Je suis une nymphomane - Max Pécas (1971)

Sévissant chaque été sur les chaines hertziennes, avant d'être bassement reléguée sur le câble, l'œuvre de Max Pécas n'en reste pas moins dramatiquement méconnue du grand public. Pouf pouf. N'est-il pas regrettable que seuls les amateurs des dernières gaudrioles (Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu ou encore On se calme et on boit frais à Saint-Tropez) aient l'unique droit de se repaître du talent bancal et racoleur de ce maître es navet ? Car vous qui lisez ces quelques lignes, sachez bien que tout un pan de sa filmographie reste (encore) à découvrir. Et réduire l'art de Pécas aux seules comédies navrantes réalisées lors de ses dix dernières années d'activité [1] pourrait facilement être considéré comme un crime de lèse-majesté pour l'apprenti.e-déviant.e (ou curieu.x.se de passage). Fidèles (ou non) des saillies cinématographiques faussement branchées (à St Tropez ou d'ailleurs), il est dès lors grand temps de corriger cette erreur en visionnant Je suis une nymphomane, et réparer par conséquent ces décennies d'offense oublieuse des vilains et autres cuistres diffuseurs télévisuels. Encore que... mais n'allons pas trop vite.

Coécrit par le futur pornocrate Claude Mulot [2] (Le sexe qui parle, La grande baise, La femme objet), Je suis une nymphomane appartient à la deuxième période du cinéaste (et vuiii...) : celle du cinéma érotique. Max Pécas mué par la libéralisation des mœurs abandonne ainsi l'art délicat du polar sexy, pour basculer vers le cinéma d'exploitation post-68 ; avant une brève incursion dans la pornographie (Rêves pornos, Luxure, Les Mille et une perversions de Felicia) et de « gravir les sommets » du box-office qu'on lui connait avec Marche pas sur mes lacets en 1977.

 
 « Et c'est ici que pour la première fois je ressentis les premiers symptômes de la honteuse maladie qui allait bouleverser ma vie »

Carole (Sandra Julien), jeune secrétaire de Menton, vit encore chez ses parents. Son éducation rigide lui fait refuser les avances de son fiancé Eric... jusqu'au jour où la demoiselle tombe malencontreusement dans l'ascenseur. Le choc est brutal. Carole est devenue nymphomane (?!!). Ne contrôlant plus ses sens, la jeune femme devient rapidement la victime de ses propres désirs. Surprise nue à son travail avec le neveu de son patron, Carole perd son fiancé, son emploi et finie répudiée par son père. Devenue persona non grata, Carole quitte sa Provence pour Paris où un poste de vendeuse lui est proposée dans la boutique de la sœur de son ancien patron (Janine Reynaud), qui se trouve être, elle et son amant (Michel Lemoine), des libertins...

Aperçue dans Le frisson des vampires de Jean Rollin, Sandra Julien débuta avec ce long métrage sa courte carrière internationale dans l'érotisme en 1971 ; l'interprète d'Isa tourna en effet au Japon avec l'icône Pinku Reiko Ike [3] dans Gendai porno-den: senten-sei inpu (Modern Porno Tale : Inherited Sex Mania), puis l'année suivante Tokugawa sekkusu kinshi-rei: shikijô daimyô (Caresses sous un kimono). Autre point d'accroche pouvant susciter l'intérêt des initié.e.s, la présence de Janine Reynaud, bien connue du public francien pour son rôle dans le Necronomicon (Succubus - Les yeux verts du diable) de Jesús Franco, et pour l'anecdote ex-compagne de Michel Lemoine [4] ; le couple aura tourné ensemble moult métrages de et avec monsieur (Les chiennes, la comédie navrante Tire pas sur mon collant ou encore Frustration signé José Bénazéraf). En conclusion, le seul véritable intérêt du film serait son casting ? Pas loin...

 
 « Et tout allât de mal en pis. Très vite, tout deux se dénudèrent et je me laissais faire.
Incapable de résister, déchirée entre la honte et le désir qui grandissait en moi... » 

Réalisé par Max Pécas, quelques mots qui en disent long. Si le cinéaste n'a pas encore vocation à verser dans le graveleux ou le lourdingue contrairement à la décennie suivante, le cinéma de charme vu par Pécas apparaît bien vite comme démodé dès 1971, enquillant les clichés du roman-photo et les dialogues ampoulés (sans compter les longs monologues récités d'une voix morne par l'héroïne : « lassée de ces dépravations, j'errais dans les rues de Paris. Je n'en pouvais plus, je me sentais seule. Dégoûtée, malade, nymphomane »). Interprétation hasardeuse, scénario prétexte à encanailler le patriarche, le film connaîtra néanmoins un certain succès puisque Pécas et son actrice tourneront l'année suivante le dénommé Je suis frigide... pourquoi ?

Je suis une nymphomane ou l'illustration d'un concept oxymorique des plus rares « le film érotique Pompidolien ».


En bonus un petit caméo de Max Pécas

Je suis une nymphomane | 1971 | 91 min
Réalisation : Max Pécas
Scénario : Claude Mulot, Max Pécas
Avec : Sandra Julien, Janine Reynaud, Yves Vincent, Patrick Verde, Michel Lemoine
Musique : Derry Hall
Directeur de la photographie : Robert Lefebvre
Montage : Michel Pécas
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[1] Affirmation à relativiser puisque Pécas réalisa en 1985 le crapoteux et violent film noir / policier Brigade des mœurs (à ne pas confondre avec Police des mœurs / Les filles de St Tropez sorti deux ans plus tard).

[2] Et auteur comme nombre de ses pairs d'une comédie navrante en 1974 nommée Y'a pas de mal à se faire du bien (C'est jeune et ça sait tout !) avec le trio magique Jean Lefebvre, Michel Galabru et Darry Cowl.

[3] Les habitués du RHCS se souviendront émus de l'extrait sonore et de la pochette du premier album de la belle Reiko lors des funky front covers de Noël dernier.

[4] Rappel. Si Michel Lemoine joua également dans ce film de Franco, celui-ci eut lui aussi une carrière prolifique dans le cinéma pornographique sous les pseudonymes Michel Leblanc / John Armando (Langues profondes, Viens, je suis chaude) tout en réalisant l'estimable mauvais film sympathique horrifique Les weekends maléfiques du Comte Zaroff (1976).

2 commentaires:

  1. Bon ben puique demandé si gentiment, je dois dire que je préfère les pornos français des 70's voire les Jean Rollin version vampire, aux errance érotique mollasonne, mais je jeterai un oeil à cette péloche si je tombe dessus

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    1. Vous avez tort chère Diane de ne pas succomber immédiatement au charme suranné de cet érotique de droite :-D

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