Le choc des Titans - Louis Leterrier (2010)

Au-delà du fait que l'habitué des lieux devrait aisément deviner la teneur du texte proposé, le préposé à la critique ne risquant pas de récidiver après la jurisprudence Solomon Kane [1], on ne s'étonnera pas, de... de quoi au juste, que Le choc des titans soit une baudruche emphatique faisant la part belle aux scènes de bravoure ampoulées ? Développons...

Le défaut trop souvent évoqué, maintes fois entendu, et avouons-le facile, serait que le film de Louis Leterrier s'affranchisse trop de la mythologie grecque. Nos trois scénaristes en chef : Phil Hay, Matt Manfredi et Travis Beachnam n'ont-ils pas hésité au contraire une seule seconde à... dépoussiérer ces antiques histoires de coucheries, de trahisons et de combats homériques pour en tirer un film d'action haletant et sans temps mort ? De même, ce serait oublier un peu vite le premier Choc des titans réalisé par le vétéran Desmond Davis datant de 1981 et écrit par Beverley Cross (Jason et les Argonautes). Le mythe de Persée avait lui aussi subi quelques tranches sévères de la part du scénariste de l'époque [2], par soucis de simplicité sans aucun doute, la mythologie grecque n'étant pas non plus réputée pour sa cohérence. Cela étant, notre nouveau trio eut les coudées encore plus franches, n'hésitant pas à y inclure d'autres personnages mythologiques autres que grecques, quelques raccourcis scénaristiques en guise de clichés populo-hollywoodiens et une nouvelle histoire non plus basée sur le mythe originel de Persée, mais plutôt une réécriture (portnawak) du scénario de Cross.

Après une introduction grandiloquente, au bon souvenir des péplums et récits d'antan, nous narrant à la sauce hollywoodienne la naissance de l'Olympe [3], Le choc des Titans new look nous propose un instant de connaitre les us et coutumes des rois sous l'Antiquité, en particulier ceux qui durent subir les nombreux élans extra-conjugaux de Zeus, ce dernier prenant souvent l'apparence des maris pour mieux arriver à ses fins. Acrisios trompé, meurtri dans sa chair décide dès lors de jeter à la mer son épouse Danaé et le jeune bâtard demi-Dieu dans un sarcophage, enfant qui sera recueilli par le pêcheur Spyros (Pete Postlethwaite), et désormais seul survivant de cette tragédie. Notre trio magique aura donc décidé de sacrifier la mère du jeune Persée au profit d'un couple de pêcheurs en mal d'enfant, lui inculquant au passage la morale de cette histoire gorgée en testostérone envers les fourbes puissants: Un jour, quelqu'un devra s'insurger. Un jour, quelqu'un devra dire: "Assez", le tout sous l'œil circonspect et vitreux de notre futur héros (Sam Worthington) au charisme de merlu [4].

Mais notre famille, non contente de n'être pas très douée pour la pêche et de jouer de malchance, se voit le privilège d'être funestement au mauvais endroit, au mauvais moment ; les soldats d'Argos détruise une statue géante de Zeus au loin sur une falaise, au risque de subir un châtiment divin en remerciement pour cet acte provocateur. Et ce qui devait arriver, arriva, Hadès (Ralph Fiennes), cette fois-ci, prestataire de service pour son ainé libidineux, venge l'irréparable, les harpies du dieu des Enfers massacrent les soldats et coulent au passage l'embarcation de la Persée family. De nouveau, Persée, seul survivant, peut désormais, certes un peu tardivement, comprendre la portée des mots blasphématoires de son père adoptif et clamer sa vengeance à l'égard de ce dieu égoïste, qui n'est autre que son véritable géniteur. Persée est colère. Persée est vengeance. Mais Persée est surtout prisonnier des soldats d'Argos...

Au-delà des cieux, Zeus (Liam Neeson), à l'image de son fiston, dont il ignore l'existence (et inversement), est lui aussi colère, vengeance et accepte le coup de main de son frère Hadès pour remettre un peu d'ordre, le bâton ayant toujours fait ses preuves quand il s'agit de rappeler aux petits gens leur misérable condition.

