Master : le corned-beef du death metal ?

En référence au non moins célèbre Bâfrons des Chroniques de la haine ordinaire de Pierre Desproges, le préposé n'est pas fait pour écouter continuellement une musique de haute tenue. Car un peu de sauvagerie primaire n'a jamais tué personne, qui plus est quand cette dernière vous est servie par tonton Paul Speckmann.

Formé par le bassiste Paul Speckmann et le batteur Bill Schmidt à Chicago en 1983, la même année que Death ou Morbid Angel, Master [1] fut l'une des premières formations de la jeune scène extrême à trouver un label au mitan de la décennie. Or, cruelle désillusion, leur contrat avec Combat Records, fin 1985, fut rendu caduc devant les exigences financières de leur manager de l'époque et d'une partie du groupe [2], laissant la place libre à Possessed, premier groupe de death metal à publier un album, le dénommé Seven Churches. Durant la seconde moitié des 80's, Speckmann and co purent dès lors « à loisir » constater l'étendu des dégâts. Master avait certes le statut de groupe culte, le groupe pouvait s'enorgueillir d'être les parrains de la scène extrême de Chicago, mais était devenu surtout spectateur de ce nouveau tourbillon musical. Fin de la décennie, le groupe signait finalement avec Nuclear Blast.

En 1990 sort le premier album éponyme de Master. Album qui a déjà une originalité, celui d'avoir été enregistré deux fois. Les prestations du batteur Bill Schmidt et du guitariste Chris Mittlebrun n'étaient pas du goût du label allemand. Aaron Nickeas (batterie) et Jim Martinelli (guitare) réenregistrèrent ainsi les nouvelles parties. Second mérite et non des moindres, Master réussit à l'heure de sa sortie à être déjà daté. Master fait en effet difficilement concurrence aux nouveaux groupes issus de la scène floridienne, Obituary et Deicide en tête. Si la recette bestiale éprouvée par Possessed arrivait encore à faire illusion en 1985, le Scream Bloody Gore de Schuldiner, publié deux années plus tard, leur donna un sérieux coup de vieux. Death y redéfinissait la feuille de route et le futur dessein du death metal, la postérité ne retenant quant à elle à Possessed la paternité du patronyme de ce nouveau genre [3].

Master officie dans un style qu'on pourrait qualifier de proto-death metal, un métal extrême ultra basique, trois accords, une batterie ultra-binaire, le tout mâtiné d'une sauvagerie de bon aloi. Un style en somme qui rappelle très fortement les débuts de Bathory, le père du métal extrême européen, le black metal. Bref, tout cela n'a pas l'air très engageant. Pourtant, admettons que pour une fois la formule bestiale proposée par Paul Speckmann est des plus réussies, qui plus est pour un trio, un ensemble rarement rencontré dans le monde du death/thrash metal. Des vocaux écorchés plus proche du thrash que du death, des textes qui vont à l'encontre des clichés habituels lorgnant vers le punk (Speckmann avouant l'influence qu'ont pu avoir des groupes tels que Discharge, the Exploited ou Minor Threat), une production étonnamment bonne (contrairement aux premiers albums des futurs cadors du genre sortis à la même époque) et enfin une reprise de Black Sabbath, Children of the Grave, totalement enthousiasmante, tout cela fait de ce premier album une œuvre plus que recommandable, mais aussi et surtout un disque insurpassable pour son auteur [4].


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[1] Master tire son nom d'une chanson de Black Sabbath, Lord Of This World, issue de leur 3ème album Master of Reality : "You made me MASTER of the world where you exist".

[2] L'album enregistré à cette époque et dès lors inédit fut réédité en 2003 sous le titre Unreleased 1985 album.

[3] Le morceau Death metal étant le titre d'une chanson appartenant au premier album de Possessed.

[4] Malheureusement pour Speckmann, il faut avouer qu'on aurait souhaiter que ce dernier trouve la formule, Master pouvant sur le papier incarner le Motörhead du death metal. Mais la qualité des prochains albums après On the 7th Day God Created...Master, avec dans ses rangs le jeune Paul Masvidal (Death/Cynic), ne sera pas au rendez-vous...

8 commentaires:

  1. Ce disque est massif et d'une puissance qui impressionne encore aujourd'hui, de par la noirceur qu'elle dégage.

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  2. C'est vrai qu'il est pas très lumineux cet album :)
    Ce qui fait que pour son côté malsain/noir on peut en effet de nouveau le rapprocher avec les débuts de Bathory, bien que ces deux là ne jouent pas dans le même registre: d'un côté on a un suédois père du black metal des 90's et de l'autre les prémices du death. En tout cas, l'aspect primaire, brut les rapprochent très fortement.
    Ca a un côté trivial d'étudier les débuts d'un genre musical, qui plus est quand ces derniers sont issus de continent différent... une sorte de darwinisme musical LOL

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  3. Tu complète bien merci ;)

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  4. Tu oublies Doug MacRay dans ton lot de choses innavouables ... ( je crois que ça s'écrit comme ça ... )

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  5. Ah c'était bon le temps le métal à l'époque... Y avait pas de chichis... (mode nostalgie off).

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  6. Devine ce que je regarde là ... Un film avec des zombis nazis qui sortent d'un lac ... Ca te dis quelque chose ? Mdr ...

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  7. Pour commencer, désolé pour mon absence momentanée... 3 jours sans internet! Aaaaaaaaaaaargh :P

    Alors euh miss Divine vous soulignez un certain Doug Mac Ray? Je dois avouer honteusement que je ne connais pas ce monsieur... maintenant après de brèves recherches, je tombe sur Doug Mac Ray alias le braqueur amoureux, et là j'ai peur! XD
    Enfin je dis ça je dis rien ;) Un auteur qui porte le prénom de mister Norris et le nom d'un célèbre catcheur péroxydé attise la curiosité! :D
    Des zombis nazis qui barboteraient dans une mare aux canards vous voulez dire? :) Je conclurai par un merci messieurs Jean Rollin et Marcel Lesoeur ;)

    @ Syco: on dira ce qu'on voudra mais ce blog ressemble de plus en plus à un repère de nostalgiques XD

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  8. Oui ! Un jour on dira "ah c'était le bon temps la période "nostalgique" de ce blog"... :)

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