Légion - Scott Stewart (2010)

En préambule, une voix lasse vous confie les joies d'avoir eu une mère croyante et d'ouvrir son cœur à dieu chaque soir parce qu'il est "bon, miséricordieux et juste". Seulement voilà, lorsque le mari altruiste préfère quitter le domicile conjugal perdu en plein désert du Mojave non sans déchirement et laisser ainsi le soin de l'éducation des enfants à cette future mère courage, il apparaît que cette dernière tend à radicaliser sa position mystique, en attente de la prophétie "où le monde ne sera plus que ténèbres", le sort de l'humanité étant désormais scellé. Et à la question somme toute légitime de sa fille en guise de conclusion, pourquoi dieu "était-il aussi furieux contre ses enfants" ? Nous avons droit à cette sentence radicalement lyrique : "j'imagine qu'il en a eu assez de toutes nos conneries". Avouons qu'en matière d'introduction, Légion du dénommé Scott Stewart s'annonçait sous les meilleurs augures du navet appellation d'origine contrôlé.

On aurait pu penser l'archange Michael (Paul Bettany) fatigué d'attendre l'apocalypse. Une éternité à préparer un combat contre un dragon [1], c'est long, surtout vers la fin, même pour l'élite de la milice angélique. Or son supérieur hiérarchique a décidé, comme l'évoquait précédemment l'illuminée maternelle, de régler son compte à cette progéniture crasseuse et ingrate nommée humanité. Et se produit le retournement que le mangeur de pellicules hypercaloriques attendait, la venue d'un sauveur, un vrai, un tatoué, Michael, qui décide d'aller à l'encontre des plans génocidaires du grand patron, au grand dam de son plus proche confident, un ami considéré comme la main droite du taulier, et aussi son plus fidèle coursier, célèbre durant l'Antiquité pour la fiabilité de ses annonces prénatales, l'archange Gabriel. Mais ce revirement, acte supposé d'amour envers les hommes, n'est-il pas un moyen déguisé pour faire changer d'avis son patron ? [2]

Michael, tel un cyborg bodybuildé en l'an de grâce 1984, descend sur Terre en pleine nuit dans une ruelle de la non moins accueillante et chaleureuse Los Angeles... et premier geste symbolique, notre prince de l'armée céleste décide de se couper les ailes, reniant désormais sa part de divinité pour mieux s'enfoncer dans une mortelle médiocrité (ou médiocre mortalité, les avis sont partagés). Résolu à suivre les préceptes de John Matrix, après cet acte chirurgical sanguinolent, le fils rebelle se dirige d'un pas altier au plus proche magasin Walmart (détenu par la mafia chinoise) spécialisé dans les armes d'assaut, en omettant comme son illustre pair austro-étatsunien que les agents de l'ordre public de L.A. sont souvent dans les parages, dès qu'il s'agit de frustrer l'honnête citoyen en proie à une envie irrépressible de sauver ses proches, ou dans le cas nous intéresse, l'avenir de l'humanité.

Réfrénons toutefois l'enthousiasme des troupes cinéphiles avides de batailles homériques, Légion n'a aucunement vocation à nous esbaudir de combats épiques entre une armée d'anges exterminateurs et une poignée d'humains. Souvenons-nous mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, les paroles apocalyptiques pleines de sagesse avinée en préambule, le sort de l'humanité est désormais sellé. L'affaire est pliée... enfin pas pour tout le monde. Notre tatoué déplumé n'est finalement venu sur Terre que pour une seule raison, défendre la mère portant l'enfant qui saura sauver les hommes de ces ténèbres divines. Dont acte.