Et Argos fête sa victoire à la Pyrrhus (du pauvre), un massacre de ses propres soldats pour une noble cause, que leurs souverains puissent enfin avoir le droit de vie ou de mort sur la plèbe, sans l'avis de près ou de loin de ses oisifs bourrés à l'ambroisie. Puis, enivrée par cette brillante preuve de leur suprématie, synonyme de déclaration d'émancipation, la reine Cassiopée, telle la dernière gourdasse sur un rocher profitant de ses (derniers) privilèges de poule de luxe, vient à comparer la beauté de sa fille chérie Andromède à celle d'Aphrodite. Une déclaration maladroite, une de plus, celle de trop [5]. Cassiopée aurait pourtant dû se souvenir que les oreilles des dieux trainent un peu partout en ce bas monde. Hadès, de retour, son contrat d'intérim étant désormais officialisé en hauts lieux, décide dès lors de régler son compte à cette écervelée à la langue bien pendue et de s'occuper des derniers soldats qui auraient survécus à sa précédente attaque. De même, sa condition d'être immortel l'obligeant en quelque sorte à soigner ses sorties, tout comme ses entrées, Hadès fait d'une pierre deux coups en annonçant à l'audience déicide et incrédule que si le prisonnier situé au fond de la salle a survécu à son attaque mortelle, ce n'est point grâce au fumet fortement iodée qui se dégage de sa personne, mais plutôt du fait de sa nature de demi-dieu, et le fait de partager donc le même patrimoine génétique que leur ennemi déclaré, Zeus. Une nouvelle relativement réjouissante de prime abord, l'exécution des traitres faisant partie en ces temps reculés des festivités appréciée par la foule, mais de courte durée, car Hadès déclare aussi la fin prochaine d'Argos à la condition du sacrifice d'Aphrodite, sauvant ainsi la cité antique des tentacules du terrible Kraken.

Le héros est mal en point, tout va de mal en pis, ce dernier ayant même le privilège de passer du stade de prisonnier anonyme à celui d'ennemi public. Au fond du trou, Persée reçoit une visite qui changera sa destinée à tout jamais. La belle Io (Gemma Arterton) lui révèle le mystère de sa naissance, celle-ci veillant sur lui depuis ce jour [6], et que seule la destruction du Kraken pourra le venger de l'unique responsable de la mort de sa famille, Hadès. Io, sachant être très convaincante (...), réussit à faire incorporer Persée à la troupe d'élite du roi Cépheus. La quête de notre héros peut enfin débuter, direction les trois sorcières du Styx...

Non content de réduire le récit à une accumulation de scènes "chocs", Louis Leterrier réussit là où d'autres ont... réussi, réaliser un film d'action artificiel rehaussé par des personnages ridicules (seul celui de Draco, joué par le danois Mads Mikkelsens arrive à la rigueur à sortir son épingle du jeu, un rôle sans surprise mais moins grotesque que ses petits camarades, la palme revenant au chevalier du zodiaque Liam Neeson), des situations convenues et ratées incapables d'apporter une quelconque nouveauté, ou tout du moins d'affirmer sa fonction première de divertissement (comme l'apport comique des sidekicks menés par le français Mouloud Achour ou la présence mystérieuse des Djinns, sorte de chewie mystico-minéral pouet-pouet complètement à côté de la plaque)... et cerise sur le gâteau, un duo gagnant en la présence du morne Sam Worthington [7] et de sa bonnasse tartignole de service, Gemma Arterton.

Un remake inutile dont le seul attrait est de constater, et ceci dès l'Antiquité, l'existence de croqueuses d'éphèbe (à l'œil vitreux ici présent, faut-il le rappeler...), pour le reste le kitsch a laissé sa place à un plat fade qui se paye même le luxe d'être raillé par Michael Bay.

____________________________________________________________________________________________________

[1] Rappel : ne pas toujours se fier à une affiche et/ou une bande annonce foireuse.

