Drive - Nicolas Winding Refn (2011)

En préambule et au risque de se répéter, le docteur préposé aurait très bien pu sous-titrer cette chronique par un "pour en finir définitivement avec les eighties?"... ou pointer du doigt l'humour méconnu de Robert De Niro dont le jury cannois décerna au film qui nous intéresse le prix de la mise en scène... Éblouissant ce film si on en croit certaines critiques? Fascinant un cascadeur préférant jouer les chauffeurs pour la mafia au lieu de jouer les chasseurs de prime? Mais n'allons pas trop vite...

Si le film noir n'est pas le genre le plus iconoclaste qui soit, celui-ci suivant au contraire des codes pré-établis, Drive par certains partis pris (douteux?) se situerait dans une catégorie bâtarde voire hybride pour les plus indulgents: celle du ravalement de façade factice et faussement originale ou broder autour du thème classique du film de criminel quelques aspects hétéroclites bancals.

À Los Angeles, un jeune homme taiseux (Ryan Gosling) dont on ne connaîtra jamais le nom (1) travaille comme mécanicien dans un modeste garage. Et le reste de son temps? Celui-ci sait faire profiter à la communauté ses dons de pilote automobile, comme cascadeur occasionnel pour l'industrie cinématographique et comme chauffeur dans divers casses pour la pègre locale.
Or notre héros peu loquace en emménageant fait la connaissance de sa voisine dénommée Irene (Carey Mulligan), aussi blonde qu'effacée... Mais son mari Standard (2) sort de précipitamment de prison, et l'idylle naissante entre le silencieux, la fadasse (et le petit Benicio) doit prendre fin. Tabassé par ceux qui assuraient sa protection en prison, Standard doit braquer un prêteur sur gage pour rembourser sa dette, et éviter que l'on s'en prenne à sa famille. Découvrant la situation, le chauffeur se propose de l'aider... mais le hold-up ne se passe pas comme prévu...

De deux choses d'une, le danois Nicolas Winding Refn, réalisateur de la trilogie Pusher, est soit un cinéaste talentueux appréciant les niveaux de lecture les plus tordus, soit son dernier film est une fumisterie bouffant à tous les râteliers misant en premier lieu sur l'inculture ou au mieux l'indulgence de ses spectateurs. L'histoire quitterait les voies connues du film noir pour un volet plus social avec en supplément l'absence de femme fatale, la rousse incendiaire cédant sa place à une MILF au pouvoir de séduction proche du zéro (3), un patron au pathétisme certifié AOC et deux parrains de seconde zone (Albert Brooks et Ron Perlman à côté de ses pompes). Les cartes du drame criminel étaient en place, encore fallait il savoir les placer. L'histoire souhaitait prendre un contre pied salvateur, on y croit pas une seule minute.

Le scénario se prend les pieds dans le tapis... gageons dès lors que la réalisation relève le niveau. Que nenni. Celle-ci au contraire suit un chemin quasi identique en voulant cette fois-ci faire du neuf avec du vieux. Refn a voulu rendre de multiples hommages au cinéma US dans son premier film américain, or ceux-ci n'apportent rien, au contraire, ils n'évoquent qu'un manque cruel d'inspiration, une flagrante vacuité... une coquille-vide, rien de moins. Au préposé de commencer un inventaire à la Prévert: des plans aériens, une photo et une esthétique 80's à la Michael Mann, un personnage quasi muet (à la Leone pouvons nous lire...) dont le caractère violent et imprévisible rappelle surtout ceux de Kitano (4), une scène de salle de bain qui ne devrait pas laisser indifférente Tony Montana et ses amis colombiens, etc. Et la poursuite à la Bullitt? La belle affaire... A la différence d'un De Palma qui se réapproprie les références utilisées, Refn rend un simili copier-coller creux, sinon ridicule quand le pire des clips 80's est utilisé comme mise en abyme.

Reste que la nouvelle coqueluche d'Hollywood, Ryan Gosling joue à merveille les autistes au bord de la crise de nerf... tant est si bien qu'on attend avec une certaine impatience le moment où quelqu'un réussira par tous les moyens, même les plus inavouables et saignants, à lui arracher un sujet, un verbe et un complément en provenance de sa bouche.

