Tentacules (Tentacoli) - Ovidio G. Assonitis (1977)

Le cas du réalisateur et producteur Ovidio Assonitis avait déjà été traité par le passé. Co-géniteur du hautement nanar Piranha II en 1981 [1], l'italien n'en restait pas moins au début de la décennie déjà responsable de plusieurs autres films tout aussi navrants, dont le point commun était l'opportunisme assumé de son créateur. Exploitant sans vergogne les récents succès hollywoodiens, Assonitis se fit connaitre mondialement en 1974 par sa première réalisation Beyond the Door (Le démon aux tripes) où ce dernier pompait allègrement le célèbre Exorciste de William Friedkin [2]. Trois années plus tard, l'odeur de soufre satanique cédant sa place à une horreur plus iodée cette fois-ci, le producteur né à Alexandrie revient sur le devant de la scène avec un casting géronto-étasunien, et une menace marinière prenant la forme non pas d'un Carcharodon carcharias mais d'une pieuvre géante dans (le mal nommé) Tentacules [3]...

La disparition d'un bébé, puis celle d'un vieux loup de mer nettoyant le pont de son trimaran laissent perplexe le sheriff Robards (Claude Akins) et le reporter Ned Turner (John Huston). La dernière victime, rongée jusqu'à la moelle et réduite à l'état de squelette, n'apporte aucun indice pouvant expliquer ce carnage ; nul animal connu ne pouvant réduire l'être humain à un tel état. Mais Turner trouve rapidement le coupable en la personne de monsieur Whitehead (Henry Fonda), président de la Trojan. Cette société, en charge de la construction d'un tunnel sous-marin voisin des lieux des drames, semble en effet rester bien mystérieuse et sa responsabilité apparaît de plus en plus évidente à mesure des récentes découvertes macabres. Or ces terribles évènements coïncident avec la régate à laquelle participe de nombreux enfants, dont Tommy, fils de Tillie Turner (Shelley Winters), et neveu de Ned...

 
 Et pendant ce temps, Henry Fonda lit son journal, boit son thé, et répond au téléphone ...

En préambule, les plus magnanimes auraient sans doute pu se réjouir d'un point que le blockbuster de Spielberg n'aborde pas pour quelques raisons honteuses et obscures. Le scénario du trio Carabatsos, Carpi et Max prend ainsi des risques inconsidérés en osant à la fois proposer une explication « rationnelle » à l'irruption vengeresse de l'animal marin, et pointer du doigt les vils procédés des grands industriels. De même, le récit évite soigneusement de resservir à l'assistance un vulgaire et simple requin tueur [4], pour mieux faire revivre la légende du terrible Kraken, à ceci près qu'il aurait fallu que ce soit un calmar géant, nous souffle de nouveau l'amical du poulpe... 

Mais Tentacules serait aussi (et surtout ?) la somme de multiples incompétences techniques et de fautes artistiques graves. Si l'affirmation peut difficilement être contestée dans son ensemble, le souvenir, et fait à retenir en premier lieu, serait plutôt celui d'être l'un des thrillers les plus ennuyeux jamais vu, le manque d'action prévalant sur le ridicule des situations [5].

 
   Maquette, mannequins et incrustation foireuse sont les trois mamelles qui mènent à la réussite nanar...

Cependant comme le laisse remarquer les captures d'écran ci-dessus, le long métrage d'Assonitis sort par moment de sa torpeur le spectateur, en le gratifiant de ses plus beaux apparaux spéciaux ; FX souffrant cruellement de la comparaison avec son aîné de vingt-trois ans (?!), le célèbre combat des hommes du Nautilus contre le calmar géant dans le Vingt mille lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer apportant ainsi un coup de grâce final. Donc la timidité manifeste du céphalopode durant tout le film devient dès lors plus compréhensible. Au réalisateur italien d'incruster avec parcimonie quelques gros plans d'une pieuvre de taille normale en guise de diversion (avec attaque de maquette en balsa en sus), la tentation de rendre hommage à la créature de Bride of the Monster d'Ed Wood n'étant malheureusement pas prévu dans le cahier des charges du métrage.

