Ogre - Steven R. Monroe (2008)

En s'inspirant de la célèbre introduction du Captain Flam : au fin fond de votre errance, à des années et des années lumière de toute rémission, veille celui que le cinéphile déviant appelle, quand il n'est plus capable de trouver une solution à ses problèmes, quand il ne reste plus aucun espoir : le nanar horrifique. Voici donc la chronique d'une adorable catastrophe filmique annoncée, celle où l'auteur de ces lignes tentera de démontrer par A+B que la quête du pouvoir rime souvent avec un léger dommage collatéral pour la population de basse extraction.

Pour débuter, on appréciera la délicate accroche commerciale tentant de nous vendre cet Ogre en faisant référence à un autre congénère, vert de son état, qui truste depuis pas mal d'années les projecteurs hollywoodiens: "No Donkey. No Fairy Tale. Just TERROR" [1]. Bref, attention les jeunes, cette production, pour la chaîne câblée étasunienne Sci Fi Channel, réalisée par Steven R. Monroe, n'est pas là pour amuser la galerie. Voici donc le règne de la terreur, jeunes gens, un personnage de légende venu hanter vos pires cauchemars télévisuels... Dommage, finalement, que la seule chose qui soit un tant soit peu impressionnante soit ladite jaquette... étonnant, non ?

     
Non, il ne s'agit pas des aventures de l'ancêtre de Bruce Banner alias Hulk

Ellensford, Pennsylvanie 1859. Une terrible maladie, apparentée à la peste, s'abat sur ce paisible bourg nord-américain. Nul ne peut sauver ses habitants, le maire vient de trépasser, les notables se sentent dépassés. Pour lutter efficacement contre ce mal qui ronge Ellensford, les notables, se résumant à deux crétins, Giles et Lawrence, accompagnés par le médecin Franklin, choisissent (enfin ce dernier sous la contrainte) comme nouveau maire le devin du village, monsieur Henry, dit l'homme à la canne sacrée. En aparté, on peut rester légèrement dubitatif quant au fait que le paganisme soit toléré dans ce village américain, où l'on ne dénote nullement la présence d'un homme d'église... delà à y voir une raison des malheurs frappant le village... Barlett Henry sauve ainsi la population grâce à sa canne magique, les habitants gagnant au passage la vie éternelle. Mais le prix à payer est des plus terribles, car non content de devoir désormais vivre caché, le mal qui hantait Ellensford va dès lors prendre la forme d'un monstre, un ogre, qu'il faudra nourrir au cours du temps par des sacrifices humains... et ceci jusqu'à aujourd'hui [2].

     
Au concours de la plus belle grimace, je crois connaitre la gagnante...

2008. Terry accompagné de ses trois amis jeunes campent non loin du village légendaire. Sur les traces d'Ellensford, Terry, jeune Indiana Jones d'opérette, a la mauvaise idée de se briser la cheville au cours de sa quête. Le groupe doit dès lors se séparer, avec d'un côté les futurs héros, Mike le beau gosse et Jessica le boulet, et les futures victimes, Terry la patte folle, donc, et Léa le super boulet ("Mais qu'est ce qu'il faut faire pour installer un campement ?"). Mike et Jessica ("les potes, ça se séparent pas...") partent du chercher du secours, tandis que les deux autres décident de réveiller l'ogre qui sommeille sous terre...

     
A force de trainer un tel boulet, Mike préfère rester à l'écart pour pleurer

Occulté par Charles Perrault et consorts, l'humour développé par les ogres, quoiqu'un peu rustre, trouve sa place dans ce long métrage. Mieux, notre ogre numériquement vulgaire n'hésite pas une seconde à rappeler à la grimacière Léa son âme d'enfant, qu'importe si l'empotée comprend mal ses gestes amicaux, ou offrir le tibia légèrement entamé de son ami Terry. Malheureusement pour notre ogre, le concours de grimace qui s'en suivit fut entaché par le non respect des règles élémentaires du fair-play de la part de Léa. Et autres traits de caractère oubliés par nos illustres conteurs d'antan, les ogres ont la fâcheuse tendance à être extrêmement pointilleux. Par conséquent, la vilaine transgressant ce jeu qui se voulait avant tout amical, il n'est en aucun cas déroutant de constater l'accès de rage propre aux personnes blessées et lésées par un esprit mesquin. Bref, l'ogre s'est une fois de plus légèrement emporté, et fit ce qu'il sait faire de mieux... le démembrement express [3].

