Solomon Kane - Michael J. Basset (2009)

Il est bon (quelquefois) de ne jamais se fier aux idées reçues, quand bien même ce retournement de situation aurait tendance à vous faire jouer contre nature. Des mois de persistance rétinienne nanar à vous titiller le nerf optique après la vision de l'affiche française [1], voici où en était le préposé à la chronique. Ajoutez à cela une accroche au potentiel nanaro-naveton des plus alléchantes ("combattre le mal par le mal"), le dénommé Solomon Kane du britannique Michael J. Bassett avait de quoi (r)éveiller nos plus bas instincts en sommeil depuis bien trop longtemps. Las, après une introduction « prometteuse », et malgré quelques défauts, le cinéphile déviant est forcé, à son plus grand dam, de poser un genou à terre, et d'admettre sa défaite : ce long métrage lorgne du côté de l'honnête série B.

Solomon Kane, personnage créé à l'origine dans les années 20 par l'un des pères de la fantasy Robert E. Howard (écrivain prolifique à l'existence brève [2], et plus connu par les non initiés comme l'auteur de Conan le Barbare), se voudrait l'incarnation d'un puritanisme guerrier. Or mauvais timing pour le long métrage et ses producteurs, celui-ci tourné en pleine Obamania [3], ne pouvait décemment (?) pas profiter des scories de l'administration Bush et de sa politique post-11 Septembre.

1600, un temps où le monde était plongé dans les ténèbres et le chaos, Solomon Kane mercenaire à la solde d'Elisabeth I, pille, tue et plus si affinités, les immondes païens et ceci en dehors des terres de sa gracieuse majesté. Lors d'une escale à but lucratif en Afrique du Nord et après quelques images bancales survolant une cité Ottomane en feu numérique, Kane rencontre rien de moins que le faucheur du diable dans une salle au trésor abandonnée. Un émissaire à la vile capuche sombre en quelque sorte venu spécialement pour Solomon en récompense d'une vie consacrée au meurtre et à la cupidité. Et le diable reconnaîtra les siens... Sauf que notre sanguinaire moustachu n'entend pas lui donner son âme, allant même jusqu'à remettre en cause l'authenticité du pacte [4] clamant haut et fort au ténébreux héraut à la voix d'outre-tombe que jamais (ô grand jamais) il n'aura son âme, Dieu protégeant avec une indicible clémence les massacres de païens. Mais Kane pourra t-il échapper aux sinistres desseins du maître des Enfers, car comme nous le rappelle son faucheur personnel après une dernière pirouette de Solomon (une simple chute d'une centaine de mètres en guise de fuite), son âme est mauuuuudite.

Après une introduction accumulant les fautes de goût, des dialogues encore plus pompeux et grotesques que l'ironie de l'auteur de ces lignes, une musique qui n'est pas en reste [5], et en dépit de quelques plans visuels intéressants lors du duel précédemment évoqué, Solomon Kane était parti, à l'image de son personnage principal de bad guy caricatural, à rester cantonné dans la catégorie divertissement bas de gamme. Que nenni. Le troisième film de Michael J. Basset tend à surprendre par sa capacité à prendre le contrepoint de cette risible introduction.

Avant de devenir le parangon guerrier de la cause puritaine, le seul qui osera se lever contre le diable et ses cohortes de démons, Solomon Kane doit faire amende honorable, le soudain attrait que lui porte le prince des ténèbres n'y étant pas étranger. En somme, Kane devient un antihéros rongé par la culpabilité [6], et par ce besoin vital de rédemption incarné par la jeune Meredith Crowthorn, capturée par les hordes possédées du sorcier Malachi. Désormais attaché à la seule condition de ramener la fille du défunt Crowthorn, Kane ne pourra finalement racheter ses fautes qu'en sauvant la jeune Meredith.

L'une des qualités du long métrage, en plus d'offrir un personnage principal torturé à souhait, est d'avoir évité les tares habituelles du cinéma d'action moderne : un montage épileptique et une hystérie narrative au mépris des atmosphères. Michael J. Basset signe un divertissement soigné où les effets spéciaux savent rester en retrait au profit de l'histoire, épaulé par une interprétation satisfaisante, James Purefroy (Marc Antoine de la série Rome) surjouant et grimaçant juste ce qu'il faut au moment propice, et deux seconds rôles de premier choix : Pete Postlethwaite (Au nom du père, Usual Suspects) et Max Von Sydow (déjà présent dans la plus célèbre adaptation de Robert E. Howard, Conan le Barbare de John Milius, dans le rôle du roi Osric).

