Lulu - Lou Reed & Metallica (2011)

L'annonce ressemblait à un poisson d'avril. Mais la saison des canulars printaniers n'étaient plus d'actualité. Lou Reed et Metallica collaboraient à un album commun. De quoi attiser la curiosité du badaud ? Du préposé, pas vraiment, tant le dernier The Raven de papy Reed avait refroidi l'enthousiasme suscité par l'excellent Ecstasy (2000). Et un intérêt d'autant plus relatif à l'écoute de la dernière livraison des four horsemen (comme on dit dans le milieu), Death Magnetic, qui tentait de revenir vainement au thrash de leurs jeunes années. Bref, à part être attiré par une curiosité malsaine et morbide, la sortie de Lulu n'allait aucunement bouleversé le quotidien des amateurs de musique. Or c'était oublier un peu vite le goût pour la viande faisandée qui anime le RHCS.

Promis en quelque sorte comme le chaînon manquant entre le lourdingue Berlin (1973) et le heavy Master of Puppets (1986), Lulu pouvait-il dans ce cas susciter un quelconque regain d'intérêt ? Sur le papier, le doute restait de mise, mais en bon charognard, la chronique d'une catastrophe annoncée devenait trop tentante, la date de sortie du délit méritait donc d'être notée quelque part... le 31 Octobre 2011. Inspiré par deux pièces de théâtre écrites par l'Allemand Frank Wedekind, l'album du quintette (accompagné d'un ensemble à cordes) se décompose [1] en deux disques d'une quarantaine de minutes pour dix chansons au total : faites le calcul, gare à l'indigestion...

Mais à qui s'adresse dès lors ce Lulu ? Pas aux fans de Lou Reed, ce dernier dans un élan de morgue habituelle (et désormais vain) déclara qu'il n'en avait plus depuis 1975 et la sortie de son entreprise de démolition prénommée Metal Machine Music. Aux fans de Metallica ? Encore moins, l'album est hors des zones de prédilection du metalhead de base, soit très éloigné du pré carré métallique moyen. Reste alors les autres, une poignée de pervers adeptes d'expériences musicales masochistes de toute sorte ?

Si le miracle (nommons le ainsi) avait eu lieu en 1973 avec un concept-album fait de bric et de broc [2], les récentes démos de Reed revues à la sauce métallique offrent une autre destinée, naviguant entre le mauvais, le passable, le pathétique et, contre toute attente, deux trois exceptions suffisamment pertinentes pour sortir l'auditeur du marasme sonore ambiant. A cela, on retiendra un premier disque digne des pires productions de cette chimère musicale, un vieux au bord de la sénilité à la voix chevrotante, récitant son texte imbitable, appuyé par quatre lourdauds sourds comme des pots. Le trait parait forcé ? Écoutez donc la triplette Mistress Dread, Iced Honey ou Cheat On Me  [3]. Le premier extrait de l'album présenté fin septembre The View avait reçu une volée de bois vert, ce dernier est pourtant la chanson la plus présentable de ce premier disque. Étonnant, non ?

En partant de si bas, pouvait-on, pouvaient-ils faire pire ? Heureusement pour eux, heureusement pour nous, non. Et pourtant la moyenne des titres n'a rien d'engageant : Frustration et Little Dog huit minutes, Dragon onze minutes et enfin Junior Dad quasi vingt minutes. Gloups... Premier point, le fait de ne plus entendre James Hetfield, relégué désormais à sa seule guitare, ne peut jouer en la défaveur du second disque. Or comme sous-entend la durée des chansons relevée précédemment, ces dernières aurait amplement mérité quelques coupes. Toutefois, après l'épreuve passée des six premières chansons, une certaine indulgence, conséquence (sans aucun doute) d'un syndrome de Stockholm, rend l'écoute de ces quatre dernières chansons plus... supportables. Apparaît également l'interrogation suivante : Metallica était-il le meilleur sparring-partner pour l'atrabilaire Reed ? A l'écoute de Dragon et des trois autres, la réponse est plutôt affirmative. Cependant, d'autres groupes auraient été plus en mesure de coller avec l'écriture du géniteur du mal-embouché Street Hassle, qu'importe...  [4].

En conclusion, Lulu ne restera pas dans les annales de la musique, mais évite tout de même de justesse, et dans un élan de magnanimité, le titre de catastrophe. Et puis, faut-il être à la fois fan de Metallica et retardé congénital pour avoir cru un seul instant que les quatre de Los Angeles allaient avoir le premier rôle ? C'était mal connaitre le concept de "démocratie" reedienne.

  
Disque 1
Disque 2
   


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[1] Les mauvaises langues diront "se décompose" au sens propre comme au sens figuré.

[2] Rappelons nous que nombre de chansons de Berlin existaient déjà (au format démo) lorsque Reed et le Velvet Underground ne faisait qu'un, pour la continuité et le supposé concept de 73, on repassera...

[3] En vous laissant le libre choix de faire le jeu de mots facile approprié.

[4] Bien que Reed s'en défende, Metallica lui permettait également une plus grande couverture médiatique que s'il s'était attaché les services de Sunn 0))) (encore que là, il aurait gagné en "hype") ou Today is the day.

6 commentaires:

  1. Cette méta merde est digne des worst of de tous les temps.

    Il m'a fallu m'y reprendre plusieurs fois pour l'achever (de l'écouter, parce que j'aurais bien aimer aussi l'achever avant édition).

    Et pourtant dieu sait que j'aime Metallica et que j'apprécie Lou Reed (si, il y a 40 ans).

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  2. Comment dire? Lou Reed me gave depuis longtemps... et METALLICA n'est plus vraiment ce qu'il était... tout ça pour dire que l'équation me fait mal rien que d'y penser... et vu les critiques acides lues ici (excellent, Doc, comme d'hab) ou là, je ne m'hasarderai pas à y prêter ne serait-ce qu'un bout de tympan...

    SysT

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  3. J'avoue un faible (enfin... une passion même !) pour St Anger, un album que j'ai reçu et que j'absorbe comme un torrent de lave, peut-être ce que j'attendais de Metallica depuis toujours, son embarquement dans le hard core.

    Ce qui sauve ce Lulu est d'ailleurs ce qui ressort de cette vaine.

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  4. @ Christophe : Le second disque sauve l'album selon moi, j'apprécie assez Frustration et Dragon, la note de ce dernier est surévaluée pour cette raison (et parce que le premier disque est si mauvais, qu'on en devient indulgent avec les défauts du second).
    Moi aussi à sa sortie j'avais apprécié ce passage hardcore sur St Anger, qu'on retrouve par touche sur Lulu (trop rarement).
    En tout cas, on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir écouté l'album, il tourne depuis deux mois, quand le perfectionnisme et le masochisme vont de pair...

    @ Systool : Oui serait temps que papy Reed raccroche, on pensait que c'était chose faite avant l'annonce de la sortie de Lulu!!

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  5. hé hé, plus sympa à lire qu'à écouter...

    allez, bonne année 2012 à un des "blogs résistants"...

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  6. @ Xavier : bonne année à toi aussi camarade résistant! :-D

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