Vouloir se recentrer sur ses personnages au risque de décevoir quelques crétins congénitaux espérant voir un nouveau  Fast and Furious aurait pu, aurait dû annoncer le meilleur... 


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(1) On vous avait prévenu, c'est un taiseux.

(2) Qui n'est pas une brute épaisse... c'était la grosse originalité.

(3) Sauf pour notre chauffeur silencieux, ça va sans dire.

(4) Sonatine en tête et la fameuse scène de l'ascenseur plus un "clin d'oeil" à l'extincteur d'Irréversible...

8 commentaires:

  1. "manque flagrant de vacuité" ?

    Je suis assez d'accord avec tes reproches, surtout pour le scénario, mais quand même, je l'ai trouvé plutôt bon. Je l'ai trouvé à la fois original et déjà-vu, mais de manière générale je pense que c'est un bon divertissement (étrange pour un film aussi lent, mais c'est comme ça que je l'ai ressenti).

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  2. @ Joris: Faut dire que (enfin je trouve) ma chro est plus virulente que la note attribuée, non?
    C'était aussi une manière de se démarquer de tout ce consensus hallucinant.
    D'ailleurs, le rythme du film est lent, mais ce n'est pas vraiment un grief notable si derrière cette lenteur il n'y avait pas tant de vide.
    Reste un divertissement regardable, mais très oubliable.
    Je lisais, enfin j'ai vu rapidement, que les pubs vantaient ce film comme le meilleur criminel de ces dernières années. J'avoue qu'à froid, je serai incapable de citer un film noir notable sorti ces 3 dernières années, alors soit: 1/ je regarde trop de vieilleries déviantes, ce qui me fait perdre le fil des nouveautés marquantes, 2/ Rien de notable voir rien du tout, du coup le premier bousin qui sort devient un film de premier plan.

    En tout cas, merci pour l'interrogation, j'ai corrigé, j'avais encore bouffé la moitié des mots :-D

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  3. Je suis d'accord avec toi, il n'y a pas eu beaucoup de film noir notable ces dernières années, donc c'est un peu con d'encenser Drive là-dessus.

    Il y a un phénomène assez étrange dans ce film, c'est que, quand je vois les images j'en ai un très bon souvenir, mais quand j'y repense comme ça, je n'en retire rien. C'est dire si la mise en scène est excellente, et le scénario bien faiblard...

    Ta chro a eu le mérite de dénoter, en effet, surtout qu'elle est pertinente. Je ne pense pas que Drive soit le film de l'année. A vrai dire j'ai le sentiment qu'on s'en souviendra davantage pour Ryan Gosling que pour le film en général.

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  4. @ Joris: Oui je pense qu'on se souviendra surtout de Drive comme du premier rôle notable de Ryan Gosling, pour le reste... circulez, y'a rien à voir! :-P

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  5. assez d'accord avec toi je n'ai pas compris pourquoi ce prix de la mise en scène avait été accordé
    j'ai trouvé l'ensemble agréable mais Goslin et sa pépette sont quand même très effacés (trop peut être) pour au moins rattrapper le spectateur par une interprétation éblouissante à défaut d'une histoire originale

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  6. @ Dragibus: oui beaucoup de bruit pour pas grand chose en fait! (je me demande si je ne l'ai pas déjà faite celle-là :-D)

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  7. Pouf pouf (comme dirait Desproges, que dieu le tripote, heu...).
    Je viens de lire ta chronique sur Cinetrafic et comme j'ai vu le film hier soir, je suis amplement d'accord avec ce que tu écris. Ah, ça fait plaisir dans ce concert de louanges un peu trop consensuelles ! :)

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  8. @ Nio: Alors bienvenue à toi!
    Note que lorsque j'avais posté ma chronique sur Cinétrafic, j'avais été agréablement surpris de constater que les internautes du site n'était pas aussi unanimes que cela... fus-je rassuré? Oui un peu ;-D

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