Parmi la galerie des célébrités américaines conviées (à financer leurs futurs frais en gériatrie), le seul à garder encore une crédibilité, est sans conteste John Huston, où sa prestation peut être résumée par cette devise : « je suis prêt à jouer tout et n'importe quoi si cela peut aider à financer ma prochaine réalisation », soit le méconnu et estimable Wise Blood (Le malin) avec Brad Dourif. Quant à la paire Henry Fonda et Shelley Winters, autant le premier offre le strict minimum syndical, poursuivant bon an mal an ses brèves apparitions dans divers thrillers horrifiques à la fin des 70's [6], autant la seconde surjoue frénétiquement, avec en point d'orgue la désormais célèbre scène du talkie-walkie où son personnage tente de communiquer avec son fils tandis que lui et ses petits camarades se font boulotter par le poulpe géant...

 
 
La bête et Shelley Winters, tous deux en mode action frénétique : « Tommy ?!! »

Mise en musique par un spécialiste du genre ultra bisseux, la bande originale  de Stelvio Cipriani (Le grand alligator, L'avion de l'apocalypse ou Piranha II) marque suffisamment les esprits par son utilisation du clavecin rythmé au son du funk de supermarché ; un décalage nocif pour les nerfs du spectateur mais ayant l'avantage d'égayer les nombreuses scènes au suspense poussif.

En dépit de scènes aquatiques très bien filmés, de s'être fait piqué l'idée de la régate adolescente par Jaws 2 [7], Tentacules n'en reste pas moins un morne mauvais film sympathique. Mou du poulpe, le film d'Ovidio G. Assonitis manquait peut être justement de requin, ce que The Asylum comprit plusieurs décennies après avec Mega Shark Vs. Giant Octopus.

En attendant 1979 The Visitor (Stridulum) produit par Assonitis avec de nouveau la paire Huston / Winters, l'inénarrable Mel Ferrer, Glenn Ford, un débutant nommé Lance Henriksen et Sam Peckinpah !

Verdict du Nanarotron :

Bande-annonce originale

Remix d'Orgasmo Sonore

Tentacules (Tentacoli - Tentacles) | 1977 | 102 min
Réalisation : Ovidio G. Assonitis
Scénario : Steven W. Carabatsos, Tito Carpi, Jerome Max
Avec : John Huston, Shelley Winters, Bo Hopkins, Henry Fonda, Delia Boccardo
Musique : Stelvio Cipriani
Directeur de la photographie : Roberto D'Ettorre Piazzoli
Montage : Angelo Curi
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[1] En collaboration avec le promoteur du désormais fameux « pantalon pipi ».

[2] La Warner bros. intenta bien un procès à l'italien pour non respect des lois du copyright, la major américaine appréciant modérément le petit succès commercial de Beyond the door. Mais l'action en justice se solda par un échec, ouvrant dès lors la voie à une ribambelle de versions italiennes du classique friedkinien, et confortant surtout Assonitis dans sa « méthode ».

[3] Car les amis du poulpe vous rétorqueront que le céphalopode n'a point de tentacules, contrairement à son cousin le calmar, mais des bras !

[4] A l'opposé du mexicain René Cardona Jr et son Dents d'acier (¡Tintorera!) sorti également en 1977.

[5] Oui prétendre cela en affichant les trois captures d'écran en dessous décrédibilise quelque peu le propos du préposé...

[6] En 1977, Rollercoaster (Le toboggan de la mort), en 1978 The Swarm (L'inévitable catastrophe), et en 1979 dans le rôle du président des USA Meteor (avec Sean Connery).

[7] La boucle est bouclée pour Assonitis, Hollywood lui subtilise ses idées... on peut même s'interroger si la scène finale du film (avec Orques-gants de toilette en prime) n'a pas inspiré également Orca sorti en 1978 tout comme la séquelle de Jaws

2 commentaires:

  1. Très belle chronique l'ami, j'apprécie vraiment du bon boulot.!! ;)

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    1. Merci l'ami ;-)
      Nanar méconnu à faire connaitre !!! :-P

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