[2] Dans la mythologie, Persée tue la Méduse à la demande du roi de Sérifos et c'est au retour de son voyage qu'il croise, en Éthiopie, Andromède promise en sacrifice à un monstre marin (point de Kraken), sa mère Cassiopée ayant comparé sa beauté à celle des Néréides (et pas à celle de Thétis ou une autre divinité hellénique).

[3] Où on en vient à être presque nostalgique de la version cheap proposée par la Cannon via leur Hercule avec Lou Ferrigno...

[4] Rappel 2: quand le merlu a l'œil vitreux, sa fraicheur est des plus contestables...

[5] Il faut voir le regard que lui porte son roi à l'écoute de cette énième et finalement funeste boulette, le pauvre homme, non content de devoir supporter les conséquences de sa soif de pouvoir, doit composer avec la crétinerie de sa reine de femme.

[6] La belle affaire, on ne peut pas dire que cela ait porté chance à notre brave Persée...

[7] Qui avait pourtant réussi à jouer les personnages "charismatiques" précédemment. Encore faut-il partager l'affiche avec un anémié de compétition tel Christian Bale (cf Terminator 4).

7 commentaires:

  1. comme tu le dis la mythologie grecque étant un foutoir sans nom, une réinterprétation non canonique et par cité des mythes cycladiens, sumériens, akkadiens, babyloniens et égyptiens, passée à travers le filtre romain puis des traductions du moyen âge etc... bref on peut pas trops en vouloir aux scénaristes de prendre des libertés ! la question est : ya des beaux mecs pleins de mux, des vestales aux formes bondi bondi, de l'action bourrinne, des réplikultes bref un vrai potentiel nanar de luxe ? ou pas

    RépondreSupprimer
  2. sinon effectivement le kraken ressemble au titan dans resident evil 2 ou 3... ahh non merde c'est le tyran pas grave z'en avaient en Grèce à l'époque pis pour le reste on dirait god of war 2 et 3... donc pourquoi clash of the titans si ya pas de titans ? hein dis bon d'accords Persée est presque klash mais ça n'explique pas la deuxième moitié du titre.

    RépondreSupprimer
  3. @ Diane: Ne pas s'attendre à un film chantre des corps musculeux huileux à souhait à la gloire de l'amitié virile et plus si affinités... on est plus proche des navy seals en jupette, d'ailleurs Worthington est sans conteste l'erreur de casting, au moins dans Troie (autre naveton de compét mais pour d'autres raisons), Pitt retrouvait une certaine "grâce" kitsch, tandis que là... misère, c'est le désert. La troupe d'élite ressemble d'avantage à un commando marine... il est loin Jason...
    Pour la référence aux Titans, c'est comme le film originel, c'est un peu à côté de la plaque, considérant la Méduse et le Kraken comme des titans... bien sûr...
    Pour les répliques cultes, à un moment Worthington se prend pour John Rambo, vive la mythologie new look :-D

    RépondreSupprimer
  4. une vraie bande de bras cassés
    et que je te fous des djinns en plus
    et que je balance Io dans la mélée
    et que je te fais du trekking a dos de scorpion géant
    et Athena dans tous cela ?

    et la punchline qui tue:
    someday someone has to take a stand
    someday someone has to say enough
    this could be that day

    pis bon le kraken c'est la mythologie scandinave
    à la rigueur l'hydre de Lerne
    et Medusa n'a qu'un très lointain lien de parenté avec les Titans

    du grand portnawak donc mais ça se laisse regarder

    RépondreSupprimer
  5. @ Diane: oui ça se laisse regarder mais c'est quand même un beau foutoir dont la durée de vie semble proche du néant :-D

    RépondreSupprimer
  6. Dahu Clipperton27/07/2010 18:04

    A vous lire tous les deux, c'est que je finirais par me laisser tenter, dans un élan pervers genre "Tiens, une bonne grosse connerie à mater ce soir", j'ai un pote sur la même longueur d'onde dans le domaine ;D

    (et puis c'est vrai que j'avais regardé "Troie" (et en entier !), alors bon j'ai pas d'excuse^^)

    RépondreSupprimer
  7. @ Dahu: un film idéal pour offrir du temps disponible au cerveau :-D

    RépondreSupprimer