L'action de Légion se déroule près du Nouveau-Mexique, dans un endroit charmant où seul ne subside qu'un relais routier station service dont la seule distraction provient d'un poste télévisuel récalcitrant aux coups de mandale du propriétaire Bob Hanson (Dennis Quaid). Un lieu de rencontre pour une faune égarée et hétéroclite, du bad boy (Tyrese Gibson) au grand cœur, en passant par la famille de la middle class au bord de la crise de nerf "Audrey, ma chérie, ta mère se demandait si tu t'étais habillée ce matin avec la ferme intention d'exhiber ton cul à la terre entière", sans oublier le bon bougre enraciné dans ce petit paradis ensablé pour des raisons professionnelles, soit le cuistot bigot manchot (Charles S. Dutton). Les plus perspicaces auront noté un oubli volontaire lors de la précédente description, la présence d'un couple charismatique en la personne de Charlie (Adrianne Palicki), serveuse enceinte d'on ne sait qui, et Jeep Hanson (Lucas Black), son amoureux caché, archétype du loser, dont le premier but dans la vie semble d'avoir une existence plus morne et misérable que son paternel.

A charge dès lors pour Michael de prendre soin de la néo-Marie (couche toi là) et de son apathique Joseph 2.0 contre les viles hordes d'humains possédés, la station service se transformant en fort assiégé... Scott Stewart aurait-il l'intention de rendre un hommage à la Nuit des morts-vivants de George Romero ou encore Assaut de John Carpenter ? Dans ce cas, Légion rate totalement sa cible. Film bavard à l'action rare et désordonnée, où seule ne reste qu'une impression de déjà-vu avarié, ce ragoût étouffe-chrétien se prend bien trop au sérieux, dont l'unique mérite sera de faire à la fois rire le spectateur moyen devant tant de prosélytisme post-apocalyptique bas de gamme, et de choquer les restants devant tant de blasphèmes nazebroques [3].



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[1] Un cornu déguisé en bête cracheuse de flammes finalement plus occupé à passer du bon temps à Enfer-les-bains qu'à préparer son ultime combat.

[2] Certaines mauvaises langues prétendront que le petit Michael s'est surtout préparé durant toute une éternité à botter le cul de Satan, alors il aimerait bien que le chef ne décide pas au dernier moment de changer ses plans.

[3] Des critiques américaines se sont émues du traitement soit disant anti-chrétien du film. 

10 commentaires:

  1. le directeur photo et le cadreur sont les seuls à tirer leur épingle du jeu... reste dogma pour se consoler

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  2. @ Diane: certes la photo est léchée... trop justement, on croirait une pub ou un clip... et puis qu'est-ce qu'on s'ennuie, heureusement que par moment la connerie insondable du bousin nous sort de notre torpeur ^^

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  3. Là, je salue votre courage. La jaquette / affiche m'a empêché d'aller voir plus loin !

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  4. @Thierry: courage ou pathologie grave? ^^

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  5. Une petite consultation s'impose, en tout cas ! ^^

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  6. Moi je me suis limitée à la musique (à cause de mon boulot!) et c'était du genre grandiloquent et sans intérêt...

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  7. @ Miss Sunalee: J'en ai profité pour refaire un tour sur imdb, donc la musique est l'œuvre de John Frizzell, à qui nous devons pour la postérité les bandes originales des mémorables... pas grand chose en fait, du tout venant pour être poli...
    ... peut pas être pire que James Horner (je reste encore abasourdi et traumatisé par la BO d'Avatar (la musique réussissant l'exploit d'être plus grotesque, pompeuse et simplette que le film... bravo! avec les félicitations du jury ^^)

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  8. En effet, chez les Frizzell, je préfère de loin Lefty Frizzell, une star du honky tonk des années 50-60. Quant à mr Horner, il m'a aussi traumatisé, avec son score éco-friendly pour bobos.

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  9. Quelle daube en effet. Aussi nul que Daybreakers quelques semaines plus tôt. Pourtant, j'aime bien Dennis Quaid...

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  10. @ Ska: Rah je pars sur wikipédia et lire le synopsis: "En 2019, une épidémie transforme la population mondiale en vampires. Le nombre d'humains pouvant fournir du sang diminuant, les vampires cherchent à cultiver le reste des humains et à trouver un moyen de poursuivre leur existence. Une équipe secrète d'humains a découvert un traitement qui pourrait sauver l'espèce humaine"

    Ça donne faim dites moi!!! :-D

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