vite aux interrogations. Nombres de ses pairs eighties ayant (plutôt) mal amorcés le virage de la nouvelle décennie (Run-D.M.C.), la réussite d'un tel retour était loin d'être couronnée de succès. Mais c'était sans doute mal connaitre l'un des MCs les plus influents de sa génération.

Entouré à la production de DJ Premier, Clark Kent et Pete Rock (producteur du fameux The Low End Theory d'A Tribe Called Quest), Rakim n'a rien perdu de sa technique, apportant un regain de dynamisme et d'énergie à son flow si caractéristique. Disque versatile, oscillant entre le passé (avec l'ancien DJ Gang Starr aux manettes) sur It's Been a Long Time ou New York (Ya Out There) et la modernité (1), The 18th Letter se conclut par le très Rootsien When I'm Flowin'. Succès commercial, celui-ci fut suivi en 1999 par The Master.


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(1) Avec néanmoins un bémol sur la pertinence des choeurs féminins (Stay a While).

2 commentaires:

  1. Ah bah très bien ça, j'ai repéré un disquaire à vinyls de seconde main juste à cote de mon centre de formation... et comme j'ai décidé de ne plus acheté que du bebop/cool jazz/ hard bop/free jazz ce Coltrane sera très bien dans ma collec

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    1. Oui moi aussi, hier je me suis dit, qu'il serait bon d'agrémenter ma collection vinyle d'un autre Thelonious ;-)
      Quant à Ballads, oui des vinyles de seconde main, car pas sûr qu'il ait été réédité celui-ci

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