     
Des scènes d'un érotisme troublant: Giles & Lawrence, la bête & mr Henry

Les plus suspicieux se demandent déjà si Ogre mérite alors cette accroche qui fleure bon l'arnaque horrifique à plein nez. Pourtant, force est de constater l'absence de publicité mensongère, point d'âne et encore moins de conte de fée. Et la terreur alors ? Dans le cas présent, passé un certain âge, on pourrait émettre quelques doutes quant au pouvoir effrayant dudit film. Partons du postulat que l'accroche visait avant tout le jeune public à la fois fan de Shrek et avide de sensations fortes... [4]. De toute façon, le budget alloué par Sci Fi ne devant pas être extensible, dans l'ensemble la production d'Ogre est loin d'être honteuse, voire même carrément professionnelle, enfin pour un téléfilm... le cinéaste Steven R. Monroe ayant d'ailleurs une carrière relativement conséquente dans l'industrie télévisuelle s'il on en croit sa fiche IMDB.

Mais ne laissons plus planer le doute, Ogre par quelques petits détails des plus savoureux lorgne évidemment du côté du mauvais film sympathique. Et à ce titre, l'apparition du monstre gris verdâtre dès les premières minutes du métrage joue évidemment en sa faveur [5]. Une fois de plus, les effets numériques ont fait leur œuvre, et il est toujours aussi agréable d'observer un monstre aussi peu crédible. De même, on saluera les efforts de Steven R. Monroe de ne pas jouer la carte de l'esbroufe, l'art de la suggestion n'a définitivement pas sa place dans un film de cette qualité. La facilité aurait été de montrer la bête à partir de la moitié du métrage... et de se priver alors des effets spéciaux numériques dernier cri [6] ?! Enfin ne gâchons pas notre plaisir déviant, le scénario de Chuck Reeves fait aussi la part belle à des personnages caricaturaux et à des situations éculées, la paire crétine Giles & Lawrence portant à nos yeux toute notre attention/affection.


Promenons nous dans les bois, pendant que...

Une alternative nanar de The Blair Witch Project et Le village de M. Night Shyamalan.
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[1] Il s'agissait bien sûr de Shrek.

[2] 700 habitants croqués en presque 150 ans, c'est un bon chiffre me susurre à l'oreille mon agent comptable, la bave aux lèvres et un couteau de boucher à la main...

[3] Le préposé exagère et déforme un peu la réalité. Cela dit, quand vous offrez un cadeau et que la personne vous envoie paître tout en beuglant des cris d'effroi totalement disproportionnés... faut plus s'étonner après de la réaction quelque peu violente de la part de quelqu'un qui a la réputation d'être soupe au lait...

[4] Capillotracté comme argumentation, n'est-ce pas ? Au moins, nul ne pourra me reprocher de n'avoir pas tenté de sauver le soldat Ogre.

[5] Au passage les admirateurs de bestialité lubrique seront déçus, l'ogre porte un pagne.

[6] Quand on a un monstre qui fait environ 4 mètres de hauteur et qui attaque aussi bien de jour comme de nuit, jouer sur les éclairages pour suggérer l'ogre parait quelque peu périlleux.

6 commentaires:

  1. L'idée initiale était pourtant assez originale, il aurait fallu un Clive Barker derrière la caméra ! :) Dommage!

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  2. Nan mais je sais ce que tu penses Syco, tu aurais voulu que Michael Bay prenne la place de Steven Monroe.
    Un tel film aurait permis au réalisateur de "Transformers" de laisser de côté son aspect artificier du 7ème Art, pour développer un peu plus son approche intimiste de l'action, concept qu'il a laissé de côté depuis pas mal de temps... hum... XD

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  3. pas vu mais ça a l'air furieusement con! Je vais aller voir si il est dispo sur amazon... ca m'a donné envie de le voir!

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  4. "furieusement con"... disons qu'il a surtout été réalisé furieusement au premier degré! lol

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  5. Ca y est, je suis catalogué :)

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  6. Digne d'un jeu Playstation première du nom. Voilà un film qui a pour inspiration Le village de Shyamalan, sans toutefois arriver à sa cheville.

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