Le portrait de Doriana Gray (Die Marquise von Sade) - Jess Franco (1975)

C'est en 1975 que le duo Jesús Franco/Lina Romay, soit le génial cinéaste déviant ibérique et sa muse, nous convient à suivre les aventures de Doriana Gray, qui comme son nom l'indique est une très libre adaptation du roman d'Oscar Wilde.

Jesús Franco, très productif à l'image de son compère transalpin Joe D'Amato qui durant cette année de pré-canicule hexagonale, et entre le tournage d'un film de prison pour femmes, un jovial Swedish Nympho Slaves et un vrai-faux Orloff (Jack l'éventreur avec Klaus Kinski), propose à ses amateurs éclairés une relecture de son précédent La comtesse noire (Les Avaleuses, etc.) sorti deux années plus tôt. Un long métrage faisant date dans le petit monde du bis, et sans conteste le premier grand rôle de Lina Romay en vampire femelle se nourrissant, non pas du sang, mais de la jouissance de ses victimes en aspirant leur énergie vitale. 
 
Doriana Gray ou les affres d'une demoiselle vampire nymphomane qui comme son lointain cousin britannique ne connait pas l'ouvrage du temps au profit d'une jeunesse éternelle. Relecture jusqu'au boutiste de La comtesse noire, Jesús Franco laisse de côté l'aspect horrifique et sanguinolent du film vampirique traditionnel [1] pour recentrer une histoire faisant la part belle au mystérieux et aux atmosphères évanescentes et oniriques.

 

Doriana Gray (Lina Romay) vit seule avec son domestique Ziros (Raymond Hardy). Un jour, celle-ci reçoit la visite d'une journaliste (Monica Swinn) venue l'interviewer et tenter d'en savoir plus sur cette étrange jeune femme solitaire. Or cette jeune demoiselle, en plus de passer le plus clair de son temps en nuisette transparente, cache deux lourds secrets, le premier lié à sa condition de vampire sexuel assoiffé et néanmoins frigide, le second à l'existence d'une sœur jumelle attardée, réceptacle du plaisir fraternel, et internée chez le (bon) docteur Orlof [2]...

Avec peu de moyens, Jesús Franco réussit sinon un tour de force (n'exagérons pas, encore que...), tout du moins à mettre en œuvre un film érotique fantastique suffisamment original, sinon expérimental, ou quand le film d'exploitation se drape de contemplation [3]. Sublimé par la musique de Walter Baumgartner à la sitar, et la prestance de son interprète principale, cette histoire de vampirisme moderne extrêmement sexuée et bipolaire [4] s'inscrit de même idéalement dans le cahier des charges des films d'exploitation de l'époque, avec évidemment son lot habituel de défauts inhérents au genre : un doublage au raz des pâquerettes, un scénario très léger et une fin abrupte pouvant laisser le spectateur lui aussi sur sa faim.

  

Mis en scène durant la période WIP (Women In Prison) du duo Jesús Franco / Erwin C. Dietrich [5], collaboration débutée en 1975 par Downtown - Les putains de la ville basse, en passant par le Jack l'éventreur mentionné plus haut, et conclue par le WIP Women in Cellblock 9 (Frauen für Zellenblock 9), le long métrage saura trouver une place de choix parmi les admirateurs du réalisateur madrilène réputé (entre autres) pour ses zooms intempestifs. De ce goldenWIPage francien, on notera également la présence des habituels Raymond Hardy, Monica Swinn et de la brève et dernière apparition de la belle Martine Stedil [6] dans le rôle de la fiancée de Ziros.

Un long-métrage propre aux années 70 de par son atmosphère surannée, existant sous deux versions différentes, une softcore et une autre hardcore avec inserts pornographiques, où miss Romay donne la pleine mesure de son exhibitionnisme...

Doriana Gray, l'un des plus étranges films de Jesús Franco alliant sexe cru, fantastique et abstraction avec Lina Romay et Martine Stedil.

Avec en bonus : Raymond Hardy (alias Ziros) ou le sosie barbu de Patrick Bauchau


Das Bildniss der Doriana Gray (Le portrait de Doriana Gray) | 1975 | 76 min
Réalisation : Jesus Franco
Production : Erwin C. Dietrich
Scénario : Jesus Franco    
Avec : Lina Romay, Monica Swinn, Martine Stedil, Raymond Hardy
Musique : Walter Baumgartner
Directeur de la photographie : Jesus Franco et Peter Baumgartner
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[1] Et les adeptes de vampirisme lesbien et autres "Rollinades" en seront également pour leur frais.

[2] Hommage entre autres à un de ses premiers et plus célèbres films: L'horrible docteur Orlof

[3] Quand bien même cette dernière n'aurait pas eu connaissance de Doriana Gray, il est amusant de constater que le film de Claire Denis, Trouble Every Day, s'inspire quelque peu de celui-ci.

[4] La dualité des deux sœurs jumelles est en effet l'une des pièces maîtresses du récit portée par l'antagonisme des deux personnages.

[5] Sur la petite dizaine produite par le suisse, près de la moitié réalisée par Franco ont pour thème le WIP, ou des relectures de son classique de 1969 L'amour dans les prisons des femmes (99 Women) avec Herbert Lom et Maria Rohm. Producteur mais aussi réalisateur, on retiendra Rolls-Royce Baby (1975), une des rares incartades franciennes de Lina Romay avec un autre habitué du duo Dietrich / Franco, le bovin Eric Falk (Blue Rita, Femmes en cage).

[6] Il s'agit en effet du dernier rôle francien de la belle après entre autre ses participations au WIP Frauengefängnis ou Des diamants pour l'enfer.

9 commentaires:

  1. dommage qu'elle aie ps super bien vieilli la Romay, note que quand on voit la tête d'édenté de Franco...
    on a peine à croire qu'ils ont fait des films érotiques.

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  2. @ Diane: C'est vrai que la Romay a souffert du poids des années contrairement à son héroïne, quant à Jesus, notre sauveur déviant, on est rarement fringuant quand on a dépassé les 80 printemps... tu me diras de tout en temps, il l'a rarement été.
    N'empêche, quel couple! :-D

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  3. Ah ça ! Autre chose que bhl/dombasle !

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  4. C'est judicieux d'évoquer le film de Claire Denis "Trouble Every Day" tant il y a de points communs entre ces deux films, en particulier avec la "performance" des deux actrices : Lina Romay et Béatrice Dalle.
    La ressemblance physique (même coupe de cheveux, même regard sombre et halluciné, même lèvres charnues...) et l'idée bien sûr d'un cannibalisme sexuel dans les deux films, la crudité simple, les cris possédant jour et nuit les deux protagonistes restent longtemps en mémoire chez le spectateur. Alors, Claire Denis s'est-elle ou non inspirée de Jess Franco ? Je ne pense pas mais cette idée reste... troublante.

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  5. @ la dame: J'aime vous savoir troublée ^^

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  6. la troublitude ... c'est meûgnon !

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  7. dans le genre cannibalisme sexuel il y a aussi
    .....
    eloignons les pitiots
    .....
    citons elvira:
    "quand il y a du sexe et de la violence il y en a pour tout les goûts"
    ....
    porn of the dead
    http://www.severed-cinema.com/reviews/mnop/potd-images.php

    repenetrator
    http://www.backseatconceptions.com/repenetrator/Re-Penetrator_trailer_06_web.mov

    sinon il y a le film allemand là sur les cannibales gay, grimm love
    http://en.wikipedia.org/wiki/Grimm_Love

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  8. @ Diane: et bon appétit bien sûr ^^

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