Malgré un début des plus bancals (et une bande-annonce foireuse), Solomon Kane est une adaptation plutôt réussie d'un classique de la sword and sorcery, pour lequel le préposé n'aurait parié aucun kopeck... qui se solda par un échec commercial, ce dernier n'ayant rapporté que le tiers de son budget, en attendant une sortie hypothétique sur le sol américain.




Solomon Kane | 2009 | 104 min
Réalisation : Michael J. Basset
Scénario : Michael J. Basset
Avec : James Purefoy, Rachel Hurd-Wood, Pete Postlethwaite, Alice Krige, Jason Flemyng, Max von Sydow, Mackenzie Crook
Musique : Klaus Badelt
Directeur de la photographie : Dan Laustsen
Montage : Andrew MacRitchie
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[1] L'affiche internationale reste suffisamment sobre pour ne pas trop exciter le nanarotron ©.

[2] Robert E. Howard se suicida à l'âge de trente ans en 1936.

[3] Une erreur de calendrier qui tendrait à expliquer l'absence de sortie officielle sur le sol étasunien de nos jours?

[4] Par la suite et pour éviter tout malentendu de ce genre, Belzébuth demandera de signer par écrit le dit pacte, Swan peut venir témoigner.

[5] Le plus gros défaut du film, Klaus Badelt rendant une copie des plus fades qui soient, entre des envolées symphoniques grossières et les parties jouées à la flûte pour les scènes intimistes, un ratage quasi-intégral.

[6] Kane... Caïn, vous ne trouvez pas qu'il y a comme une ressemblance ? Et bien, pas seulement sonore...

11 commentaires:

  1. Merci de chroniquer ce genre de film passés (pour moi) inaperçu...

    enfin, merci, je dis ça dans le sens où cela me permet d'apprécier ta prose, hein, Solomon Kane, je m'en tamponne le coquillard ;-)

    SysT

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  2. Dahu Clipperton09/07/2010 14:10

    Un peu comme Systool, je ne te garantis pas que je jetterai les yeux sur "Solomon Kane" (pas vraiment mon domaine le sword'n'sorcery^^), mais je suis ravi de te lire à nouveau et te retrouver en pleine forme ;)

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  3. @ Syst et Dahu: ma prose vous en remercie :-)
    Sinon effectivement, le père Solomon, vous pouvez vous en tamponner le coquillard :-D

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  4. Salut,

    Je l'ai vu cette nuit...et du coup j'ai une otite (faut-il vraiment y voir un rapport ?)...

    Hum...j'avoue que la bande annonce est pourrie comparée au film lui même, du coup (bis) le dit film n'est pas si terrible : )

    Je te propose de jeter un globe sur "Bon cop Bad cop", c'est du lourd, tu risques de ne pas comprendre grand chose quand les québécois parlent mais c'est à se taper le cul par terre !!

    Affectueusement vôtre,


    Dom

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  5. @ Dom: En attendant un susceptible visionnage, je suis sur un autre gros coup, le genre de film où l'affiche et la BA ne sont pas en contre indication avec le reste...

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  6. Encore un travail de... maître ! Le docteur Furter a l'art de rendre une vague production plus européenne que ricaine en un film d'honnête facture. C'est certainement plus réussi qu'un Babylon A.D. du dépassé Kassovitch.

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  7. @ Dame Eolia: vi faut-il le rappeler, Solomon Kane est une coproduction européenne (franco-britanno-tchèque).

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  8. Il fallait lire bien evidemment : Kassovitz et non pas Kassovitch ! J'écris en mangeant des Chamallows, donc forcément...

    Très bel été à tous.

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  9. @ Dame Eolia: autant je peux supprimer les commentaires désobligeants, autant blogger ne me permet pas de les corriger ;-)

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  10. Ah ah y a vraiment que toi en France pour écrire sur un tel film :)

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  11. @ Benjamin: c'est vrai, j'ai pas encore regardé sur google si on est nombreux à avoir écrit une chronique globalement positive sur ce Solomon Kane :-D

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