Based on a True Story - Sick of It All (2010)

Ne jamais se fier à un rock-critic, sa mauvaise foi n'aura d'égale que sa capacité de nuisance, toujours prompt à relativiser, dans ses moments de faiblesse, voire à railler quand le cœur lui en dit, l'enthousiasme de ses petits camarades encore tout émoustillés par le dernier disque de ______ [1]. Le rock-critic ne serait-il pas qu'un con ? A sa décharge, le rock-critic est par nature un éternel insatisfait. Quand son groupe évolue, change de production ou inclut de nouvelles influences, cette langue de vipère joue les vierges effarouchées criant au scandale, à la trahison, appelle au lynchage... et fera de même si l'artiste en question fait du surplace, enregistrant toujours le même album. Ne pas s'étonner dès lors de cet hâtif jugement du lecteur de passage découvrant les tourments qui régissent la vie de notre critique en rock'n'roll: "... s'il n'est pas un con (définitif), c'est en tout cas une vraie girouette" et pour les plus radicaux "... voire carrément une vraie planche pourrie". Néanmoins, au delà de ces joyeux poncifs, admettons ou tentons d'admettre qu'il existe encore des genres où le statu quo musical a sinon encore un sens, reste tout du moins rattacher à une notion d'authenticité, tel le hardcore made in New-York avec l'une de ses dernières grandes figures : Sick Of It All.

Formé par les frères Lou et Peter Koller au milieu des années 80, Sick Of It All reste sans conteste, parmi les trois formations cultes du hardcore en provenance de la Big Apple encore en activité, Agnostic Front et Madball, celle qui conserve encore une fraîcheur intacte. Le groupe de Roger Miret est certes revenu fin 90's pour asséner la décennie suivante plusieurs albums, mais les auteurs des cultissimes Victim in Pain et Cause for Alarm ont perdu de leur superbe, Miret jonglant autant avec son autre groupe the Disasters qu'Agnostic, pour un résultat (très) mitigé dans les deux cas. Quant à Madball, ces derniers continuent toujours de tourner, mais depuis 2007 et leur album Infiltrate The System, c'est le calme plat au niveau sortie...

Quatre longues années (soit une éternité chez eux) après Death to Tyrants, SOIA nous revient donc en 2010 toujours aussi hargneux et en verve avec un neuvième album Based on a True Story, qui, après une première écoute distraite, tend déjà à prouver que le temps n'a pas encore de prise sur eux : quatorze uppercuts de deux minutes trente en moyenne, trente-trois minutes montre en main sans temps mort.

A ce titre, on reste assez estomaqué par la rage et la puissance de la chanson d'ouverture Death or Jail, on croyait les connaitre et pourtant jamais le groupe n'a été aussi véloce et agressif, le tout appuyé par la production carrée du danois Tue Madsen (à qui l'on devait déjà celle du précédent opus) évoquant plus le massif State of the World Address de Biohazard, en plus moderne, que le punk Built to last (1997) des "débuts". Une production rouleau compresseur où la basse de Craig Setari fait toujours autant de merveilles, ronronnant à loisir (The Divide) sous les coups de massue d'Armand Majidi, et où les chœurs appuyés du combo remporteront sans aucun doute facilement l'adhésion du mosh pit sur la doublette Dominated/A Month of Sundays ou sur Long as She's Standing. Une machine d'une efficacité redoutable menée par le chanteur Lou Koller qui ne module certes pas trop sa voix (et pourquoi donc ?), mais qui a toutefois le mérite de ne pas saouler son auditoire en criant à tout va, son grain légèrement éraillé évoquant le croisement réussi entre un pitbull et Lemmy Killmister.

En dépit d'un Good Cop très punk dans l'esprit, Based on a True Story est sans conteste l'album le plus métallique des Sick of It All, du moins par sa production, le disque se gardant bien de remettre en cause ladite authenticité hardcore [2]. Parmi les rares griefs, on pointera, en sus d'un Waiting for the Day très moyen, un album qui a le désavantage de s'essouffler vers la fin, le groupe ayant eu la bonne, ou mauvaise, idée de placer leurs meilleures cartouches en début de disque [3].

Un album qui devrait ravir les connaisseurs.

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[1] A vous de choisir si le cœur vous en dit votre tête de turc favorite du moment.

[2] Pas de soli intempestifs, de pseudo-plans alambiqués ou de double grosse caisse stérile...

[3] Quant au gros son compact de la galette, à voir si ce genre de production passera bien l'usure du temps...

10 commentaires:

  1. ouaip, un très bon SOIA et à écouter à fond. Rien de nouveau et je ne sais pas si je l'écouterai encore dans 1 an, mais en tout cas, il fout la ouache!!!

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  2. @ Nyko: Exactement! On ne sait pas si la durée de vie de la galette sera identique à celle du combo, mais ça défouraille bien les écoutilles ^^

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  3. Dahu Clipperton15/05/2010 16:07

    Ouaip, c'est sûr que ça défourraille ! "Bent outta shape", dans le genre... Bon, les choeurs sont un peu trop présents à mon goût, et oui, "Waiting for the day" est pas terrible, mais ce sont bien les seuls bémols que je puisse mettre^^

    En fait, je ne connais pas du tout Sick of it all, tu me conseillerais le(s)quel(s), là, comme ça, Doc ?

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  4. @ Dahu: Bonne question, merci de l'avoir posée :-P
    Sans botter en touche, ne connaissant pas toute leur disco non plus... je conseillerais leur premier méfait de 1989 et leur album le plus connu Scratch the surface et l'avant dernier Death to Tyrants... ça en fait quand même quatre si on compte le dernier XD

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  5. Dahu, je te conseillerais l'excellent live "live in a world full of hate"

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  6. Je ne sais pas si je l'aurai qualifié de "l'album le plus métallique" de SOIA mais il s'agit indéniablement d'un disque à la rage intacte. J'avais commencé à écrire dessus mais je crois que t'as tout dit ici. Je m'abstiendrai donc :)

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  7. @ Benjamin: Pas d'avis plus nuancé donc? :-P
    (comme l'impression que ça va désormais virer au running gag ;-D)
    album plus métallique au niveau du son, on reste très ancré dans un schéma NYHC, et c'est tant mieux! Manquerait plus que SOIA copie les derniers Hatebreed Beurk!

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  8. Ah non rien du tout à ajouter. Comme je te dis, je suis tellement d'accord que ça m'a découragé à écrire dessus :) Ah oui les derniers Hatebreed c'est vraiment pas possible :)

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  9. Le lien "musicme" est bien noté. J'essaie d'écouter ça sous 48 heures. Ce soir, impossible, je ne peux pas enchaîner SOIA à mon album d'accordéon finlandais, Johanna Juhola - Fantasiatango (2010) ;-)

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  10. @ Thierry: Je comprends très bien ^^
    De toute façon, ce n'est pas une musique qui convient aux ambiances nocturnes... à moins de vouloir jouer les noctambules

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